Salzbourg ibérique
Le village perché sur son massif rocheux, la beauté du site (nous sommes en pleine campagne dans la province de Castilla-La Mancha, le pays de Don Quichotte), à une époque où les arbres sont en fleurs (et adoucissent d’autant la sévérité brûlante des paysages qui en été sont brûlés par le soleil), la qualité de l’architecture, superbement préservée depuis le moyen-age font de Cuenca, un « Salzbourg ibérique », où le festivalier déambule à pieds autour et à travers les monuments, empruntant passerelles, places, portiques. Cuenca est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996 et ambitionne même, au regard de la richesse de son offre patrimoniale et culturelle (dont un musée d’art abstrait), le label de capitale européenne de la culture en 2016.
Le temps Pascal est aussi celui des processions pieuses que portent la ferveur de la population locale, au rythme des fanfares et des palmes frétillantes qu’agitent par exemple pour le Samedi Saint, la foule en liesse, quand les statues du Christ sur son âne et de la Vierge, entrent en solennité dans la Cathédrale.

Depuis sa première année, la directrice artistique y déploie sans compter, une programmation exigeante, variée, souvent originale (oeuvres et approches inédites), où l’implication des interprètes, soucieux de respecter la thématique générale, savent s’engager dans le projet. C’est que Pilar Tomas, claveciniste et directrice du département de la musique à la Fundacion Caja Madrid, est une musicienne qui connaît la musique et le dévouement qu’on lui doit.
Pour preuve lors de notre présence au début de la 48è édition, ce premier concert à l’Auditorio (l’auditorium sis au pied de la falaise) où le ténor né à Londres, Mark Padmore (photo ci contre © S.Torralba) donnait sa lecture de la Passion selon Saint-Matthieu de Jean-Sébastien Bach (Leipzig, 1727), le Samedi de la Passion, 4 avril 2009.
La Passion selon Padmore

Stupéfiante conception qui cisèle voyelles et consonnes, sublime de part en part, la gradation dramatique de la Passion de Bach, en s’appuyant sur le texte et sa dramatisation vocale.
Nous sommes très précisément dans la thématique du Festival 2009 dont le sujet met en avant « Literatura, Mistica, Musica »: Littérature, Mystique, Musique.
Les deux groupes continuistes dialoguent idéalement avec les solistes qui même dans les parties collectives savent équilibrer chaque partie vocale en une sonorité très homogène. Et dans les tutti, l’entrée en matière comme le choeur final avec tous les musiciens, les interprètes vivent le texte de la Passion dans l’énergie et l’intériorité, soulignant chacune des pierres angulaires de l’arche sacrée. La production qui passe en France par Poissy saura convaincre de nouveaux publics mais l’écouter dans le contexte de la Semaine de Musique Religieuse à Cuenca, lui apporte un surcroît d’intensité et de justesse, d’autant plus significatif au regard de la thématique de cette année.
Dans les pas de Mark Padmore, la prestation du baryton Roderick Williams (Cristo. Ci dessus avec Mark Padmore © S.Torralba) s’impose : ardente expressivité mais noblesse de style, musicalité souveraine et projection du texte, là encore, superlatives.

Illustrations: Cuenca (Castilla-La Mancha), Mark Padmore (DR) © S.Torralba 2009