jeudi 24 avril 2025

Dmitri Chostakovitch: Lady Macbeth de Mzensk, 1934 Paris, Opéra Bastille. Du 17 au 30 janvier 2009

A lire aussi

Dmitri Chostakovitch
Lady Macbeth de Mzensk
, 1934

Paris, Opéra Bastille
Du 17 au 30 janvier 2009

Hartmut Haenschen, direction
Martin Kusej, mise en scène

La production parisienne a déjà été crée précédamment au Nederlandse Opera d’Amsterdam et diffusée sur Arte en novembre 2006. Avec dans le rôle de Katerina Lvovna Ismailova, Eva-Maria Westbroek

Scène crue
Chostakovitch a, de longue date, été occupé par le théâtre, constamment inspiré par l’action dramatique. En dramaturge intuitif, il compose ballets, musiques de spectacle, musiques de film, et bien sûr, s’attaque à l’opéra. Le Nez d’après Gogol, est sa première tentative. Un coup de maître. Mais sa quête d’un théâtre de vérité, pleinement passionnel, porté par la dignité tragique d’un personnage, se réalise totalement en décembre 1932, à 26 ans, lorsqu’il achève la composition de sa « Lady Macbeth ». Créé au Théâtre Maly de Léningrad, le 22 janvier 1934, repris presque simultanément à Moscou, sur la scène du Nemirovitch-Dantchenko, l’œuvre fascine immédiatement le public par son intensité voire sa violence formelle.

Mais Chostakovitch va plus loin qu’une simple illustration dramatique d’un fait divers car l’intrigue s’inspire d’abord, avant la Lady Macbeth de Shakespeare, de la nouvelle de Nikolaï Leskov (mort en 1895), publiée dans le revue de Dostoïevski, « Epokha ». Chostakovitch imagine sans ambiguïté les épreuves semées d’infamies d’une femme meurtrière malgré elle, dont le seul crime en définitive, est d’avoir cru à l’amour, par excès de romantisme. Naïveté mais aussi grandeur d’une âme pure, déchirée, qui grâce au parti de l’auteur, sort grandie du drame.

Chostakovitch se place continuement du côté de l’héroïne : Katerina n’a ni l’intelligence calculatrice de Lady Macbeth de Shakespeare, ni son instinct manipulateur, si ce n’est peut-être la flamme éruptive, cette passion sanguine qui la mène sans retenue à prendre le bonheur où il se trouve. Confrontation d’une femme de caractère, soucieuse de son bonheur, avec un système perverti et même crapuleux, la partition de Chostakovitch, sans être d’un féminisme racoleur, prend la défense de son héroïne contre le mensonge et la brutalité des hommes : son mari, son amant, son beau-père n’ont ici rien pour se racheter. Chacun incarne la perversion, la servilité et la corruption.

Ni obscène ni triviale, encore moins « pornographique » comme on l’a écrit ici et là, sauf peut-être pour des oreilles bien mal inspirées et forcément réductrices, la partition exprime avec économie et tension, la quête avortée d’un être épris d’idéalisme, social et humain. Sans complaisance, l’auteur cerne son sujet avec une maestrià remarquable, tissant en miroir de la personnalité de l’héroïne et des situations auxquelles elle est confrontée, un voile musical lunaire et crépusculaire, d’une force souvent hallucinée, à la fascinante et sarcastique beauté. Son style singulier s’y déploie admirablement dans l’horreur, l’apparente légèreté, l’expression profonde des blessures souterraines. C’est une scène crue, -l’arène des misères et de trivialités du monde-, qu’assène à sa pauvre créature, un Chostakovitch doué malgré son jeune âge, d’un tempérament expressionniste indiscutable.

Illustration: Katerina Lvovna Ismailova, Eva-Maria Westbroek (DR)

Derniers articles

ENTRETIEN avec LÉO MARILLIER, directeur artistique du Festival INVENTIO, à propos de l’édition 2025 : celle des 10 ans / Les 29 avril, 5,...

On ne saurait mieux dire : pour Léo Marillier, directeur aristique du Festival INVENTIO, « l’ADN du Festival INVENTIO : Enrichir...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img