Sasha Waltz, chorégraphe allemande aux multiples facettes, présente au Bâtiment des Forces Motrices de Genève une création qui résonne profondément avec les tumultes de notre époque. Inspirée par la Septième Symphonie de Beethoven et enrichie par les compositions électroniques de Diego Noguera, cette œuvre chorégraphique explore les thèmes de la désillusion, de la résistance et de la quête de liberté.
Le spectacle s’ouvre dans une atmosphère apocalyptique. Un nuage opaque envahit l’espace, évoquant une catastrophe nucléaire ou un monde en ruine. Des silhouettes émergent de cette brume, masquées et ankylosées, comme des survivants d’un désastre. Leur mouvements, saccadés et chaotiques, sont portés par les rythmes puissants et déstructurés de Diego Noguera. Les danseurs, tels des fantômes ou des êtres hybrides, semblent traverser un paysage dévasté, oscillant entre désespoir et résilience.
Puis, la musique de Beethoven prend le relais, apportant une dimension lyrique et introspective. La chorégraphie de Sasha Waltz épouse parfaitement les nuances de la symphonie, traduisant en mouvements fluides et expressifs les émotions contrastées qui traversent l’œuvre. Les danseurs, pieds nus, glissent sur scène avec une grâce presque surnaturelle, leurs gestes reflétant tour à tour la mélancolie, la révolte et l’espoir. Le célèbre Allegretto, avec son rythme lancinant et poignant, devient un moment de grâce collective, où les corps semblent se fondre dans la musique pour transcender la douleur.
Sasha Waltz ne se contente pas de danser sur Beethoven ; elle dialogue avec lui, interrogeant les idéaux brisés du compositeur et les confrontant aux défis contemporains. La juxtaposition de la symphonie classique et des sonorités électroniques de Noguera crée un contraste saisissant, soulignant la tension entre tradition et modernité, ordre et chaos.
Le spectacle culmine dans une scène où les danseurs, vêtus de robes légères, semblent incarner une renaissance. Leur énergie, d’abord contenue, éclate en une danse libératrice, symbolisant peut-être la possibilité de surmonter les épreuves. Un danseur afro-européen, en marcel blanc, émerge comme une figure rassembleuse, guidant les autres vers une forme de rédemption collective.
Avec Beethoven 7, Sasha Waltz confirme son statut de l’une des chorégraphes les plus visionnaires de notre temps. Son travail, à la fois rigoureux et émouvant, transcende les frontières entre danse, musique et théâtre, offrant une expérience artistique qui touche à l’universel. Ce spectacle, présenté à Genève jusqu’au 16 mars, est une invitation à réfléchir sur notre humanité, nos luttes et notre capacité à trouver la lumière dans l’obscurité.
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CRITIQUE, danse. GENÈVE, Bâtiments des Forces Motrices, le 14 mars 2025. Sasha WALTZ : Beethoven 7. Ballet Sasha Waltz & Guests. Crédit photographique © Sebastian Bolesch