Dans cette Force du destin de Giuseppe Verdi, dans le cadre du Festival de Printemps de l’Opéra de Lyon, deux protagonistes forcent l’admiration : le baryton Ariunbaatar Ganbaatar et le chef Daniele Rustioni. Ce sont les héros de la soirée. Le chanteur venu de Mongolie fait une entrée fracassante dans le monde des chanteurs verdiens. Sa scène du III (« Urna fatale ») est un des grands moments du spectacle. Quant au chef, il conduit son orchestre avec une précision et un panache exemplaires. Au moment des saluts, lorsqu’il est arrivé sur scène, la salle s’est levée. C’était l’apothéose d’une grande et belle soirée.
Si ces deux protagonistes forcent l’admiration, le metteur en scène Ersan Mondtag, lui, force l’imagination. On s’interroge sur ses intentions. On comprend, certes, qu’il veut évoquer l’époque expansionniste de l’Espagne en Amérique du Sud et l’exploitation des Incas. Cela a des relents de colonialisme qui ne sont pas sans écho avec la politique internationale actuelle. Mais on se demande quand même pourquoi les femmes sont coiffées d’oreilles de lapin façon Play Boy, pourquoi les costumes mélangent les cottes moyennâgeuses et les costumes contemporains (avec épaulettes en pointes, s’il vous plaît !), pourquoi cette abondance de têtes de morts sur tous les éléments du décor, pourquoi l’acte III se déroule dans un théâtre transformé en hôpital militaire, pourquoi, dans la scène finale, des personnages reviennent entourer Léonora, Carlo et Alvaro qui sont censés conclure à trois la tragédie ? Mais malgré ces questions, on a droit à un beau spectacle qui permet d’éprouver un crescendo d’émotion d’un bout à l’autre de la soirée. C’est bien là le principal…
Le reste de la distribution est de grande qualité. La soprano Hulkar Sabirova, venue d’Ouzbékistan, a belle allure avec sa voix large, sonore, à l’aise dans le répertoire verdien. Le ténor Riccardo Massi possède un très beau timbre. Il a des passages vraiment émouvants, surtout dans le IV, et d’autres où on le sent à la limite de la voix verdienne. Maria Barakova est une éclatante Preziosilla. Le doyen Michele Pertusi incarne un superbe Padre Guardiano, et dans le reste de ce beau plateau, citons Paolo Bordogna en Fra Melitone et Francesco Pittari dans le rôle de Trabuco.
Les Chœurs de l’Opéra national de Lyon sont éclatants. Le chef leur donne un élan considérable. Et là, on en revient à l’excellence de Daniele Rustoni. Ce spectacle, c’est la force du destin… et de Rustioni !
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CRITIQUE, opéra. LYON, opéra national, le 17 mars 2025. VERDI : La Force du destin. H. Sabirova, R. Massi, A. Granbaatar… Ersan Mondtag / Daniele Rustioni. Crédit photo © Jean-Louis Fernandez