jeudi 24 avril 2025

David Greilsammer, piano. Piano à Lyon Lyon, salle Molière. Vendredi 27 février 2009 à 20h30

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David Greilsammer,
Piano

Lyon, vendredi 27 février 2009 à 20h30
Piano à Lyon

Mozart (2 sonates),
Schumann (Danses des Compagnons de David),
Berg (Sonate)

Le pianiste David Greilsammer ne se contente pas de mener une remarquable carrière internationale, il est de ceux qui interrogent la personnalité compositrice des auteurs sur lesquels tout semble avoir été dit : ainsi pour Mozart, dont son concert lyonnais offre deux Sonates. Pour Piano à Lyon, le jeune interprète questionne aussi le Schumann moins connu des « Danses des Compagnons de David », et Berg à la fin de sa période post-romantique.


Le Vieux qui en avait contre les jeunes

On dit toujours le plus grand mal de celui qu’on appelle dédaigneusement le « Père Wieck », parce que sa silhouette austère et son air de « grand (pète) sec » coïncident avec l’image détestable qu’il aura laissée dans l’histoire du XIXe musical : le Père Fouettard, empêcheur d’aimer en rond, impitoyable geôlier de sa fille et vil calomniateur de celui qu’elle avait élu. L’affaire se termina – de guerre lasse après supplications et démarches respectueuses – devant les tribunaux, où le père abusif fut condamné… à laisser s’accomplir sous union légale un amour fou digne des mythologies antiques ou médiévales. Puisqu’il faut appeler par leur nom « les amants de Leipzig », Clara (Wieck ) et Robert (Schumann) ne furent pourtant pas que détruits par Le Père (aussi surnommé « Le Vieux ») : au contraire, « construits » par lui, car Friedrich fut un pédagogue respecté et d’ailleurs respectable, de surcroît tourné vers une conception noble de son art. Puis ce Père ivre… de fureur accusera… d’ivrognerie le « ravisseur » de sa fille et menacera même de le tuer : toute cette turpitude grand guignolesque tend à effacer ce que furent « les premières années » de la complexe relation à trois entre le Père, la Jeune Fille (et ce fut même d’abord l’Enfant Clara Prodige, formée par le Père), divertie par l’aîné Robert qui lui racontait des histoires de fantômes…) et le Jeune Visiteur, Pianiste auto-mutilé mais Compositeur Génial. Et ce qu’on connaît encore moins, c’est le rôle « intégré » de Wieck aux entreprises du jeune Robert cherchant sa voie entre exercice de la musique – virtuose du clavier, puis inventeur de l’écriture novatrice – et l’action qui prolonge par un journalisme culturel de combat les talents littéraires et la culture générale des « Compagnons de David » lancés à l’assaut de la forteresse des « Philistins » Vieille Allemagne, Fauteuils et Pantoufles Esthétiques…


Un bon combat contre les Philistins

En lançant, à la suite de l’Allgemeine Musikalische Zeitung – où écrivit ETA. Hoffmann, adoré par Schumann – une Neue Zeitschrift für Musik (Nouvelle Revue de Musique), Robert rassemble les jeunes Romantiques – musiciens, mais aussi peintres, poètes, gens de sciences – et les entraîne contre le Conformisme, la Tradition, la Connivence, la Pesanteur d’esprit et du cœur. « L’âge des compliments réciproques est bien fini. La critique qui n’attaque pas ce qui est mauvais sait mal défendre ce qui est bon ». Ou, comme le citait Maurice Fleuret en rapprochant ces insolences des ultérieurs combats debussystes puis bouléziens (on peut aussi songer aux jeunes gens en colère du surréalisme) : « Quand bien même il pleuvrait des pierres, cinq dos sont capables de supporter davantage s’ils abritent de la vraie jeunesse, qu’un seul quand il est vieux et courbé » (transparente allusion au vieux Fink, incarnation de la critique traditionnelle). Et là le Vieux n’était pas Wieck, au contraire enrôlé – pas du tout à son corps défendant – par Robert dans les Compagnons de David pour le « bon combat ». Du « Kaffeebaum » où on refait le monde entre conversations exaltées, poésie et punch ou bière, au « marbre » de la Revue, de l’idée (1833) à la première réalisation (1834) puis… au premier baiser entre Clara et Robert (1835), il n’y a que bien peu de distance leipzigoise. Bientôt ce sera le bruit et la fureur du Père qui ne tarde pas à s’apercevoir que le Projet de sa vie – faire de Clara la plus grande pianiste du temps – va être ruiné par le détournement d’une union entre la Fille et un Freluquet certes bourré…de talent mais aussi d’une bizarrerie psychique dont il y a tout à craindre (il n’a pas tort, le Père !), et qui peut entraîner le malheur des deux héros.


