Concert Giacinto Scelsi
Ensemble Orchestral Européen
Jonathan Haskell, direction
Firminy, église Saint-Paul de Le Corbusier
Samedi 19 janvier 2008 à 20h30
Gérard Grisey: Périodes, 1974
Yuri Kasparov: Hommage à Honegger, 2005
José Evangelista: Alap et Gat, 1998
Giacinto Scelsi: Pranam, 1973
Voici le dernier volet du cycle Giacinto Scelsi par l’Ensemble Orchestral Contemporain. L’orchestre retrouve à cette occasion un lieu qu’il avait inauguré le 3 décembre 2006. Pranam II fut composé en 1973 puis créé en 1975 à Rome. C’est une oeuvre courte (6 mn) écrite pour 9 instruments dont l’opulence sonore est emblématique de la manière de son auteur.
Vie de Giacinto Scelsi (1905-1988). Giacinto Scelsi est né le 8 janvier 1905 à Pitelli (Arcola, La Spezia). Son père Guido Scelsi, lieutenant de vaisseau, d’origine sicilienne se distingue au moment de l’unité italienne. Le jeune adolescent et sa soeur cadette Isabella, vivent avec leur mère, Donna Giovanna d’Ayala Valva, dans le château de Valva en Irpinie, vaste demeure appartenant à la famille maternelle. Il y reçoit ses premières leçons de latin, d’échecs et d’escrime. Mais, le jeune adolescent aime surtout improviser sur le piano familial… pendant des heures, porté par la seule ivresse que procure la production mécanique des notes. A Rome, le jeune musicien approfondit son approche autodidacte en suivant les leçons du professeur, Giacinto Sallustio. A 15 ans, le jeune intellectuel rencontre les personnalités mondaines des années 1920: Jean Cocteau, Norman Douglas, Mimi Franchetti, Virginia Wolf… Scelsi voyage en France, en Suisse, surtout en Egypte, en 1927 où il découvre médusé la résonances des musiques locales. Il compose sa première oeuvre en 1929 à 24 ans: Chemin du Coeur. Il est révélé lors du concert parisien de la Salle Pleyel, le 20 décembre 1931, à 26 ans, quand sa dernière oeuvre, Rotativa, est créée sous la direction de Pierre Monteux. L’accueil est triomphal quand le compositeur ainsi reconnu, reste insatisfait par son oeuvre. En 1937, en Italie il organise à ses frais plusieurs concerts de musique contemporaine comprenant les partitions de Kodaly, Meyerowitz, Hindemith, Schoenberg, Stravinsky, Chostakovitch, Prokofiev, Nielsen, Janàcek, Ibert… Les lois raciales interdisant l’interprétation des oeuvres de compositeurs juifs empêchèrent la poursuite de l’activité de concerts, et de diffusion de la musique contemporaine, initiée par Scelsi.
Le jeune compositeur se détourne de son pays et découvre le dodécaphonisme de Schoenberg grâce à la formation que lui prodigue l’un des élèves du compositeur viennois, Walter Klein. Scelsi se passionne simultanément pour la philosophie musicale de Scriabine grâce à sa rencontre avec le docteur Egon Koehler qui l’initie à la chromothérapie.
Pendant la barbarie nazie, Scelsi vit en Suisse où il épouse l’anglaise Dorothy Kate Ramsden. Le compositeur poursuit son activité d’écriture. Malgré une période difficile, il poursuit une intense activité culturelle comme poète et comme compositeur, posant les jalons théoriques de sa musique à venir. Scelsi n’hésite pas à aider les réfugiés venus en Suisse chercher refuge. Son Trio à cordes est créé joué par le Trio de Lausanne dirigé par Edmond Appia, de même le pianiste crée plusieurs Pièces pour le clavier.
Après la guerre, Scelsi se fixe à Rome où a vécu sa mère. A Paris, en 1949, la Quatuor de Paris joue son premier Quatuor et Roger Désormières crée La Naissance du verbe. Le compositeur repousse toujours les frontières de la sensation et de l’écriture musicale. Sous l’influence du mysticisme oriental et de l’ésotérisme, il fait paraître chez l’éditeur parisien Guy Levis Mano, trois petits livres de poésie: Le poids net, L’archipel nocturne et La
conscience aiguë. Esprit toujours en quête, fasciné par l’infiniment ténu, le repli des sons, Scelsi expérimente, en innovant de nouvelles pratiques musicales, en ayant recours à des instruments nouveaux, tel l’ondioline, capables de reproduire quarts et huitièmes de ton, comme l’improvisation en état de transe, suscite aussi, de nouvelles formes musicales. Souvent, l’état physique du créateur l’empêche de transcrire lui-même les séries sonores qu’il obtient. Scelsi enregistre le plus souvent sur des bandes, ses « trouvailles » et sollicitent l’aide de transcripteurs pour les fixer sur partitions. C’est un nouveau langage du sonore, ayant ses propres codes et ses pratiques spécifiques dont les dispositifs n’ont pas tardé à susciter le désarroi de ses détracteurs, à nourrir les critiques de ceux qui n’étaient pas convaincus par ses recherches. Devy Erlih, Michiko Hirayama, Frances-Marie Uitti, Ferdinando Grillo, Geneviève Renon, Alina Piechowska, Carlo Porta, Joëlle Léandre, Massimo Coen, Carol Robinson, Carine Levine, Marianne Schroeder, Stefano Scodanibbio … sont quelques uns des artistes à avoir suivi une formation spécifique de la part de l’auteur pour interpréter sa musique si mystérieuse, à l’écoute des battements et des vibrations infimes…
A la fin de sa vie, Scelsi habite au 8 de la Via San Teodoro, à Rome, un lieu devenu, foyer musical pour tous ses (nombreux) admirateurs. C’est de là qu’il s’attèle à la publication systématique de sa production musicale pour les Éditions Salabert à Paris, sous la direction de Sharon Kanach.
Crédit photographique: Valérie Dulac, violoncelle et Michaël Chanu, contrebasse (DR)
Giacinto Scelsi (DR)