mercredi 16 avril 2025

CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre (du 15 au 27 septembre). WAGNER : Tristan und Isolde. G. H. Jones, E. Strid, K. Stanek, T. Nazmi… M. Thalheimer / M. Albrecht.

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Après avoir nous avoir enthousiasmés, ici-même au Grand-Théâtre de Genève dans Parsifal (du même Richard Wagner) l’an passé, Michael Thalheimer peine cette fois à convaincre dans Tristan und Isolde, dont il livre une proposition scénique à la fois lapidaire et simpliste. Comme scénographie unique (signée par Henrik Ahr), 260 spots lumineux qui viennent éclairer (ou pas) le plateau, avec forcément un aspect aveuglant pour le public du parterre, parfois jusqu’au désagréable. On respire quand le mur de projecteurs s’incline pour se redresser et éclairer par “au-dessus” la scène, et l’on s’interroge sur la légitimité du procédé quand on sait que Tristan est un “opéra de la nuit et de la mort”, surtout dans l’image finale où au lieu du néant, la scène devient aveuglante. La direction d’acteurs montrant d’abord Isolde tirer avec peine et au bout d’une corde le bateau sur lequel elle est censée naviguer, avant que plus loin, au début du III, Tristan ne reprenne à son compte le fardeau. Au II, on les voit se tailler les veines et unir leur sang, tandis que la scène finale nous montre, pendant le fameux “Liebestod”, Isolde s’auto-égorger à grand renfort d’hémoglobine. Bref, on est loin aussi de toute la métaphysique et portée symbolique qu’appelle l’ouvrage du maître de Bayreuth…

 

 

Les chanteurs et la musique, par bonheur, nous tirent d’une certaine léthargie dans laquelle la mise en scène avait tendance à nous plonger, grâce notamment à l’Isolde fière et vaillante d’Elisabet Strid. D’une parfaite adéquation vocale avec le personnage, la soprano suédoise épouse chaque note, chaque intonation, avec une beauté sonore et une facilité déconcertantes. Ses aigus sont radieux, sa musicalité sans faille, et elle arrive au fameux Liebestod sans trace de fatigue. Las, le tristan de Gwyn Hughes Jones (avec un physique et un âge antinomiques avec ceux de sa jeune et sculpturale consoeur) n’a rien du heldentenor exigé par la rôle de Tristan, obligé de forcer sa voix dont la couleur est par ailleurs bien trop claire pour convaincre. Il parvient à bout de son terrible monologue du III après bien des efforts et ports de voix intempestifs. En Brangäne, la mezzo allemande Kristina Stanek crée la surprise, car de son “petit format” sort une voix puissante et rayonnante, tandis que le “grand format” de la basse belgo-marocaine Tareq Nazmi assure au Roi Marke l’autorité et la profondeur qu’exige son personnage. Le Kurwenal du baryton norvégien Audun Inversen marque les esprits, avec son timbre éclatant qui emplit sans peine le vaste vaisseau genevois. Enfin, le ténor croate Emanuel Tomljenovic (Le Marin, Le Berger) offre une voix claire et une belle musicalité, tandis que le français Julien Henric est tout simplement un luxe en Melot, l’acteur se montrant particulièrement convaincant dans sa véhémence.

En fosse, le chef allemand Marc Albrecht adopte des adopte des tempi plutôt lents – chaque acte durant ainsi environ 1h15 -, ce qui profite incontestablement à la beauté du son. L’Orchestre de la Suisse Romande donne, en effet, le meilleur de lui-même, de bout en bout admirable de cohésion et de clarté, avec des sonorités magnifiques. Tour à tour dramatique et nuancé, avec un rare souci du détail instrumental, Albrecht ménage un rapport parfait entre les voix et un orchestre somptueux mais jamais envahissant.

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CRITIQUE, opéra. GENEVE, Grand-Théâtre (du 15 au 27 septembre). WAGNER : Tristan und Isolde. G. H. Jones, E. Strid, K. Stanek, T. Nazmi… M. Thalheimer / M. Albrecht. Photos (c) Carole Parodi.

 

VIDEO : Trailer de « Tristan und Isolde » de Richard Wagner selon Michael Thaheimer au Grand-Théâtre de Genève

 

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