La jeunesse d’ Alban et de Wolfgang

Ainsi, en choisissant l’op.6, de 1837, David –tiens ! –Greilsammer fait preuve de… jeunesse d’esprit, se plaçant et plaçant ses auditeurs dans le camp de la nouveauté, et sans doute attaquant la partition en re-lecteur attentif aux significations toujours actuelles d’une dénonciation des « bourgeois, fonctionnaires, officiers, magistrats ou pasteurs », du moins ceux qui incarnent l’art officiel par delà le romantisme éternellement vilipendé. De toute façon, ces Danses quelque part entre les trois signatures déléguées de Schuman – Florestan le passionné, Eusebius le sage, et Maître Raro , le conciliateur (n’ était-ce pas Wieck, aux temps « anciens » ?) – ne sont pas parmi les œuvres les plus explorées du « débutant » Schumann, bien moins que les Papillons et surtout le célébrissime Carnaval. Et elles sont sous le regard amoureux de Clara, dédiées à la bien-aimée captive qui hante par son absence le jeune compositeur. C’est aussi à un bien jeune compositeur autrichien que David Greilsammer s’attache, 70 ans plus tard : Alban Berg, à 22 ans, signe sa première Sonate, et ce sera la seule, parce que la suite abandonnera les cadres hérités de la tradition classico-romantique, quitte à l’inscrire en « creux » dans chaque séquence de l’opéra Wozzeck. Cette courte partition, d’une seule haleine comme l’antérieure Sonate de Liszt mais bien plus courte, saisit par sa densité, la réitération de son motif en boucle qui toujours s’élance et toujours retombe, son « orchestration harmonique » passionnée. A sa façon pianistique éloquente, elle « liquide » le vieux monde et entrouvre la porte du nouveau. N’en va-t-il pas de même avec les deux autres partitions que David Greilsammer inscrit à son programme ? Pour la conception que le jeune interprète met en œuvre dans sa recherche d’un temps pas tout à fait perdu, on renvoie ici même à l’entretien que nous avions pu avoir l’été dernier : un Mozart sans tapage, mais résolument interrogé par delà les certitudes au long cours, jusqu’au cœur de l’écriture et de ses raisons d’être. Les deux sonates dont la chronologie semblait éloignée de 5 ans – K.310 en 1778, K.333 en 1783, à ce qu’on a longtemps cru – sont désormais rapprochées par la musicologie. Le K.310, modèle depuis toujours d’un pré-romantisme hanté par la mort de la mère dans la solitude parisienne (1778), garde toute sa force d’être « descendu » en 1783, et cela nous aide à réfléchir sur les parcours du sentiment à travers les souterrains de l’inspiration immédiate. Et l’angoisse constamment évidente y rejoint les échos, dans K.333, d’un hommage-tombeau au Bach de Londres (Jean-Chrétien), dont Mozart – qui l’admirait tant – venait alors d’apprendre la disparition.

Concert de David Greilsammer, Salle Molière de Lyon, vendredi 27 février, 20h30 (« Piano à Lyon). W.A.Mozart (1765-1791), Sonates K.310 et 333 ; Robert Schumann (1810-1856), Danses des Compagnons de David, op.7 ; Alban Berg (1885-1935), Sonate op.1

Information et réservation : T. 04 78 47 87 56 ; www.pianoalyon.com

Illustration: David Greilsammer (DR)

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