mercredi 16 avril 2025

CRITIQUE, récital, PARIS, Théâtre des Champs Elysées, le 13 avril 2025. « Chopin intime », Justin Taylor (piano)

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Brigitte Maroillat
Brigitte Maroillat
De formation juridique, et passionnée de musique et d’opéra depuis l’adolescence, Brigitte Maroillat a collaboré à Opera Online en 2017/2018 puis à Forumopera.com de 2018 à 2024 avant de rejoindre ClassiqueNews. Elle est aussi administratrice de la page Facebook du baryton-basse José van Dam.

Rien n’est jamais prévisible avec Justin Taylor car l’artiste aime sans cesse sortir de sa zone de confort. Aux terres conquises, il préfère les explorations singulières. Et en ce dimanche matin, sur la scène du TCE, il nous en fait de nouveau la démonstration en s’arrimant cette fois aux derniers jours de Frédéric Chopin à Majorque. C’est ici, en effet, que le compositeur, au seuil du crépuscule de sa vie, a composé les Préludes. Les circonstances de la maladie sont mises en lumière par Justin Taylor dans des parenthèses explicatives aussi humbles que délicates, rapportant la dérision avec laquelle Chopin a accueilli l’annonce de sa fin imminente. Il a aussi rappelé comment Camille Pleyel a livré à Majorque au compositeur un petit piano droit, le pianino Pleyel 1839. Et c’est pour faire découvrir au public cet instrument et les dernières œuvres qu’il a fait naître que ce concert du dimanche matin a été programmé. Créneau étonnant s’il en est pour donner un avant-goût d’un nouvel album à venir, Chopin intime, mais toutefois guère étonnant, Justin Taylor préférant une intimité ici bienvenue, à des effets tapageurs. Intimité artistique, évidemment, et non d’affluence, le théâtre affichant complet, en cette matinée, pour accueillir la proposition originale de l’artiste.

Et c’est donc au clavier du pianino Pleyel (qui n’est pas celui du compositeur, précise-t-il,  mais de la même époque) que l’artiste nous a narré un Chopin intime. Et en effet, le choix de l’instrument apparaît ici essentiel pour saisir l’essence de la musique du compositeur. La magie opère d’emblée: la belle résonance et le timbre velouté du petit piano donnent corps à toutes les émotions et couleurs qui traversent ces œuvres ultimes. Déjà reconnu pour sa virtuosité et sa sensibilité, Justin Taylor a une fois de plus confirmé son statut d’artiste exceptionnel qui n’hésite jamais à revoir sa propre technique pour épouser au plus près un instrument qui ne lui est pas naturellement familier. Et il l’exprime d’ailleurs fort bien avec humour au cours du récital : les petites touches du pianino lui ont donné du fil à retordre ! Sa capacité à allier rigueur et expressivité a permis au public de découvrir Chopin sous un jour nouveau, alliant tradition et innovation. 

Tout au long de ce concert, Justin Taylor impressionne par son jeu souple et parfaitement ciselé. Les changements de registres sont judicieux. Chaque note trouve sa place dans un discours naturel, presque organique, où l’on entendrait presque l’instrument respirer. A la mélancolie et la dramatisation de certaines interprétations dans ce répertoire fait place ici une hauteur de vue singulière mais ô combien précieuse. Justin conduit l’expérience au-delà des Préludes, par une transcription émouvante de son cru de la Casta diva de Bellini, sur toutefois « une idée originale de Chopin » (dit-il) lequel avait lui-même composé en son temps une version piano pour accompagner son amie Pauline Viardot.

Avec Bach, également présent dans le programme, Justin Taylor, cette fois au clavier d’un Grand Pleyel, retrouve un répertoire de prédilection. Il est ici dans son jardin où il se réinvente en permanence. Dans le prélude du 1er Livre du Clavier bien tempéré, on entend une verve, un swing, qui donne une autre dimension à l’œuvre. Le jeu raffiné et la profonde compréhension musicale et humaine de l’artiste repoussent les cadres et nous tiennent ainsi éloignés de l’écueil du conventionnel et de l’académique. C’est précisément ce qui fait toute la richesse des propositions artistiques de Justin Taylor.

 

 

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CRITIQUE, récital, PARIS, Théâtre des Champs Elysées, le 13 avril 2025. « Chopin intime », Justin Taylor (piano). Crédit photographique © Justin Taylor

 

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