dimanche 20 avril 2025

CRITIQUE, opéra. BRUXELLES, Théâtre Royal de la Monnaie (du 4 février au 2 mars 2025). WAGNER : Le Crépuscule des Dieux. I. Brimberg, B. Register, A. Ainger… Pierre Audi / Alain Altinoglu

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

La Tétralogie de Richard Wagner présentée par La Monnaie de Bruxelles a suscité de vives réactions, notamment en raison des choix audacieux et du départ précipité du metteur en scène Romeo Castellucci après La Walkyrie. Les raisons de son retrait restent floues, alimentant les discussions pour les années à venir. Pierre Audi a été appelé en urgence pour reprendre les rênes, décidant de s’éloigner du travail de son prédécesseur. Après un Siegfried réussi malgré les contraintes de temps, l’attente était grande pour ce Crépuscule des dieux.

 

Pierre Audi a brillé en optant pour une approche à la fois stylisée et fidèle à l’œuvre originale, respectant scrupuleusement les indications de Wagner. Les personnages sont incarnés avec justesse : Siegfried en héros intrépide, Brünnhilde en walkyrie déchue, les Gibichungen en ambitieux manipulateurs, et Hagen en figure de haine pure. La direction d’acteurs, précise et nuancée, permet une immersion totale dans l’histoire, évitant les écueils d’un réalisme simpliste. La stylisation est l’autre pilier de cette production. Des formes géométriques, des éclairages somptueux et des costumes intemporels évoquent les mises en scène épurées de Wieland Wagner. Certaines images marquent durablement : les Nornes enveloppées dans des cocons métalliques, le dialogue halluciné entre Hagen et Alberich, ou encore les Filles du Rhin drapées dans des vagues lumineuses. Seul bémol : la fin, où l’embrasement du Walhalla manque un peu de grandeur. Cependant, le retour des Filles du Rhin, souvent sacrifié dans d’autres productions, est une touche appréciée. Certains ont regretté l’absence de « déconstruction » ou de « distance critique », mais cette version, à la fois traditionnelle et rafraîchie, offre une beauté naïve et envoûtante.

Les chanteurs réunis à Bruxelles s’avèrent à la hauteur. Bryan Register incarne un Siegfried lyrique et touchant, bien que parfois limité en puissance. Ingela Brimberg, en Brünnhilde, déploie une voix puissante et expressive, malgré une fatigue perceptible dans l’immolation finale. Ain Anger, en Hagen, est une révélation, avec une présence scénique et une voix sombre qui captivent. Les Gibichungen, interprétés par Andrew Foster-Williams et Anett Fritsch, sont tout aussi convaincants, tout comme Nora Gubisch en Waltraute, ainsi que les 3 Nornes et les 3 Filles du Rhin, toutes impeccables dans leurs rôles respectifs.

La direction musicale d’Alain Altinoglu est un autre point fort. L’Orchestre symphonique de La Monnaie livre une performance d’une richesse et d’une précision remarquables, rappelant la tradition bayreuthienne. Altinoglu sait équilibrer les forces orchestrales avec les voix sur scène, créant des moments de poésie pure, comme le prologue avec les Nornes, ou des envolées lyriques, comme la scène des Filles du Rhin. 

Malgré quelques imperfections, cette production s’impose comme l’une des plus belles des dernières années au Théâtre Royal de la Monnaie. La mise en scène de Pierre Audi, bien que moins audacieuse que celle de Castellucci, reste cohérente et efficace, servie par une distribution et une direction musicale de haut vol. Le public, debout à la fin, a salué chaleureusement cette réussite, marquant ainsi la fin d’une aventure artistique mémorable.

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. BRUXELLES, Théâtre Royal de la Monnaie (du 4 février au 3 mars). WAGNER : Le Crépuscule des Dieux. I. Brimberg, B. Register, A. Ainger… Pierre Audi / Alain Altinoglu. Toutes les photos © Monika Rittershaus

 

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