Elliott Carter
Compositeur
Elliott Carter est né le 11 décembre 1908 à New York, un jour avant Olivier Messiaen. Etudiant à Harvard (entre autres, la littérature anglaise et le cinéma… d’Eisenstein), il rejoint l’École normale de musique de Paris (1932-1935), travaille avec Nadia Boulanger (en particulier le contrepoint), puis devient enseignant, notamment à la Columbia University et la Juilliard School of Music. Mais la figure qui exerce une influence décisive sur la poursuite de sa vocation et sur son écriture, demeure Charles Ives, rencontré dès 1925, qui l’a incité à devenir compositeur, et qui sera son mentor jusqu’à son départ pour l’Europe et Paris.
Jusque dans les années 1940, Carter s’inscrit dans la veine néoclassique, sous l’influence de Stravinski, Hindemith et Nadia Boulanger. C’est à partir de 1950, que le compositeur développe son propre style, indépendant, original, ni proprement « américain » comme Bernstein ou Copland, ni d’obédience sérielle à la façon d’un Boulez. Sa réflexion porte sur la notion de temporalité. En cela son Premier Quatuor à cordes (1951), inspiré par Le sang d’un poète de Jean Cocteau, révèle le tempérament d’une écriture aboutie, qui s’appuie sur une complexité rythmique et contrapuntique nouvelle, douée d’une très forte et immédiate expressivité. Toute son oeuvre semble interroger le temps et le rapport de l’individu avec la notion d’écoulement, de continuité ou de rupture.
Son écriture chambriste, en particulier, rend compte de son interrogation permanente à propos de l’identitié profonde de chacun, révélée dans son rapport au temps et dans sa relation avec les autres. Dès son Premier Quatuor, Elliott Carter assemble plusieurs phrases contrapuntiques qui se développent indépendemment les unes des autres, en stratifications parallèles, comme s’il s’agissait de pensées ou de temporalités musicales autonomes. Le Deuxième Quatuor (créé en 1922 par le Quatuor Juilliard) établit une autre « réalité » cartérienne: le langage instrumental est inspiré des relations et des comportements humains. Comme un miroir social, la trame du Quatuor rend compte des aspirations individuelles, égocentriques ou faisant corps avec le groupe. De ce fait, Carter joue constamment entre la pulsion d’éclatement ou la volonté d’unification et de cohérence. A ce jour, le compositeur a composé cinq Quatuors à cordes. Doué d’une grand culture, le musicien incarne une synthèse entre ancien et nouveau monde. Penseur, érudit, poète et humaniste, il n’a cessé d’établir des correspondances entre littérature et musique, souvent, le prétexte de ses compositions découle d’une lecture ou de la connaissance familière d’un texte romanesque ou poétique.
Elliott Carter soufflera ses 100 ans, le 11 décembre 2008.