mercredi 23 avril 2025

Duo Contrebasse, piano: Bruno Robilliard/Botond Kostyak Lyon, Salle Molière. Lundi 10 mars 2008 à 20h30

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Duo Robilliard/Kostyak


Lyon, Salle Molière
Lundi 10 mars 2008 à 20h30


Duo contrebasse et piano : sonates de Beethoven, Brahms et Reiner par Bruno Robilliard et Botond Kostyak. La contrebasse est d’habitude dans l’orchestre symphonique, sur les gradins, en haut à droite, et en groupe…On la voit plus rarement en instrument concertiste ou chambriste. Botond Kostiak, soliste à l’ONL, et le pianiste Bruno Robilliard, dialoguent dans des œuvres transcrites (Beethoven, Brahms) et une Sonate écrite pour leurs deux instruments par le compositeur tchèque Karel Reiner.

Des histoires hyper-graves

Chez les musiciens courent beaucoup d’histoires dites drôles sur l’alto, instrument considéré comme « globalement…négatif », et allez savoir quelles racines plongent en quel terreau musical( ?) pour une telle dépréciation. Mais on sait depuis la parution d’un monologue à succès que la contrebasse peut aussi se révéler instrument à problèmes psychiques pour qui en use dans son métier : c’est du moins ce qu’imagine l’écrivain allemand Patrick Süskind, inventeur de l’encore plus universellement diffusé « Parfum ». Là, il n’y a pas que le son pour se révéler hyper-grave. Qu’est-ce que ces malheureux instruments à cordes ont donc fait pour mériter moquerie plus ou (surtout) moins fine ? Mais si l’alto n’est après tout qu’un violon un rien plus grand, il retrouve sa noblesse dans le quatuor à cordes, alors que la contrebasse n’y est pas invitée. Dans l’orchestre symphonique, c’est autre chose, et comme groupe elle en impose, jouant même un rôle déterminant chez Beethoven, qui avait lui-même été enthousiasmé par le jeu du virtuose italien Dragonetti. Et puis bien sûr vint le temps du jazz : en déposant l’archet, la contrebasse a retrouvé une importance rythmique qui la décomplexe – ô Charlie Mingus ! – et d’ailleurs des instrumentistes du classique-contemporain – aujourd’hui en France, une Joëlle Léandre… – la (re)valorisent hardiment. Côté concertos classico-romantiques, c’est moins brillant, malgré les œuvres de Dragonetti, Dittersdorf, Haydn (son double concerto s’est perdu dans l’incendie d’une bibliothèque), et surtout Bottesini ; au XXe, le chef légendaire Koussevitsky a honoré d’un concerto son instrument préféré… Heureusement il y a les transcriptions, domaine toujours ouvert à qui aime harmonie et timbre.

Du grand Brahms alla Bach
En accord avec le piano, la liste des possibles est donc relativement vaste, notamment en répertoire de sonates. On accueille donc avec vif intérêt et curiosité le duo « pianissime-contrebassime » de Botond Kostyak et Bruno Robilliard. Beethoven trentenaire – encore lui – y est honoré, à partir de sa partition écrite – à la va-vite peut-être, en tout cas sans traîner – pour un dialogue entre le cor et le piano, qui obtint à sa création en 1800 un succès spectaculaire et ratifié par la critique. On passe des vents aux cordes avec la transposition de la 1ère sonate violoncelle-piano de Brahms, écrite entre 1862 et 1865, et dédiée à Josef Gänsbacher qui avait négocié pour lui l’achat du manuscrit de lied schubertien Der Wanderer…Là encore, la partition fut immédiatement reconnue par l’adhésion du public : elle est « du grand Brahms », avec le ton de lyrisme aventureux de l’allegro initial, la détente presque badine de l’allegretto, et le projet noble d’une thématique et d’un développement fugués – manifestement « alla Bach » – dans le finale grandiose et solaire.

