mardi 2 juillet 2024

CRITIQUE, opéra. AVIGNON, Opéra Grand Avignon (du 5 au 9 avril 2024). PUCCINI : Tosca. B. Haveman, S. Guèze, A. Heyboer… Jean-Claude Berruti / Federico Santi.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Il en va de Tosca comme de la Traviata ou de Carmen : éternellement jeunes, ce sont des amies de longue date dont on croit connaître tous les secrets, et que l’on retrouve toujours avec bonheur comme avec appréhension. La surabondance de propositions est loin d’en avoir épuisé la richesse. Une nouvelle preuve nous en est donnée avec la production que signe Jean-Claude Berruti pour l’Opéra Grand Avignon, après avoir été étrennée en 2022 au Théâtre de Trèves (Theater Trier), maison coproductrice du spectacle. Plus que beaucoup d’ouvrages véristes, l’efficace drame de Sardou se prête à la caricature expressionniste et au Grand-Guignol, mais rien de tout cela ici, avec un refus assumé de transposer ou d’actualiser l’intrigue, en même temps qu’une volonté de dépasser l’anecdote pour concentrer toute l’attention sur les principaux acteurs, broyés tour à tour par le drame.

 

 

Grâce à de superbes vidéos dues à Julien Soulien, les trois lieux où se joue l’action sont respectés, une vidéo mouvante qui laisse entrevoir l’Église Sant’Andrea della Valle comme la pièce principale du Palazzo Farnese sous toutes ses coutures, tandis que les costumes conçus par Jeanny Kratochwil respectent l’ère napoléonienne, et s’avèrent de très belle facture. La scénographie (de Rudy Sabounghi) passe un peu à la trappe devant l’utilisation de la vidé -, sans jeu de mot puisque la direction d’acteurs, très discrète aussi, se résume un peu à l’utilisation d’une trappe qui sert à la fois de cachette (à la place de la chapelle familiale des Attavanti), de pièce de torture ou encore d’entrée et de sortie de la cellule de Mario au Castel Sant’Angelo.

Dans le rôle-titre, la soprano hollandaise Barbara Haveman offre en Tosca un portrait vocal riche, mêlant en un bel équilibre, souci du phrasé, legato et mezza voce, tout en ne sacrifiant jamais la musicalité, avec des accents qui savent se faire impérieux, autoritaires, justement dramatiques. La voix, dans ce rôle, fait valoir ses assises, son ampleur, ses couleurs. Quant à l’actrice, elle se montre hors pair, trouvant dans cette héroïne hautement dramatique l’un de ses meilleurs emplois. 

Côte masculin, le baryton brivadois André Heyboer est Scarpia, personnage central du drame. Si la première apparition du détestable tyran et prédateur manque un peu de noirceur et de brutalité, celle-ci – et la violence érotique de l’homme du monde – s’affirmeront, vocalement et dramatiquement, avec plus d’impact par la suite. La voix est solide, tranchante comme insinuante, bien timbrée. Le Mario Cavaradossi qu’incarne, pour la première fois, le ténor ardéchois Sébastien Guèze confirme toutes les qualités de ce chanteur que l’on suit depuis ses débuts, il y a bientôt quinze ans maintenant. L’émission est généreuse, colorée, et le personnage est convaincant, de sa passion pour Tosca, de son engagement républicain (ses tonitruants “Vittoria ! vittoria !” à l’annonce de la victoire de Bonaparte), de sa vaillance héroïque jusqu’au sacrifice de sa vie. L’animation des premiers dialogues, puis le “Recondita armonia”, son premier air attendu, sont autant de bonheurs. Mais c’est encore dans le lamento de la lettre qu’il écrit avant son exécution, “E lucevan le stelle”, que l’émotion nous étreint le plus, bravo à lui ! Quant aux comprimari, à commencer par le truculent Sacristain de Jean-Marc Salzmann et le solide Angelotti d’Ugo Rabec, n’appellent aucun reproche.

En fosse, le chef italien Federico Santi est une belle découverte. Nerveuse, contrastée à souhait, lyrique sans jamais être sirupeuse, bien articulée, sa direction fait merveille. L’Orchestre National Avignon-Provence, le Chœur et la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon, ne font qu’un pour donner le meilleur d’eux-mêmes. La richesse d’écriture, l’orchestration somptueuse de la partition sont mises en valeur par la lecture qui en est donnée : de la poésie, de la tendresse, mais aussi de l’animation, des tensions qui s’exacerbent, des progressions conduites de main de maître, tout est là. Et c’est bien naturellement que le public provençal, d’un enthousiasme rare, ovationne longuement tous les acteurs de cette incontestable réussite !

 

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CRITIQUE, opéra. AVIGNON, Opéra Grand Avignon (du 5 au 9 avril 2024). PUCCINI : Tosca. B. Haveman, S. Guèze, A. Heyboer… Jean-Claude Berruti / Federico Santi.

 

VIDEO : Sébastien Guèze interprète « E lucevan le stelle » en récital avec piano

 

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