lundi 1 juillet 2024

CRITIQUE, danse. PARIS, Grande Halle de la Villette (du 23 mai au 6 juin 2024). REQUIEM(S) : Ballet Preljocaj / Angelin Preljocaj (chorégraphe).

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

A l’aube d’une tournée qui commencera cet été par le Festival Montpellier Danse (en juillet), la Grande Halle de la Villette (dans le cadre de la Saison 24/25 du Théâtre National de la Danse-Chaillot… hors les murs !) accueille (après Aix-en-Provence où elle vient d’être créée en mai dernier) la dernière chorégraphie d’Angelin Preljocaj : « Requiem(s) ». Inspiré par la mort et le deuil, le chorégraphe dynamite son sujet, fouille dans la mémoire collective, en inspectant les mythes et les légendes…

 

 

Il en déduit un fabuleux voyage nocturne, un rituel mémoriel viscéralement désespéré, outrageusement onirique, à la fois sépulcral et fantastique… exigeant des (19) danseurs de sa compagnie Ballet Preljocaj, un état de transe qui va croissant jusqu’à l’exténuation et la délivrance finales… et dans l’épuisement des corps éprouvés surgit la vérité ultime, cette fragilité hypersensible qui est profondément humaine. Le sillon émotionnel creuse la lyre lacrymale, celle du deuil et de la perte – souffrance aussi psychologique que corporelle ; ce qui épaissit encore la charge psychique du spectacle où les expressions, les visages, les regards sont aussi signifiants que la ligne des silhouettes et les enchaînements d’un corps à l’autre. 

 

Requiem(s) d’Angelin Preljocaj
Transe et rites cathartiques

 

 

Très inspiré par son sujet (après avoir subi la perte de ses deux parents l’an passé, mais aussi d’amis proches…), et soucieux de déployer une esthétique collective, le chorégraphe joue des symboles du groupe en soignant figures et postures : processions, célébrants, résistants, martyrs… Défunts et vivants sont tous emportés, acteurs dérisoires d’un grand macabre collectif, ou pantins de bacchanales infernales (le sabbat final), des morts de la Peste aux camps de la mort, rien n’est épargné aux spectateurs ! D’autant que la palette chromatique est ici resserrée entre blanc, gris et noir, nuances des ténèbres en quête de lumière, qu’inscrivent également les costumes d’Eleonora Peronetti comme un camaïeu sublime et doloriste – exception faite en fin de rituel : juste du rouge sang pour la scène sabbatique finale… 

Dans Requiem(s), Angelin Preljocaj ose narguer la grande faucheuse ; la surenchère qui se fait frénésie déploie un nouvel esthétisme cathartique… les tableaux s’enchaînent, masse compacte ou groupuscules, solos et pas de deux ; l’élan vital se mesure à l’aulne de l’effort partagé, du dépassement en nombre. Le spectacle enchaîne aussi les musiques de Ligeti, de Mozart… mais aussi Messiaen, Bach, Haas – ou encore les déflagrations sonores des rockeurs californiens « System of a Down », cependant que la voix de Gilles Deleuze conclut le spectacle. Intense et contrasté, le spectacle n’en reste pas moins sujet à un certain éparpillement ; les divers tableaux manquant entre eux de lien fort pour assurer un fil fédérateur, un flux dramatique unifié d’un bout à l’autre. Mais le souffle cathartique, c’est à dire éprouvé, vécu comme une performance libératrice, réalise effectivement une saisissante expérience visuelle et physique. A voir (et à vivre…) indiscutablement !

 

 

___________________________________________

REQUIEM(S) d’Angelin Preljocaj

Grande Halle de la Villette (dans le cadre de la saison 24/25 de Chaillot – Théâtre National de la Danse) – jusqu’au 6 juin 2024 (Durée : 1h30).

Musique de G. Ligeti, W.A.Mozart, System of a Down, J-S.Bach, H.Guðnadóttir, G.Deleuze, Chants médiévaux (anonymes), O.Messiaen, G.F Haas & J.Jóhannsson, 79D…

Danseurs : Lucile Boulay, Elliot Bussinet, Araceli Caro Regalon, Leonardo Cremaschi, Lucia Deville, Isabel García López, Mar Gómez Ballester, Paul-David Gonto, Béatrice La Fata, Tommaso Marchignoli, Théa Martin, Víctor Martínez Cáliz, Ygraine Miller-Zahnke, Max Pelillo, Agathe Peluso, Romain Renaud, Mireia Reyes Valenciano, Redi Shtylla et Micol Taiana.

Lumières d’Éric Soyer
Costumes d’Eleonora Peronetti
Vidéo de Nicolas Clauss
Scénographie d’Adrien Chalgard
Choréologue – Dany Lévêque

 

PLUS D’INFOS sur le site de la Compagnie ANGELIN PRELJOCAJ : https://preljocaj.org/creation/requiems/

 

TOURNÉE :

4 au 6 juillet 2024 au Corum, Festival Montpellier danse 2024 ;
12 juillet 2024 à l’Opéra de Vichy ;
04 et 05 octobre 2024 à L’Archipel, Perpignan ;
12 octobre 2024 au Carré, Ste Maxime ;
16 au 19 octobre 2024 au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence ;
20 et 21 novembre 2024 à La Coursive, La Rochelle ;
30 novembre 2024 à Cannes, Palais des Festivals ;
04 décembre 2024 au Teatro Comunale Pavarotti-Freni, Modena, Italie ;
18 au 22 décembre 2024 au Théâtre de Caen ;
06 au 09 février 2025 aux Gémeaux – Scène nationale de Sceaux ;
12 au 19 mars 2025 à l’Opéra Royal du Château de Versailles ;
03 au 05 avril 2025 à l’Opéra de Rouen, France ;
13 et 14 avril 2025 au Megaron Athènes Concert Hall, Athènes, Grèce ;
09 et 10 mai 2025 au Teatros del Canal, Madrid, Espagne ;
13 mai 2025 à l’Auditorium, Dijon ;
16 et 17 mai 2025 à l’Équilibre, Fribourg, Suisse ;
juillet 2025 à Vaison Danses

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

BADEN-BADEN. Académie Carl Flesch 2024 : 1er – 14 juillet 2024 (Kluster Lichtenthal), concerts les 13, 14 juillet, 31 octobre 2024 (Kurhaus)

Chaque été, depuis l’an dernier, la Philharmonie de Baden-Baden organise l’Académie CARL FLESCH, une institution musicale estivale prestigieuse qui...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img