Nantes, lieu unique. 69 positions de Mette Ingvarsten. Les 3,4, 5 décembre 2015. Déjà remarquée à Nantes (The artificial Naure Project, avril 2004), la vision décapante mais poétique sur le corps sexuel de la chorégraphe danoise Mette Ingvartsen revient au Lieu Unique, mais en un poliptyque grandiose et intime, intitulé » 69 positions » qui est aussi l’amorce d’un nouveau cycle sur la sexualité (trilogie intitulée « The Red Pieces« ). Conçu comme une présentation style conférence officielle (ou visite guidée dans une exposition), le ballet se veut examen visuel et critique sur le sexe dans l’espace publique. Mais pas seulement… Corps inanimés, avez vous donc une âme ? Corps dématérialisés par la mondialisation des images, corps érotisés, fantasmés, objets de consommation… corps spirituels ou plastiques ? Le désir que suscite un corps mis à nu, surtout un corps de danseur, athlétique et musculaire, engage plusieurs interrogations auxquelles la chorégraphe tente d’apporter un éclaircissement voire des réponses.
La nudité, enjeu sexuel ou politique ?
Au-délà d’une confrontation à dimension provocatrice, c’est toute la tendance de l’érotisation de la société sans omettre l’accent pornochic, qui y sont allusivement abordés (/dénoncés), et aussi la fusion de plus en plus criante (inquiétante) entre sphère privée et espace publique. Comment le corps se représente lui-même dans ce processus exhibitionniste majeur de notre temps, à l’époque de facebook et des tabloïds? Mette Ingvartsen englobe le thème dans une contextualisation historique, depuis la libération des moeurs et de la femme propre aux années 1960. A rebours de l’invasion permanente et de plus en plus en familière du sexe dans l’espace visuel environnant, la chorégraphe cultive un regard à la fois analytique et critique sur le sens donné aux images du corps qui s’offre et se représente. Le corps mis à nu, le corps sexuel sont-ils simples effets propres à choquer, ou signes plus troublants de faits à saisir,… ? Un corps nu n’est pas forcément sexuel, ni un objet qui s’inscrit comme une marchandise, c’est bien cette vision esthétique et poétique, contre les effets du pornochic, contre l’instrumentation affective exploitée par le commerce capitalistique radical, que défend la chorégraphe danseuse, laquelle n’a pas hésité à danser nue dans plusieurs ballets antérieurs (2003, 2005)… Son écriture place le corps nu dématérialisé et déshumanisé au centre d’une interrogation visuelle, inédite, très personnelle. Les grands chorégraphes du XXè et du XXIè poursuivent une réflexion plutôt plastique et esthétisante sur le corps dansant. Mette Ingvartsen réoriente le débat et investit de nouveaux questionnements sur l’enjeu de la danse et sur le corps des danseurs. Pour susciter la réflexion, Mette Ingvartsen travaille aussi sur la proximité du spectateur avec la nudité, sur sa participation (à chanter un orgasme collectivement !) : empathie ou malaise, voire refus explicite… les réactions diffèrent d’un soir à l’autre. Aucun doute, dans ce que le langage chorégraphique a de plus simple et dénudé, dans ce que la nudité enclenche par réaction auprès du public – groupe artistique, groupe de spectateurs-, la chorégraphe réussit une nouvelle écriture esthétique, poétique, politique qui rétablit l’élégance du corps dansant avec la quête du sens. L’art est politique… vous en doutiez ?
69 positions, nouveau ballet de Mette Ingvartsen
Nantes, le lieu Unique
Le 3 et 4 décembre 2015, 20h30
Le 5 décembre 2015, 19h
Durée : 1h45
Prix : 12-22 euros
Spectacle déconseillé au moins de 18 ans