2006 est l’année du centenaire de la naissance de Chostakovtich. En hommage au compositeur russe né en 1906, nous mettons en avant les symphonies à l’affiche de la programmation des orchestres. Premier volet de notre parcours, portrait de la Cinquième Symphonie en ré mineur opus 47, programmée en octobre, à Paris et à Monte-Carlo, entre autres.
« La réponse d’un compositeur à de justes critiques », la mention autographe placée en préambule à la partition indique clairement les intentions de Chostakovitch à une époque où il a reçu de plein fouet, les plus vives critiques de la censure Stalienne. L’année qui précède la composition de sa Cinquième symphonie, Staline qui a assisté à une représentation de son opéra, Lady Macbeth de Mzensk, a fait comprendre, dans un article paru dans la Pravda, sa totale désaprobation vis-à-vis de la musique de Chostakovitch. Du jour au lendemain, l’œuvre est retirée de l’affiche, et l’auteur, étiqueté « ennemi du peuple », artiste néo occidental, trop formaliste, traître à l’idéal réaliste prôné par l’autorité soviétique.
La Cinquième symphonie est une réponse aux critiques qu’il a suscitées. Chostakovitch semble faire amende honorable, courber l’échine. L’œuvre, écrite en trois mois, est créée à Leningrad le 21 novembre 1937 sous la direction d’Evgeni Mravinski. D’emblée, l’accueil est enthousiaste : les représentants du Pouvoir constatent un net effort du compositeur en direction des canons de l’esthétique officielle, du moins ils reconnaissent ce en quoi le musicien s’est efforcé pour plus de « simplicité » et d’ « intelligibilité », selon ses propres termes.
Œuvre de complaisance, ou feinte tactique, le message de Chostakovitch est aussi autobiographique. Il exprime le destin d’un artiste de génie, inquiété, pour le moins rebelle si l’on considère que le final victorieux peut être une pointe d’optimisme forcené lancé comme une provocation.Là encore, comme beaucoup d’œuvre du symphoniste, la Cinquième vibre et palpite : l’auditoire ne s’est pas trompé. La vitalité que peint Chostakovitch, teintée d’amertume, de cynisme voire de sarcasme rentré, est perçue comme un chant d’espoir (de résistance ?) à l’époque des purges staliniennes.
Fiche Symphonie
Symphonie n°5 opus 47.
Durée : 45 mn
Plan de l’œuvre en quatre parties
Le moderato (1) initial est marqué par une angoisse explicite. L’allegretto (2) est un scherzo frôlant l’insouciance voire le sarcasme. Son esprit est populaire. L’ample largo (3) est une profonde méditation, l’une des plus inspirées jamais composées par Chostakovitch. Le recul critique et l’analyse des événements vécus semblent ici produire leur effet. En guise de conclusion, l’allegro non troppo (4) est porté par le motif principal affirmé par la trompette. D’un ton dynamique et déterminé, le dernier épisode, en ré majeur (quand toute la symphonie reste colorée par le ré mineur), souligne le chant victorieux du compositeur, confiant dans l’estime reconquise auprès de ses censeurs. Mais, s’appuyant sur une double lecture possible, s’agit-il d’un rachat proclamé ou bien au contraire, dévoilant la lucidité de l’auteur, d’un coup de tête plein de panache et d’orgeuil, à destination de cette même censure dérisoire et granguignolesque ? La richesse de ton s’exprime clairement ici.
Concerts
La Cinquième Symphonie est à l’affiche de la nouvelle saison de l’orchestre de Paris et de l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo.
Les 4 et 5 octobre
Symphonie n°5. Salle Pleyel. Orchestre de Paris, direction : Yutaka Sado
Le 15 octobre
Symphonie n°5. Auditorium Rainier III, Monaco.
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, direction : Alexander Mickelthwate
Saison anniversaire de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, « les 150 ans«
Approfondir
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Crédits photographiques
Chostakovitch et Evgueni Mravinski, le créateur de nombreuses symphonies du compositeur, dont la Cinquième (DR).