mardi 22 avril 2025

Edito: France, où va ta culture?

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France, culture en péril

Quatre points de réflexion, défendus par l’ensemble de la Rédaction de classiquenews.com, au sujet de la situation actuelle de la culture en France, précisément sur l’avenir du spectacle musical au moment des Entretiens de Valois menés à l’initiative du Ministère Albanel, depuis février 2008.

Où va notre culture? Depuis le début de l’année, sous le couvert des Entretiens de Valois, le Ministère de la Culture semble jouer la proximité avec les acteurs de la culture, tout en brouillant ses véritables intentions. Défaire le système de répartition des subventions, pourquoi pas? Mais pour quelle autre nouvelle solution? Dans quelle politique culturelle, le plan Sarkozy/Albanel s’inscrit-il? Il s’agit d’un chantier essentiel pour cette exception culturelle française qui permet aujourd’hui à notre pays d’être cette pépinière unique au monde d’ensembles et de projets spécifiques et singuliers, portés par des personnalités créatives qui s’exportent aussi à l’étranger. Quel autre pays en Europe regroupe et favorise l’essor de tant d’acteurs convaincants, chacun singulier dans leur approche de répertoire: Brigitte Lesne, William Christie, Jean-Claude Malgoire, Martin Gester, Marc Minkowski sans compter l’exceptionnelle vitalité de la « nouvelle génération »: les plus jeunes et les plus prometteurs, Emmanuelle Haïm, ou Vincent Dumestre, les déjà reconnus et recherchés, Benoît Haller, Jean Tubéry, Denis Raisin-Dadre… Evidemment, cet essor a montré combien l’émergence des formations de musique ancienne et baroque n’était plus une mode, mais un renouvellement constant et profond de la sensibilité musicale, aux côtés des répertoires classiques et romantiques. Aujourd’hui, sans savoir rassurer ou exposer clairement ses projets, le Ministère semble vouloir démanteler un modèle culturel qui a fait ses preuves. La question du désengagement de l’Etat est au coeur de la réflexion ainsi posée. Depuis Malraux et De Gaulle, Lang et Mitterand, la culture en France a été toujours largement soutenue, défendue, favorisée. Choix politique? Dessein de civilisation. La France se définit depuis la Révolution par un débat culturel libre, inventif, multiple. Que prépare au final le duo Sarkozy/Albanel? Il semble qu’une page de l’histoire culturelle est en phase d’être tournée. Le désir de réforme cacherait-il un plan plus destructeur que novateur? Les messages clairs manquent cruellement. Et l’inquiétude grandit. Car partout s’énonce clairement un désengagement de l’Etat, aux conséquences déjà multiples.

1. La Symphonie des Mille, vaincue
Peu à peu, les faits indiquent une tendance dangereuse. A défaut du maintien officiel et clair des subventions pourtant annoncées, l’Orchestre national des Pays de la Loire a dû annuler son projet essentiel concluant sa saison musicale 2007/2008: la Symphonie n°8 « des mille » de Gustav Mahler, qui devait impliquer nombres de choeurs et chorales locales (six choeurs amateurs et professionnels), a été tout simplement « reportée » (à l’origine, l’oeuvre était programmée en juin 2008). C’est tout un travail de diffusion de la musique en région impliquant qui est ainsi empêché…

2. Les acteurs de la musique ancienne et baroque s’inquiètent
En février dernier, les acteurs de la musique ancienne, milieu le plus récent de la culture et aussi le plus inventif, exprimaient leur plus vive inquiétude sur la pérennité de leur activité.
Créé à l’initiative du Festival d’Ambronay (France) en 2000, le Réseau Européen de Musique Ancienne (REMA: 12 pays représentés par 50 structures de recherche et/ou de diffusion dont 13 françaises) incarne l’un des pôles les plus actifs du champs musical. Les acteurs qui portent des projets audacieux, créatifs, s’appuyant sur d’importantes recherches musicologiques, précisent qu’ils s’appuient sur un modèle économique fragile mais maîtrisé :la recherche en musique ancienne (médiévale à baroque). Les actions musicales ainsi défendues renforcent l’identité et la richesse de la culture française, à l’échelle européenne, tout en favorisant aussi la valorisation du patrimoine architectural. Il s’agit d’un secteur économique à fort potentiel: « les fréquentations des festivals de musique ancienne ainsi que les ventes de disques de ce répertoire étant parmi les plus dynamiques« . Où se situe la menace précisément? La volonté du Ministère de réduire les subventions et ne soutenant plus ou moins, un secteur fragilisé, conduirait à sa perte. Le Rema s’exprime sans faux semblants: « les acteurs de la musique ancienne en France sont confrontés à la politique de répartition de la disette mise en œuvre par le Ministère de la Culture et de la Communication : baisse généralisée des subventions ou simple maintien, équivalent de fait à une baisse compte tenu de l’augmentation légale des masses salariales, des charges générales et de l’inflation de +2,8 % cette année. L’engagement des artistes de musique ancienne est conditionné par la vitalité de nos structures : les ensembles français de musique baroque de renommée internationale y trouvent leur principal débouché artistique« . Partant de ce constat, les intéressés ont demandé ce que tout le milieu culturel français attend du Ministère, « une clarification de ses choix de politique culturelle concernant le secteur de la musique ancienne ». Cette question vaut pour tous les acteurs du spectacle musical.

