mardi 2 juillet 2024

CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra-Comique, le 17 juin 2024. LULLY : Armide. A. Bré, C. Dubois, E. Crossley-Mercer, F. Valiquette… Lilo Baur / Christophe Rousset. 

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Après avoir donné l’Armide de Gluck (1777) il y a deux saisons, l’Opéra-Comique se penche cette fois sur la version (bien) antérieure (1686) de Jean-Baptiste Lully (dont vous venons de chroniquer l’excellente version tout juste parue chez le label Château de Versailles Spectacles – et vers laquelle nous renvoyons le lecteur pour l’analyse détaillée de l’ouvrage), sur le même livret de Philippe Quinault donc – et avec les mêmes chef (Christophe Rousset), orchestre (Les Talens lyriques), (certains des) chanteurs et une équipe technique identique, à commencer par la maîtresse d’oeuvre, la suissesse Lilo Baur

 

 

Las, si on ne peut que se réjouir sur tous les premiers points, nous avons encore moins été enthousiastes que la première fois quant au travail de Mme Baur, qui ne restera pas dans les annales de la maison parisienne qui nous réserve habituellement de bien meilleures surprises… Certes, les costumes (conçus par Alain Blanchot) sont (toujours) aussi élégants (mais très sobres et contemporains, après les fastes orientaux sur le Gluck…), les décors de Bruno Lavenère particulièrement esthétiques (ce même majestueux arbre mort qui trône, quasi le spectacle durant, au centre du plateau), et les éclairages de Laurent Castaingt s’avèrent toujours aussi étudiés et dramatiques – ce dont on ne pourra se plaindre dans une époque où la laideur est devenue vertu sur maintes scènes lyriques. Le problème est que le spectacle ne se met que rarement au service de l’action dramatique, et la direction d’acteurs se montre par trop “convenue” et plate (a contrario du chœur dont les inutiles et pitoyables contorsions agacent encore plus !), dans un cadre dont la vocation reste purement décorative, et l’on s’ennuie la plupart du temps. Par bonheur, notre attention est néanmoins tenue “éveillée” grâce à la qualité des chanteurs choisis par Louis Langrée (qui a rendu un émouvant hommage, en préambule à la soirée, à la soprano belge Jodie Devos, tragiquement disparue la veille à l’âge de seulement 35 ans…) pour défendre la magnifique partition lulliste. 

Au rôle-titre, la jeune mezzo française Ambroisine Bré lui offre son tempérament de feu (ah… son “Enfin, il est en ma puissance” !), mais en sachant nuancer, en plus de son superbe timbre, la solidité de son aigu autant que la largeur de ses graves, et enfin une grande séduction scénique, comme l’appelle ce personnage hors-norme qu’est la magicienne imaginée par Le Tasse ! Son Renaud n’est autre que le ténor normand Cyrille Dubois, qui force inutilement ses beaux moyens naturels dans son air d’entrée, mais qui ensuite séduit de bout en bout, grâce à son style impeccable : la diction, le style, l’expression, tout est ici admirable, sachant que le comédien n’est pas en reste non plus…

De leur côté, Florie Valiquette et Apolline Raï-Westphal prêtent leurs belles voix non seulement aux Allégorie du Prologue (la Gloire pour la première et la Sagesse pour la seconde), mais aussi aux Suivantes d’Armide (Sidonie et Phénice), en encore à d’autres personnages secondaires. Edwin Crossley-Mercer apporte au sombre personnage de Hidraot toute l’autorité requise, tandis qu’Anas Séguin compose un saisissant portrait de celui de La Haine. Toujours aussi excellent, quoi qu’il chante, Enguerrand de Hys enchante dans la double partie d’Artémidore et du Chevalier danois, avec son timbre de miel et une irréprochable diction dont on ne cesse de se délecter, tandis que la basse Lysandre Châlon (Aronte puis Ubalde) est la révélation du spectacle, tant ce jeune chanteur impressionne de bout en bout grâce à un instrument peu commun en termes de puissance, beauté, projection et profondeur des graves. Signalons, enfin, la prestation remarquée d’Abel Zamora, de l’Académie de l’Opéra-Comique, très à l’aise dans la tessiture élevée de l’Amant fortuné.

Quant à la fosse, principale satisfaction de la soirée, elle brille de mille feux sous la battue de Christophe Rousset, qui fait un sort à la dernière tragédie lyrique du maître florentin, dont il est l’un des plus ardents et meilleurs défenseurs. Dès l’Ouverture, le ton est donné : sa direction musicale sonne souple, vivante et entraînante, et le discours avance si bien que les nombreux intermèdes de ballet donnent envie de bouger !

 

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CRITIQUE, opéra. PARIS, Opéra-Comique, le 17 juin 2024. LULLY : Armide. A. Bré, C. Dubois, E. Crossley-Mercer, F. Valiquette… Lilo Baur / Christophe Rousset. Photos (c) Sophie Brion.

 

VIDEO : Teaser de « Armide » de Jean-Baptiste Lully sous la baguette de Christophe Rousset à l’Opéra-Comique

 

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