Elève en 1805 de Cherubini, Auber n’obtient pas immédiatement le succès lyrique qu’il escomptait. Grâce à son maître, il peut rencontrer le librettiste Planard qui lui écrit les livrets de « la Bergère châtelaine » (1820), puis Emma (1821), deux opéras-comiques qui lui apportent reconnaissance et honneurs. Il a 29 ans.
C’est alors qu’il entreprend avec Scribe une longue et célèbre collaboration, semée de succès fulgurants. Encore sous l’emprise de Rossini, Auber n’atteint sa pleine maturité stylistique qu’avec « Léocadie » (1824), qu’il intitule « opéra français », surtout, « le Maçon » (1825), au moment où en peinture, les partisans du romantisme avec Delacroix s’opposent à l’orthodoxie néo-classique de Monsieur Ingres (salon de 1824).
Italien, Auber l’est dans la séduction des mélodies et du chant virtuose. Mais il ajoute cette touche proprement française dans son inspiration qui même, grâce et lyrisme. Ainsi en témoignent : « Fiorella » (1826), « la Fiancée » (1827), son chef-d’oeuvre, « Fra Diavolo » (1830). C’est l’époque où, Bellini triomphe à Milan avec la sonnambula, et Donizetti, L’Elisir d’amore, qui est l’étape antérieure à son Don Pasquale de 1843.
Suivent alors des oeuvres subtiles et équilibrées, qui offrent la contrepartie française de l’opéra comique et romantique italien, tel qu’il est illustrés par Rossini, Bellini et Donizetti. Emploi ciselé de soprano suraigu, écriture orchestrale astucieuse et très efficace, vitalité des enchaînements : Auber s’affirme sur la scène comme un génie de la dramaturgie enlevée, souple. « Gustave III » (1833) est une partition à ce titre parfaitement réussie, comme « les Diamants de la couronne » (1841) qui montre l’activité créative de son inspiration, virtuose dans le renouvellement mélodique et rythmique (nombreux mouvements de danses).
Mais Auber n’a pas uniquement montré l’étendu de son talent sur le mode comique. Avec « La Muette de Portici » (1828), il traite le genre sérieux, héroïque et politique : le sujet illustre la révolte de Masaniello à Naples en 1647. Avec « La Muette », Auber aborde la grande machine, comprenant foules, grands tableaux, numéros de solistes, le tout architecturé avec élégance et sans lourdeur. Le duo patriotique, « Amour sacré » servit d’air de ralliement pour les révolutionnaires belges de 1830, assurant la victoire des insurgés à Bruxelles où l’oeuvre connaissait un triomphe. Dès lors, oeuvre pleinement au diapason des espoirs d’une époque, La Muette éleva derechef son auteur dans l’estime européen. Non seulement social et politique, le rayonnement d’Auber fut encore, et surtout, musical : sa « Muette » servit de modèle dans le genre du grand opéra à la française, pour Rossini, Meyerbeer, Halévy.
Même Wagner lui vouait une admiration sincère et sut reprendre à son tour quelques effets et tours, pour son opéra romantique, « Lohengrin ».
Rossini qui avait sur la scène comme en ville l’esprit facétieux aimait railler la petite taille de son confrère : « piccolo musico, ma grande musicista » c’est à dire, petit musicien mais grand créateur de musique. Auber, il est vrai, était de fort petite taille, ce qui ne l’empêcha non plus de diriger le Conservatoire, de 1842 à sa mort.