3. Diversité culturelle menacée
Si Christine Albanel précise qu’il est faux de parler d’un désengagement de l’Etat, les chiffres contredisent cette déclaration. Gel des crédits, baisse des subventions, manque de visibilité sur 2009, maintien encore hypothétique des aides, pourtant annoncées comme « maintenues » en 2008… le climat est au doute. Les Entretiens de Valois où l’on doit réexaminer tout le modèle de distribution des subventions de l’Etat dans le domaine culturel, jusqu’en juin 2008, ayant traversé les dernières élections municipales de mars 2008, se poursuivent.

Deux questions prioritaires pourraient cependant être débattues en urgence, ne serait-ce que pour atténuer l’inquiétude voire l’ébullition générale. Si l’Etat confirme diminuer ses subventions, pourrait-il tout au moins répartir équitablement ce manque à gagner auprès des structures et ensembles? Or la Ministre a déclaré d’ores et déjà que seules les institutions labellisées « nationales » ne serait pas inquiétées par le gel des crédits. Et les autres? C’est à dire tous les autres ensembles, groupes, structures, petites et moyennes formations professionnelles dont les programmations regroupent pourtant 90% de l’innovation et de l’originalité musicale et artistique… elles risquent de devoir porter seules le manque à gagner, bien qu’elles soient déjà fragilisées. En privilégiant les grands, laissant aux petits les miettes d’un gâteau de plus en plus amoindri, nul doute que c’est la diversité des projets, l’audace, les créations dans tous les répertoires qui en souffriront. Aux régions et aux départements de soutenir davantage les initiatives locales, lance le Ministère. Pas si facile cependant. Car souvent les collectivités territoriales sont déjà très engagées quand la part des subventions de l’Etat se maintient à 15 ou 20%, seulement dans la majorité des programmes.

4. Equilibrage
On sait combien la diversité est aujourd’hui un bien menacé dans notre époque de plus en plus globalisée et interdépendante. Or qu’elle soit biologique, végétale, culturelle, la richesse est en péril. Ce sont les équilibres et le foisonnement culturel de notre planète qui sont désormais en jeu. Se désengager financièrement des projets les plus innovants revient à asphyxier demain la créativité et la vitalité artistique. De ce fait, les acteurs de la culture n’avaient pas tort de réclamer au gouvernement Fillion et au Président Nicolas Sarkozy, un « Grenelle de la culture ». Contre un formatage croissant du goût et des pratiques culturelles, il serait plus honnête moralement d’assurer l’équilibre du paysage culturel en favorisant au contraire la sainte richesse et la diversité des programmations et des projets, souvent défendus par de jeunes ensembles émergents. Maintenir le financement des grosses structures revient à renforcer leur responsabilité artistique et culturelle à l’échelle locale: il revient donc au Ministère d’inviter les scènes nationales et tous les théâtres et salles aidées sans diminution, à programmer des spectacles dans tous les domaines culturels existants aujourd’hui. Ce qui est loin d’être le cas: combien d’opéras, d’orchestres « nationaux », de scènes pourtant réputées, de nouveaux auditoriums, aux moyens importants qui n’affichent pas de musique baroque, ancienne, de création contemporaine… au prétexte que le risque et l’originalité ne font ni la recette ni l’audience, préférant les séries des têtes d’affiches, plus faciles à vendre auprès de leurs abonnés. Heureusement les festivals pallient souvent ce manque d’équilibrage en développant une politique d’éducation, de proximité et de fidélisation auprès de leurs publics. Offrons demain des débouchés à tous nos ensembles spécialisés porteurs de projets spécifiques et originaux. Sauvons la diversité culturelle!

5. Entretiens vidéo
Classiquenews.com ouvre le débat et recueille les témoignages des acteurs culturels en France. Visionner nos entretiens vidéo avec Alain Brunet, directeur du Festival d’Ambronay; Charlotte Latigrat, directrice du Festival d’Ile de France…

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