samedi 19 avril 2025

CRITIQUE, récital. GSTAAD NEW YEAR MUSIC FESTIVAL, Eglise de Rougemont, le 27 déc 2024. Récital lyrique de ROSA FEOLA. Iain Burnside, piano. Rossini, Bellini, Puccini, Verdi…

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Situé dans les Alpes Vaudoises entre les régions de Gruyère et Gstaad, le Pays-d’Enhaut constitue une destination riche en découvertes : patrimoniales, écologiques, gastronomiques et… désormais culturelles précisément lyriques et chambristes comme le confirme d’édition en édition, le très convaincant Gstaad New Year music Festival.

 

 

On ne saurait suffisamment souligner la justesse de la Princesse Caroline Murat, directrice artistique, qui sait chaque année surprendre et enchanter grâce aux interprètes ainsi invités. Superbe récital que le concert d’ouverture de cette 19ème édition dans l’Eglise de Rougemont, pleine à craquer ; le ton est déjà donné dès ce démarrage grâce au tempérament entier, franc, immédiat de la soprano italienne ROSA FEOLA… La cantatrice vient de chanter Gilda à l’Opéra de Paris [1er-24 décembre 2024 / Rigoletto dans la mise en scène de Paul Guth]. Les spectateurs la retrouvent ainsi dans un cadre intimiste et enneigé, d’autant plus que l’église de Rougemont s’avère bénéfique : son acoustique même réverbérée ne dilue pas le relief spécifique du chant ni les détails du jeu pianistique. Photos :© Patricia Dietzi / 19ème Gstaad New Year Music Festival 2024-2025

 

Très à son aise, la diva italienne occupe tout l’espace, suggère la situation dramatique dans des attitudes très justes. Rosa Feola affirme un tempérament audacieux ; se révèle chez elle une sensibilité vocale taillée pour la prière éperdue comme la facétie conquérante… C’est tout le propos des 3 pièces du début qui jouent de l’art de la suggestion et du faussement badin : « La Regata veneziana » d’un Rossini, à la fois mordant et séduisant, d’une suavité tendre, jamais superficielle. Outre la beauté séduisante du timbre s’affirme une gestion du souffle admirable et ce soin particulier réservé à chaque dernière note, soutenue, portée au-delà de l’habituel.

 

Sa Mimi inaugure une série d’incarnations lyriques de plus en plus convaincantes ; elle ne manque ni de charme ni de juvénile candeur, et a toutes les qualités d’une jeune femme qui s’ouvre à l’amour, à sa première rencontre avec le poète Rodolfo. Rosa Feola exprime avec justesse la naissance du sentiment amoureux. Belle volubilité qui fait passer ensuite à la dignité conquérante de la Semiramide de Rossini dont « Bel Raggio lusinghier » démontre agilité et caractère, couleurs et puissance dans un style plus aristocratique, plus altier et fier, mais d’une égale tendresse.

 

 

 

Là encore, la cantatrice affirme ce chant viscéral qui semble traverser tout son corps, réalisant alors une vocalité des plus ardentes, sincère, organique, superbement habitée.
Après un bref intermède – où son complice, le pianiste Iain Burnside, brille par sa fluidité suggestive (« Improvisation », extrait des 10 pièces pittoresques n°8 d’Emmanuel Chabrier), voici les « Tre pezzi » opus 84 du moins connu Giuseppe Martucci ; la séquence permet de mesurer toute l’onctuosité expressive de la chanteuse entre ferveur et élévation, avec une justesse troublante de l’intonation dans la pièce centrale (« Pianto antico »), exprimant cette douleur ciselée, sur le souffle, auquel succède l’intériorité comme blessée de « Nevicata », ultime volet, entre gravitas et souplesse, d’un triptyque ainsi particulièrement convaincant.

En français, l’air de Lia « Azael, pourquoi m’as tu quittée? » de la cantate pour le Prix de Rome, « L’Enfant prodigue », révèle avec plus d’évidence encore, la somptuosité du timbre au service d’une sensibilité passionnée. Rosa Feola souligne combien le jeune Debussy n’a rien à envier à Massenet. Puis, la diva captive en souffle et nuances, dans deux airs qui exigent autant d’intériorité que de technique vocale : « Casta diva », suspendu et respirations très justes là encore ; puis « E strano ! » qui convoque une Traviata touchante par sa vérité émotionnelle : puissance, intensité, nuances. Rien ne manque au belcanto de Rosa Feola. La diva régale l’auditoire réuni à Rougement en chantant en bis final, une chanson italienne, claire référence à ses attaches personnelles pour le répertoire napolitain. La cantatrice italienne ouvre de bien belle façon le Festival concocté par la princesse Caroline Murat. De nombreux autres événements lyriques attendent les festivaliers au Pays d’En-Haut, jusqu’au 11 janvier 2025.

 

 

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VIDÉO : la soprano Rosa Feola ouvre le 19ème GSTAAD NEW YEAR MUSIC FESTIVAL (RTS journal du 28 déc 2024 / 19h30) :

https://www.rts.ch/play/tv/19h30/video/la-soprano-italienne-rosa-feola-ouvre-le-new-year-music-festival-de-gstaad-dans-la-boheme?urn=urn:rts:video:15381269

 

approfondir : présentation

 

LIRE aussi notre présentation annonce du 19è GSTAAD NEW YEAR MUSIC FESTIVAL 2024-2025 : https://www.classiquenews.com/gstaad-suisse-gstaad-new-year-music-festival-gnymf-du-27-decembre-jusquau-11-janvier-2025-jonathan-tetelman-elina-garance-sonya-yoncheva-michele-lariviere-bohdan-luts-karen-kuronu/

 

 

 

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