Emmanuel Chabrier
L’Etoile, 1877
Paris, Opéra Comique
Du 13 au 23 décembre 2007
Nîmes, Théâtre
Les 10 et 11 janvier 2008
France Musique
Samedi 22 décembre 2007 à 19h
Diffusion en direct de l’Opéra-Comique à Paris
Avec Jean-Luc Viala (Ouf Ier), Jean-Philippe Lafont (Siroco), The Monteverdi Choir, Orchestre révolutionnaire et romantique, John Eliot Gardiner, direction. Mise en scène: Jérôme Deschamps et Masha Makeïef
La perle de l’opérette française
Emmanuel Chabrier (1841-1894) reste pour le grand public surtout connu pour España (1883) qui fut dans sa carrière le premier succès important, reconnaissant le talent d’un compositeur original, absolument fasciné par la force suggestive de l’orchestre de Wagner. Pourtant, il y eut auparavant, L’Etoile, pur joyau lyrique, dans le genre de l’opéra-comique, créé par un compositeur de 36 ans, aux Bouffes Parisiens le 28 novembre 1877 dont Jacques Offenbach est alors directeur.
D’Indy, voyait dans L’Etoile, une partition aussi réussie et raffinée que Le Barbier de Séville de Rossini. Et Reynaldo Hahn en 1937, la considérait comme la « perle fine de l’opérette française »… bien supérieure par son éclat poétique et sa séduction mélodique aux ouvrages d’Offenbach! C’est peu dire.
En vérité qu’avons nous? Une oeuvre exemplaire qui allie la poésie et la légèreté mais aussi le délire et la subversion. Chabrier, ce « petit gars d’Auvergne, trapu et râblé » a en vérité bien des choses à dire, dans l’exquise dérision et l’audace les plus improbables. Le compositeur y renverse conventions et usages, ailleurs strictement décoratifs, rejoignant dans ce seul ouvrage, les meilleures actions d’Offenbach dont la finesse et le mordant dérangent le bon bourgeois. Ici, la fantaisie fantastique des personnages, véritable bestiaire de types psychologiques, comme le bestiaire de l’époque médiévale, (pas moins de 15 individualités aux noms déjantés), foisonnant à la surface des chapiteaux gothiques, le dispute au surréalisme des situations.
Gardiner revient sur son ouvrage
L’action dépeint le règne et la personnalité d’un tyran ubuesque, pourtant moins fictionnel qu’on l’a dit, prototype de bien des despotes dont l’histoire malheureusement nous dépeint encore aujourd’hui, les ignominies impensables. La partition dont la richesse harmonique et l’invention mélodique dérangent les musiciens de l’époque (horrifiés par les nuances et le raffinement de l’orchestration comme de l’écriture), s’appuie sur le très solide livret des associés de Chabrier, Eugène Leterrier et Albert Van Loo (qui ont commis et réussi La Marjolaine de Lecocq, qui ont aussi écrit pour Offenbach, le texte de son Voyage dans la lune, autre fantaisie surréaliste totalement délirante et même philosophique). Le livret de L’Etoile est brillant, vif, affûté, à mille lieues des grandiloquences précieuses d’un Catulle Mendès chez Massenet par exemple.
L’intrigue. Pour le souverain Ouf Ier, rien n’est plus important que d’être détesté et impopulaire. Mais son peuple l’acclame… il décide donc de sacrifier un innocent pour renverser la situation. Aussi quand le jeune colporteur Lazuli le gifle, l’impudent s’est lui-même désigné: il sera condamné. Mais l’astronome Siroco apprend au roi que son destin est lié à celui du colporteur… Telle est la bonne étoile de Lazuli qui au sortir d’épisodes rocambolesques, épouse la princesse Laoula, initialement promise au Roi Ouf.
La production à l’affiche de l’Opéra-Comique rétablit le répertoire musical écrit pour le lieu historique. Quelle meilleure oeuvre que L’Etoile pouvait ainsi « ouvrir » officiellement la première saison du Théâtre National de l’Opéra-Comique? Les parisiens confrontés aux raffinements d’une partition mésestimée dont les couleurs et la texture infiniement ciselée, annoncent Debussy, devraient redécouvrir plus qu’un ouvrage, un répertoire! Rappelons que c’est le chef britannique, John Eliot Gardiner, qui avait révélé l’ouvrage à Lyon en 1984, dans une production déjà éblouissante voire éclatante… qui dirige l’opéra dans la fosse parisienne: rien de plus naturel, en somme, pour une étoile.
Illustration: Henri Fatin-Latour, Emmanuel Chabrier au piano (Paris, Musée d’Orsay)