Etre ombre parmi les ombres

La 3e œuvre choisie par pianiste et contrebassiste n’a, elle, rien de l’exercice transcriptionnel. C’est bien la contrebasse qui dialogue avec le piano dans la Sonate de Karel Reiner, et cette musique sera une émouvante découverte pour les auditeurs, car le musicien tchèque (1910-1979) appartint par sa jeunesse (entre 30 et 35 ans) à l’enfer partagé avec les victimes du système concentrationnaire nazi. A la différence de ses compatriotes les compositeurs Pavel Haas, Gideon Klein, Rudolf Karel, Hans Krasa, Erwin Schulhof ou Viktor Ullmann, et malgré son envoi de Terezin à Dachau, il survécut, et put à son retour de la Maison des Morts témoigner pour la dignité et le courage de l’esprit. Les nazis l’avaient raflé, envoyé – comme bien des artistes et intellectuels tombant sous le coup des lois raciales et/ou pratiquant un « art dégénéré » – au camp de Theresienstadt (Terezin), ouvert en 1941, que par une abominable opération de propagande ils camouflèrent (1944) en « ville offerte par le Führer aux Juifs », où les détenus pouvaient vivre « presque normalement »…Le temps d’une visite de la Croix Rouge – qui fit semblant de ne rien voir-, du tournage d’un film, et la « normalité » concentrationnaire – ponctuée par la noria des transferts vers Auschwitz – reprit en cette usine de et vers la mort, qui aura fait périr environ 150.000 personnes. Certains emprisonnés « transférés » d’un camp à l’autre moururent du typhus au moment de la libération en juillet 1945, tel le poète et résistant français Robert Desnos (« il me reste d’être cent fois plus ombre que l’ombre, qui reviendra dans ta vie ensoleillée » : le « Dernier Poème » à sa femme, repris en notes et retrouvé dans son vêtement de détenu…). La devise « Arbeit Macht Frei »(le travail rend libre) figurait là comme dans les autres camps nazis – sinistre écho infiniment activé de « notre » pétainiste « Travail Famille Patrie » – , mais les artistes qui entrèrent à Terezin en opérèrent une sorte de détournement sublime, qui 60 ans plus tard force l’admiration.

Les 1/4e et 1/6e de ton
Le 2nd mouvement de cette Sonate semble sonner en « marche funèbre » qui rappelle le passé et alerte sur les dangers toujours menaçants. La partition a été écrite bien longtemps après la Libération par Karel Reiner qui avait repris une place importante dans la vie musicale de son pays, et tout en se tournant vers les chants populaires, n’avait cessé de se référer à l’enseignement de son premier maître, Aloïs Haba, explorateur des quarts et sixièmes de ton. Nul doute que les deux instrumentistes invités par les Pianissimes de Saint Germain-au-Mont-d’Or – et jouant le 10 mars à la Salle Molière de Lyon – sauront donner à cette partition sa charge émotionnelle. Botond Kostiak est actuellement contrebasse solo dans l’Orchestre National de Lyon, professeur à l’Académie de musique de Bâle, créateur d’œuvres contemporaines qui lui sont dédiées. Bruno Robilliard, soliste et chambriste, enseigne le déchiffrage au CNSM de Lyon, et il a récemment enregistré au piano un cd (éditions Hortus) qui permet de mesurer ce que la romantique Hélène de Montgeroult (éditions Hortus) apportait à son époque et à la musique européenne dans son ensemble.

Lyon, Salle Molière, lundi 10 mars 2008, 20h30. Botond Kostyak (contrebasse), Bruno Robilliard (piano). L.van Beethoven (1770-1827), Sonate pour contrebasse et piano(transcription) ; J.Brahms ( 1833-1897), Sonate pour contrebasse et piano (transcription); Karel Reiner (1910-1979), Sonate contrebasse et piano. Les Pianissimes, information et réservation : Tél. : 04 78 91 25 40 ou www.diese.fr

Crédits photographiques
Botond Kostyak (DR)
Bruno Robilliard (DR)

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