Mois Chostakovitch sur Mezzo. Aux côtés de France 3 (voir notre grille télé du 24 septembre après minuit) et surtout d’Arte qui décline jusqu’en novembre, une fin d’année 2006 « Chostakovitch », la chaîne classique et jazz, honore à son tour le « Beethoven du XX ème siècle », en diffusant un document légendaire : les symphonies n°6 et n°9 par Leonard Bernstein avec les musiciens du Philharmonique de Vienne, sous les caméras d’Humphrey Burton en 1985 et 1986 (paru également en dvd chez DG).
Le drame humain, le destin irrépressible, la machine militaire, la force des éléments, la fatalité mais aussi, surtout, la violence insoumise de la volonté sont ici au rendez-vous. Certes Chostakovitch aimait nourrir l’ambiguité sous une apparente soumission à l’ordre soviétique. Lucidité et cynisme voire amertume sarcastique fondent de façon souterraine une œuvre qui comme celle de Mahler, rapproche l’humain et l’inhumain, l’aspiration à la paix et l’expression la plus noire de la terreur et de la barbarie, vécues, cotoyées, défiées.
Leonard Bernstein fidèle à lui-même, replace le propos des deux symphonies, 6 (enregistrée en 1986) et 9 (enregistrée en 1985) au centre de la question de l’humain, tout en ciselant non sans cynisme et grimace parodique, la charge séditieuse de la musique. C’est pourquoi le cycle des diffusions sur Mezzo, de ces deux monuments de musique filmée, est immanquable. A partir du 16 et jusqu’au 27 septembre 2006. Les deux symphonies sont diffusées l’une après l’autre : la Sixième, puis la Neuvième.
Diffusion
Le 16 septembre à 13h45
Le 21 septembre à 3h
Le 27 septembre à 10h.
Genèse
Pour mieux vous préparer à l’écoute des deux symphonies, voici leur genèse.
Symphonie n°6
En si mineur opus 54Créée à Léningrad sous la direction de Evgueni Mravinski, le 5 novembre 1939, la Sixième suit l’interdiction officielle qui frappe Chostakovitch, après que Staline l’ait jugé sans appel, compositeur « anti-peuple » et formaliste, après que le dictateur ait été choqué par son opéra Lady Macbeth de Mzensk. La partition est composée en 1939, assez rapidemment entre le Premier Quatuor et le Quintette avec piano. A la place d’une œuvre spectaculaire annoncée à la gloire de Lénine, Chostakovitch fait entendre une œuvre en tryptique, de trente minutes, initiée par un largo, suivi de deux scherzos.
Le largo initial développe un climat de morbide langueur, solennelle et pathétique. Le premier scherzo quant à lui, rompt le ton en affichant sous une fluidité allègre, un cynisme mordant. L’insouciance se précise sans équivoque cependant dans le second scherzo qui cite même la virtuosité piquante de Rossini. Où se cache le véritable message du musicien. Tout est là, dans les replis de la musique. Il suffit d’écouter.
Symphonie n°9
En mi bémol majeur opus 70C’est également Evgueni Mravinski qui créa l’ œuvre, le 3 novembre 1945, à Léningrad. Plus courte encore que la Sixième, la Neuvième développe en vingt-cinq minutes maximum, un climat allègre, emporté par Chostakovitch qui s’y attela pendant un mois, en août 1945. Cinq mouvements (allegro, moderato, presto, largo, allegretto) se succèdent à l’instar de la Huitième, les trois derniers étant enchaînés. La clarinette entame un hymne orientalisant dans le moderato et seul, le largo entonne un chant de grandiose dramatisme, en affinité avec la fin de la guerre qui méritait bien une déclamation de victoire. Mais Staline ne l’entendit pas ainsi : il fut, selon Chostakovitch, très déçu par la partition qui ne répondait en rien à la propagande spectaculaire et triomphale qu’il s’attendait. Preuve supplémentaire du décalage récurrent entre les deux personnalités. Preuve aussi que Chostakovitch s’ingénia toujours à surprendre, en produisant des oeuvres toujours surprenantes.