samedi 29 juin 2024

CRITIQUE, festival. CREMONA, Concert de clôture du 41ème Festival Monteverdi, le 23 juin 2024. Les Musiciens du Prince-Monaco / Cecilia BARTOLI / Gianluca Capuano (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Initié, le 14 juin, par une production de L’Orfeo (confiée à Olivier Fredj), le 41ème Festival Monteverdi de Crémone (où le “patriarche” de la musique occidentale est né, en 1567) s’est clôturé (le 23 juin) par un Concert de Gala avec la plus célèbre chanteuse lyrique italienne de notre temps… La grande Cecilia Bartoli bien sûr, accompagnée ici de manière toute aussi évidente par Les Musiciens du Prince-Monaco, ensemble baroque qu’elle a co-fondé avec le monégasque Jean-Louis Grinda, et leur directeur musical Gianluca Capuano

 

 

Si la quasi exclusivité des concerts donnés dans différents lieux de la cité lombarde (Église San Marcellino, Basilique San Michele, Auditorium du Musée du Violon, Teatro Ponchielli…), entre le 14 et le 23 juin (nous reviendrons sur ceux du 22 juin plus tard…), était dédié à “l’Enfant du pays” et à ses contemporains (Gabrielli, Cavalli, Legrenzi…), le concert de clôture faisait un peu office d’exception, car Claudio Monteverdi n’est pas exactement le répertoire dans lequel la mezzo romaine s’est le plus illustrée, loin de là, mais la présence de la star du chant lyrique est toujours un luxe et un événement d’ampleur pour n’importe quel festival qui veut “faire parler de lui”…

Et Cecilia Bartoli, sur laquelle le temps ne semble avoir aucune prise, brille ce soir comme jamais ! Après une rapide Ouverture due à la plume de Corelli, la Diva entre sur le plateau du magnifique Teatro Ponchielli (dans une robe vert émeraude à collerette dorée) sur les accords de flûte émis par le fidèle Marc Goujon, dans l’aria d’Almirena « Augelletti, che cantate » extrait de Rinaldo de Georg Friedrich Haendel. Dans cet air magique, la beauté et le cristal des notes filées, qui semblent n’avoir aucune limite dans le registre supérieur, font partie des plus belles sonorités qu’il peut nous être donné d’entendre aujourd’hui à l’opéra. Mais à la pure virtuosité vocale, Cecilia Bartoli préfère désormais la simplicité, et c’est sans doute la marque des plus grandes… et elle enchaîne avec le déchirant “Lascia la spina” du même Haendel (Il Trionfo del Tempo e del Disinganno), un air qu’elle porte à son paroxysme émotionnel, en même temps qu’elle donne une magistrale leçon de souffle et de grâce, d’autant qu’elle le délivre ici dans un quasi murmure. Puis, l’orchestre continue seul avec une pièce instrumentale du “Caro Sassone”, avec l’un de ses nombreux “Concerti grossi”.  

Retour de la Diva, avec un air de Monteverdi – dont elle ne pouvait faire l’impasse lors d’un festival qui lui est consacré -, le langoureux “Si dolce è il tormento”, exécuté après que Gianluca Capuano ait fait résonner tout un florilèges de pièces montéverdienne – dont la célébrissime Toccata du Prologue de L’Orfeo. Le phrasé de Bartoli et la qualité d’émotion dont elle parvient à charger cet air fait son effet sur l’auditoire qui n’ose même pas l’applaudir, l’air achevé… L’on quitte la douleur pour la virtuosité, mais avec orchestre seul, et c’est dans un tourbillon inouï que Gianluca Capuano plonge ses Musiciens du Prince-Monaco, grâce à la célébrissime Follia, dans une transcription de l’italien Francesco Geminiani. Le public retrouve apaisement et sérénité avec avec la flûte de Jean-Marc Goujon, avec lequel la mezzo reprend le dialogue du début de soirée, mais dans un format plus apaisé, avec l’air de Ruggiero « Sol da te moi dolce amore » tiré de l’Orlando Furioso de Vivaldi. Pour l’air final, la folie, le brio et la virtuosité reprennent le dessus, avec l’air de Melissa « Mi deride… destero all’empia Dite », extrait d’Amadigi di Gaula de Haendel. C’est à une véritable bataille entre la trompette de Thibaud Robinne, le hautbois de Pier Luigi Fabretti et la voix de Cecilia Bartoli que les auditeurs sont conviés, chacun faisant montre de sa virtuosité dans le même morceau de musique et, le lecteur s’en doutera, c’est la voix de la chanteuse qui l’emporte en termes de longueur de souffle et d’extrapolations ! 

Il s’ensuit un véritable délire collectif… et des roses blanches tombant incessamment sur la Diva depuis les loges du proscenium, qu’elle distribue ensuite à ses amis musiciens. Devant la liesse provoquée, Bartoli enchaîne un, puis deux, puis trois bis – dont l’aria de Cléopâtre (dans Giulio Cesare de Haendel) “Piangero la mia sorte” (rôle qu’elle vient tout juste d’interpréter à l’Opéra Royal de Versailles). Elle conclut la soirée avec l’un de ses chevaux de bataille, « A facile vittoria » d’Agostino Steffani, dans lequel se joue une vraie joute entre le hautbois de Fabretti et la voix de Bartoli… qui enchaînent tous deux et sans transition sur le célèbre Summertime de George Gershwin, rythmé par les claquements de doigts des musiciens… puis bientôt ceux de la salle !

En guise de conclusion, mentionnons le discours “introductif” de Mr Andrea Cigni, directeur de la manifestation crémonaise, qui a annoncé – pour l’édition 2025 du Festival Monteverdi – les deux titres lyriques qui seront les joyaux de la nouvelle édition : Le retour d’Ulysse en sa patrie de Monteverdi et Ercole amante de son élève Francesco Cavalli. Alors vivement juin 2025 !

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CRITIQUE, festival. CREMONA, Concert de clôture du 41ème Festival Monteverdi, le 23 juin 2024. Les Musiciens du Prince-Monaco / Cecilia BARTOLI / Gianluca Capuano (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDEO : Cecilia Bartoli chante « Gelido in ogni vena » extrait de « Il Farnace » de Vivaldi

 

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