lundi 1 juillet 2024

CRITIQUE, opéra. VERSAILLES, Opéra Royal, le 6 juin 2024. HAENDEL : Giulio Cesare. A. Scholl, C. Bartoli, M. E. Cencic, S. Mingardo… Les Musiciens du Prince-Monaco / Gianluca Capuano (direction).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

Familière de l’Opéra Royal du Château de Versailles, Cecilia Bartoli a droit à un mini-festival entièrement dédié à sa gloire, avec deux spectacles la mettant sous les feux de la rampe : le rôle de Cléopâtre dans Giulio Cesare de Georg Friedrich Haendel, objet de la présente recension, et un spectacle très original intitulé “His Masters’ voice” (où elle partage l’affiche avec la star américaine John Malkovich) – auquel nous avons eu la chance d’assister lors de sa création monégasque (Salle Garnier, à Monaco) en avril dernier. 

 

 

L’ambiance était électrique en cette soirée du 6 juin (l’opéra haendélien était donné en séance unique et en version de concert, mais sans pupitre et avec quelques idées de mise en espace, plus quelques déguisements pour la seule et facétieuse mezzo romaine…), le spectacle affichant complet depuis longtemps, et la présence de la diva italienne s’avérant toujours un véritable événement. Et de fait, “la” Bartoli brûle les planches ce soir, car elle ne se contente pas de chanter, mais fait un sort à chacune de ses arias, par ses poses variées et ses regards où passent tellement de sentiments et d’émotions divers. Car son timbre reconnaissable entre tous, mordant et coulant, expressif et toujours d’une incroyable musicalité, est ici complété par un instinct scénique admirable, mêlant facétie, engagement, finesse, richesse dynamique : la voix est au service du texte et son approche du personnage reste captivante. Tour à tour soeur dominatrice vis-à-vis de son frère Tolomeo, séductrice triomphante et coquine avec César (“V’adoro pupille”), puis prisonnière de son scélérat de frère et frappée par la mort qui s’annonce  (son “Piangero”) est un vrai moment d’anthologie… 

Le contre-ténor allemand Andreas Scholl, malgré un style toujours aussi impeccable depuis 20 ans qu’il chante ce rôle, tourne cependant un peu en rond avec son intonation égale, et une évidente absence de feu dramatique, surtout dans les duos avec sa volcanique consoeur ! Dans le rôle de Cornelia, la mezzo italienne Sara Mingardo, en plus d’un timbre somptueux jusque dans l’expression de la colère et du mépris, possède une prodigieuse présence scénique, qui renforce ici la gravité de son personnage, et intensifie sa relation funèbre à Sesto, fils dévoué, exclusivement dédié aux mânes de son père, le regretté Pompée. Sesto justement, d’un superbe aplomb vocal, est incarné par le contre-ténor coréen Kangmin Justin Kim qui éblouit dans la veine éplorée, comme dans la colère de son premier air. Le contre-ténor croate Max Emanuel Cencic est l’autre bête de scène de ce spectacle qui fait fi des performances pyrotechniques de son personnage de Tolomeo, avec un véritable sens de l’emphase millimétrée, et du délire aussi. Même la voix de basse du hongrois Peter Kalman (Achilla) se plie aux mélismes haendélien, sans renier ni ses graves abyssaux ni sa parfaite ligne de chant, ou encore sa puissance volumétrique. Haendel signe bel et bien un opéra “commercial” où les voix, par leur audace et leurs acrobaties, font le succès de l’œuvre. 

L’incontestable réussite de cette représentation unique tient sans conteste aussi à la miraculeuse osmose dramatique et musicale entre fosse et plateau, entre des chanteurs à la fois habités par leurs personnages et à la hauteur des exigences techniques et stylistiques du Caro Sassone, et un ensemble instrumental d’une richesse sonore et d’une finesse superlative, les excellents Musiciens du Prince-Monaco, placés sous la direction inspirée et vivante de leur chef principal (depuis 2019), l’italien Gianluca Capuano. Tour à tour rutilante ou introspective, sensuelle ou agressive, son approche rend parfaitement justice à un compositeur dont le génie purement théâtral a été trop longtemps mésestimé.

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CRITIQUE, opéra. VERSAILLES, Opéra Royal, le 6 juin 2024. HAENDEL : Giulio Cesare. A. Scholl, C. Bartoli, M. E. Cencic, S. Mingardo… Les Musicien du Prince-Monaco / Gianluca Capuano (direction). Photos (c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDEO : Cecilia Bartoli & Andreas Scholl chantent l’aria « Caro, Bella » extrait de Giulio Cesare de Haendel

 

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