mercredi 3 juillet 2024

CRITIQUE, opéra. LYON, Opéra de Lyon (du 13 au 24 mai 2024). BERLIOZ : Béatrice et Bénédict. C. Molinari, R. Lewis, G. Scopelliti… Damiano Michieletto / Johannes Debus.

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Aucun des opéras de Hector Berlioz à part bien sûr La Damnation de Faust, n’appartient au répertoire courant des théâtres lyriques, et Béatrice et Bénédict – une adaptation du fameux Beaucoup de bruit pour rien de Shakespeare – est le moins souvent représenté de tous aux côtés de Benvenuto Cellini, même si l’actualité remet l’ouvrage sous les feux de la rampe ces derniers temps, à l’instar d’une production signée par Pierre-Emmanuel Rousseau pour Angers-Nantes Opéra en début de saison

 

 

Las, cette production scénique confiée au metteur en scène vénitien Damiano Michieletto (omniprésent puisqu’il met au même moment en scène Don Quichotte de Massenet à l’Opéra national de Paris, que nous n’avons pas plus aimé…) – convainc bien moins celle précitée, et l’italien s’ingénie à coller au plus pur “regietheater” allemand, et il ne reste plus grand chose, surtout en première partie, de la trame du chef d’oeuvre berliozien. La scénographie de Paolo Fantin (transfuge de la Fura dels Baus…) représente un grand cube blanc où fourmillent des micros sur pied, parmi lesquels surfent Somarone, personnage inventé par Berlioz, grimé ici en ingénieur du son, casque sur les oreilles et magnétophone en bandoulière, qui gère la disposition de choristes, habillés de costumes contemporains, qui se positionnent devant les micros, avec leur partition en main. Un singe fait alors son apparition sur scène, que Bénédict (en treillis militaire…) tente d’apprivoiser, avant que la paroi blanche du fond ne s’élève vers les cintres pour laisser entrevoir le décor luxuriant d’une forêt tropicale où s’ébattent Adam et Ève dans le plus simple appareil, symboles d’un “état premier”, vite emporté à son tour pour disparaître de la vue des spectateurs… Baste !

La distribution vocale – si elle offre l’occasion aux jeunes chanteurs de l’Opéra Studio de se frotter à des premiers rôles – ne comporte en revanche aucun chanteur Français… ce qui est tout de même un comble pour un bijoux de l’Opéra comique français dans la troisième ville de France ! D’autant que, pour beaucoup, la prononciation de la langue de Molière s’avère peu idiomatique, pour ne pas dire “exotique”, un reproche que l’on ne pourra cependant pas faire à l’héroïne de la soirée, perle de la distribution, la mezzo italienne Cecilia Molinari (qui ne fait pas partie de l’Opéra Studio, à contrario des ses autres collègues…), qui offre à Béatrice son beau mezzo ample et capiteux, son tempérament fougueux et sa sensualité exacerbée font notamment merveille dans son redoutable air du second acte, «  Il m’en souvient », qu’elle chante avec autant d’intelligence que de nuance. Le ténor britannique Robert Lewis ne fait pas un sort à toutes les notes du rôle de Bénédict, assez exigeant dans l’aigu, et s’il fait montre d’une belle musicalité et d’une certaine vaillance, son français gagnerait (surtout dans le parlé) à être plus soigné. Le plus “exotique” étant celui du baryton polonais Pawel Trojak qui, dans le rôle de Claudio, possède une indéniable autorité, tandis que la soprano italienne Giulia Scopelliti a les épaules requises pour rendre justice au personnage de Héro : avec son timbre délicat, elle se montre parfaite musicienne dans les ensembles et délivre son grand air alla Weber « Je vais le voir », et ses vocalises pleines d’éclat. Le duo nocturne entre elle et sa confidente Ursule – la mezzo sud-africaine Thandiswa Mbongwana, au timbre chaud et cuivré – ne manque pas non plus de faire passer le long frisson d’émotion attendu. De son côté, le Don Pedro du baryton-basse thaïlandais Pete Thanapat possède une voix puissante et bien projetée. Enfin, la basse wallonne Ivan Thirion, à la voix sonore et affirmée, se taille un franc succès dans le rôle comique de Somarone. 

En fosse, le chef allemand Johannes Debus dirige un orchestre et un chœur maison toujours aussi impeccables, mais l’ensemble reste par trop sage, et s’il se montre très à l’aise dans les pages lentes ou élégiaques, il n’enflamme en revanche à aucun moment les envolées orchestrales de la partition de Berlioz… Dommage !

 

____________________________________________________

CRITIQUE, opéra. LYON, Opéra de Lyon (du 13 au 24 mai 2024). BERLIOZ : Béatrice et Bénédict. C. Molinari, R. Lewis, G. Scopelliti… Damiano Michieletto / Johannes Debus.

 

VIDEO : “Béatrice et Bénédict” de Berlioz (selon Damiano Michieletto) à l’Opéra national de Lyon

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 28 juin 2024. HAENDEL : Extraits d’oratorios et airs d’opéras. Marina VIOTTI / Les Musiciens du Louvre...

  La saison s'achève au Théâtre des Champs-Elysées dans une frénésie olympique et un dernier rendez-vous aux promesses brillantes. La...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img