mardi 22 avril 2025

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle aux Grains, le 8 décembre 2023. BEETHOVEN / BRAHMS : Orchestre National du Capitole de Toulouse / Mao Fujita (piano) / Elias Grandy (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Les mélomanes toulousains ont payé de malchance après l’annulation consécutive, pour des raisons de santé, de la pianiste star Maria Joao Pires puis de l’ancien directeur musical de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev, tous les deux très attendus à la Halle aux Grains pour une exécution des 4èmes Concerto pour piano de Beethoven et Symphonie de Brahms. Mais ils ont néanmoins eu la grande satisfaction, à en croire le triomphe qu’ils leur ont réservé ensuite, de découvrir deux jeunes musiciens d’exception en la personne du pianiste japonais Mao Fujita et du chef nippo-allemand Elias Grandy (que nous avions justement découvert, un mois plus tôt, dans un autre concert symphonique à Monte-Carlo). Chose rare avec un double changement, de chef et de soliste, le programme est resté lui inchangé. 

 

 

Jeune pianiste (né en 1998 à Tokyo) ayant remporté des prix aussi prestigieux que le Premier prix du Concours International de piano Clara Haskil ou la médaille d’argent au Concours Tchaïkovsky 2019, Mao Fujita entre dans l’arène toulousaine ainsi précédé d’une flatteuse réputation. Et il ravit au plus haut point dans le célèbre opus beethovénien qui, sous ses doigts, est interprété avec pudeur et sans afféterie. Pas d’excentricité ni de gestes ostentatoires au détriment de la musique : place à un Beethoven simple et sans ostentation, et à ce long poème sonore dont l’héroïsme n’est plus la tonalité dominante. Pianiste et orchestre exposent des vérités complémentaires, et ils avancent ensemble, du dialogue aux instants de symbiose. L’interprétation, apaisée et dépassionnée, n’en a pas moins fait ressortir le dramatisme inhérent à l’ouvrage. Fujita nous offre une version sobre et sans préciosité : son toucher est clair et le phrasé équilibré dans l’Andante con moto, avant de dérouler une belle virtuosité dans le Rondo final. Comme, sous ses doigts, ce concerto paraît merveilleusement simple et facile ! Mais pour montrer toutes les facettes de son art, c’est un bis diabolique (que nous n’avons pas reconnu) qu’il offre au public, à contre courant total de son jeu dans le concerto de Beethoven.

En seconde partie de soirée, on reste avec le chiffre 4 et dans le romantisme germanique avec la grandiose 4ème Symphonie de Brahms, dirigée de manière passionnée par le bondissant Elias Grandy, même si c’est avant tout la virtuosité des musiciens de l’ONCT qui fait merveille ici, d’autant que cette virtuosité n’est ni gratuite ni grandiloquente, mais parfaitement en situation dans une symphonie qui y fait peut-être plus directement appel que ses trois aînées. La conduite de l’Allegro non troppo initial, introduit par un piano magnifiquement progressif des premiers et seconds violons, prend de plus en plus d’ampleur, jusqu’au déchaînement final d’une absolue maîtrise. Les deux mouvements intermédiaires s’avèrent impeccablement réalisés, avec un Andante lyrique et progressif, suivi par un Allegro giocoso étincelant et dynamique à souhait. Le plus impressionnant est la capacité de la masse instrumentale réunie (à travers en particulier un pupitre de cordes bien garni, comptant notamment huit contrebasses) de parvenir cependant à une transparence et à une clarté qui contribuent à alléger un discours dont la solennité n »n explose pas moins dans un quatrième mouvement ravageur. 

Au final, un concert qui aura tenu toutes ses promesses malgré l’annulation des deux stars initialement prévues !

 

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CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle aux Grains, le 8 décembre 2023. BEETHOVEN / BRAHMS : Orchestre National du Capitole de Toulouse / Mao Fujita (piano) / Elias Grandy (direction). Photos © Emmanuel Andrieu

 

VIDEO : Mao Fujita interprète le 23ème Concerto pour piano de Mozart

 


 

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