mercredi 16 avril 2025

CRITIQUE, opéra. MASSY, Opéra, le 5 avril 2025. MOZART : La Clémence de Titus. V. Guérin, M. Poguet, M. Vergez-Pascal, S. Stern… Héloïse Sérazin / David Stern

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Dans cette production de La Clémence de Titus de W. A. Mozart à l’Opéra de Massy, l’équipe de création a brillamment relevé le défi de marier tradition et modernité, tout en rendant hommage à l’œuvre de Mozart avec une approche audacieuse et novatrice. Avec la mise en scène d’Héloïse Sérazin, cette version de l’opéra se distingue par sa capacité à humaniser les personnages tout en explorant la profondeur de leurs relations, sans se perdre dans la portée politique souvent associée à l’œuvre.

 

La mise en scène de la Compagnie d’Héloïse est un modèle de finesse et de subtilité. Chaque personnage est traité avec une attention particulière, mettant en lumière leurs dilemmes internes. Plutôt que de se concentrer sur les enjeux politiques du livret, l’équipe choisit de souligner l’intensité des relations humaines. Cela se reflète dans la façon dont les six solistes interagissent sur scène, dans un espace réduit qui accentue l’intimité des scènes. Le mobilier minimaliste mais graphique, en combinaison avec la présence de l’orchestre dans la fosse, donne au spectateur une impression d’intensité concentrée, où chaque mot et chaque mouvement prennent une signification particulière.

La scénographie de Léa Jézéquel, soutenue par les vidéos de Yann Philippe et les lumières de Marc Delamézière, crée une atmosphère aussi poétique que puissante. Les fonds, créés à l’acrylique et projetés sur un cyclorama, sont un véritable délice visuel. Inspirés par les toiles peintes artisanales, ces décors évoluent tout au long de la production, offrant une palette de couleurs vibrantes qui soutient les changements émotionnels des personnages. L’apparition régulière d’un olivier, symbole de résilience et de transformation, vient renforcer la quête intérieure de Titus, entre hésitation, résolution et clémence. Les costumes, conçus par Laurianne Scimemi del Francia, apportent également une touche d’innovation. Puisant dans les archives de l’Opéra National de Paris, ils sont recréés et modifiés avec un souci du détail remarquable. Les matériaux choisis sont de haute qualité, et les costumes sont conçus de manière à circuler entre les personnages, soulignant les liens et les conflits qui les unissent. Ce recyclage créatif renforce la notion de cycles et de résilience présente dans l’œuvre.

Le choix des Solistes de l’Atelier Lyrique Opera Fuoco est très convainquant. Vincent Guérin (Titus) se distingue par une interprétation pleine de nuance et de profondeur. Son rôle, complexe et contrasté, demande une grande maîtrise technique et une capacité à transmettre l’âme de son personnage, à la fois hésitant, résolu et empli de clémence. Vincent Guérin parvient à faire ressortir toute la fragilité de Titus, tout en offrant des moments de grandeur et de force, tant vocalement que dramatiquement. Sa voix, à la fois puissante et douce, s’élève avec une expressivité remarquable, particulièrement dans les moments les plus intenses où son dilemme intérieur prend le dessus. Margaux Poguet (Vitellia) incarne parfaitement l’ambivalence de son personnage, oscillant entre la passion dévorante et la manipulation froide. Sa voix, riche et chaude, porte une puissance dramatique qui correspond à la nature complexe de Vitellia. Margaux Poguet réussit à captiver l’attention du public à chaque apparition, alternant des passages d’une grande douceur avec des moments plus éclatants où son énergie et sa détermination se font entendre. L’intensité émotionnelle de son interprétation est palpable, surtout dans les scènes où elle doit rendre compte de la colère et de la frustration qui animent son personnage.

Marion Vergez-Pascal (Sesto) offre une prestation d’une grande beauté et d’une grande musicalité. Sesto, souvent tiraillé entre le devoir et l’émotion, trouve en Marion Vergez-Pascal une interprète qui maîtrise non seulement les exigences vocales du rôle, mais aussi la complexité émotionnelle qu’il suppose. Sa voix claire et lumineuse, associée à une interprétation sensible et poignante, donne à Sesto une profondeur rare. Elle réussit à rendre parfaitement l’humanité de ce personnage, victime de ses propres dilemmes moraux et de son amour pour Vitellia. Thaïs Raï-Westphal (Servilia) apporte une touche de légèreté et de grâce à l’ensemble de la distribution. Son timbre clair et lumineux se mêle parfaitement aux autres voix, tout en apportant une fraîcheur bienvenue dans les moments plus dramatiques de l’opéra. Thaïs Raï-Westphal incarne une Servilia sensible et touchante, apportant à ce rôle de soutien toute la profondeur émotionnelle nécessaire pour éviter qu’il ne devienne trop anodin. Elle s’impose ainsi comme un contrepoint délicat et nuancé aux tourments des autres protagonistes.

De son côté, Sophia Stern (Annio) se distingue par une voix pleine de douceur et de délicatesse. Annio, rôle de jeune homme sensible et dévoué, trouve en Sophia Stern une interprète capable de rendre toute la tendresse et l’humanité de ce personnage. Sa prestation vocale est impeccable, son timbre doux mais précis, et elle parvient à faire ressortir toute la noblesse de son personnage sans tomber dans l’angélisme. La voix de Sophia Stern s’intègre parfaitement à l’ensemble de la distribution, tout en restant capable de ressortir avec grâce lorsqu’elle est mise en avant. Enfin, Julien Ségol (Publio) complète brillamment cette distribution avec une interprétation robuste et solide. Publio, bien que rôle de moindre envergure, bénéficie d’une voix forte et autoritaire qui s’impose avec puissance sur scène. Monsieur Ségol incarne le rôle avec une grande rigueur, apportant à son personnage un côté protecteur et déterminé. Sa prestation vocale est impeccablement maîtrisée, et il réussit à exprimer la noblesse et la force de Publio, tout en restant dans une grande fidélité au texte. En somme, les solistes de La Clémence de Titus sont un véritable atout pour cette production. Leur prestation vocale impressionnante, soutenue par une profonde compréhension de leurs personnages respectifs, élève l’ensemble de l’opéra. Chacun d’entre eux contribue à l’unité et à la cohésion de l’interprétation, offrant au public une expérience musicale et dramatique inoubliable.

Musicalement, l’Orchestre Opera Fuoco, dirigé avec maestria par David Stern, apporte une vitalité et une richesse à la partition de Mozart, tout en permettant aux solistes de s’exprimer pleinement dans leurs rôles. L’interprétation vocale met en avant des personnages humains, parfois tourmentés, parfois pleins de compassion, et la direction musicale sait faire ressortir toute la beauté de la musique de Mozart sans jamais tomber dans le grandiloquent.

 

 

 

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CRITIQUE, opéra. MASSY, Opéra, le 5 avril 2025. MOZART : La Clémence de Titus. V. Guérin, M. Poguet, M. Vergez-Pascal, S. Stern… Héloïse Sérazin / David Stern. Crédit photographique  © Anne-Élise Grobois

 

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