CRITIQUE, LIVE Streaming, opéra. La mise en scène de Sofia Adrian Jupither est sobre, efficace, convoquant une Chine impériale assez flamboyante qui imbrique bien tableaux collectifs avec la foule (omniprésente) et les situations plus individualistes. L’action s’en trouve heureusement clarifiée et continument lisible.
La valeur vient aussi d’un plateau très convaincant avec dans le rôle-titre, puissante et nuancée, la soprano Astrik Khanamiryan : déité spectaculaire au moment des 3 énigmes, sa Turandot s’ouvre à l’amour et s’humanise enfin dans la dernière demi-heure, celle qui n’est pas de la main de Puccini. Ailleurs quand beaucoup de production n’évite pas un sentiment de rupture entre la partie de Puccini et son ajout final, ici le drame s’écoule sans heurts perceptibles, éclairant la transformation de l’héroïne, de sa pétrification barbare à sa lente féminisation.
A ses côtés, le Calaf de Mikheil Sheshaberidze reste solide et d’un héroïsme affirmé, parfois monolithique, mais la sûreté du chant offre un beau contraste avec Turandot dont il veut toucher le cœur et l’âme.
Les 3 ministres, toujours très impliqués et caractérisés, le chœur tout autant présent, véritable personnage, acteur du drame ; et les 2 « seconds rôles » : de Liù et Timur (Reetta Haavisto et Matti Turunen, crédibles et intenses).
Même l’Empereur Altoum est émouvant vocalement et physiquement, ce qui accrédite encore la justesse du spectacle et la relation de l’Empereur cacochyme à sa fille.
A partir de 2h34’43 – après la mort de Liu, et avec l’air de Calaf, triomphant, impérieux (« Principessa di morte, di gelo ») implore voire ordonne à Turandot de descendre de son piédestal… et de s’ouvrir à l’amour, grâce à un baiser décisif qui lui ouvre les portes de la félicité humaine.
La soprano pert en précision, dans un récitatif et un parlando plus approximatif, et ici le ténor pourrait gagner en finesse dans un duo qui doit être celui du ravissement fusionnel. Qu’importe, la tension et le miracle de l’amour se réalisent finalement en une incandescence vocale digne des opéras mythologiques et magiques de Richard Strauss… Et Astrik Khanamiryan se montre globalement à la hauteur du personnage, sacralisé, déifié au début puis ardente et sensible… quand le prince lui révèle son nom « Je suis Calaf, fils de Timur », se livrant totalement à celle qui pourrait le foudroyer. Ce qu’elle ne fait pas ; touchée par la loyauté de celui qui la désire pour elle et non pour son titre.
Dommage par contre que le chef force souvent le trait ; la baguette sonne dure et trop contrastée, pas assez pointilliste alors que l’orchestration de Puccini doit scintiller et moins comme ici souvent fracasser. Le spectacle visuellement est très juste et esthétique ; vocalement solide. Globalement, excellente production.
CRITIQUE, LIVE Streaming, opéra. DIRECT depuis Helsinki, du 16 février 2023.
NOTE : 4 / 5
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VOIR TURANDOT au Finnish National Opera :
https://operavision.eu/fr/performance/turandot-2
En direct le 16 février 2023 à 17h50 CET
En REPLAY jusqu’au 16.08.2023 à 12h CET
Distribution / Cast :
Turandot : Astrik Khanamiryan
Calaf : Mikheil Sheshaberidze
Liù : Reetta Haavisto
Ping : Jussi Merikanto
Pang : Mika Pohjonen
Pong : Tomas Pavilionis
Timur : Matti Turunen
Altoum : Jussi Miilunpalo
Un mandarin : Aapo Kilpelä
Orchestre et chœur du
Finnish National Opera
Pietro Rizzo, direction musicale
Sofia Adrian Jupither, mise en scène
TEASER VIDÉO
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