mercredi 23 avril 2025

Entretien avec Arnaud Marion, Président des Pianos Pleyel

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1807-2007: la marque Pleyel vit son bicentenaire avec confiance, excellence et dynamisme. Arnaud Marion, Président des Pianos Pleyel évoque l’histoire de la marque fondée par Ignaz Pleyel, son nouveau positionnement, les raisons de son implantation retrouvée à Paris (ateliers et show-room), le principe du Piano Pleyel’s Day, fête annuelle gratuite et grand public autour du piano dont la première session est programmée, Salle Pleyel, le 13 octobre 2007. Entretien.

Pourquoi ouvrir en 2007 un show-room? Quel en est l’enjeu?

Aujourd’hui, Pleyel vend directement Pleyel. Il s’agit pour nous de permettre à nos clients de découvrir la gamme de nos pianos de haute-facture dans un lieu propice et dans une atmosphère qui les met en valeur. Nous y exposerons entre 12 et 14 modèles, pas davantage. La scénographie conçue par Jacques Garcia atteint cet objectif tout en s’inspirant de la propre histoire de la société Pleyel quand Camille, le fils du fondateur, Ignaz, ouvrait un « salon Pleyel », rue Cadet à Paris en 1830. C’était un lieu de musique et un foyer culturel très actif où ceux qui le désiraient, pouvaient écouter les grands interprètes d’alors, dans un décor cossu et raffiné. Créer un show-room dans l’enceinte même de la Salle Pleyel est d’autant plus cohérent que le concepteur du lieu, Gustave Lyon, en 1927, y avait implanté une véritable cité de la musique totalement dévolue au piano, où aux côtés de la salle de concerts, et de son cycle de programmes symphoniques, plusieurs salles à tous les étages permettaient aux clients de la Manufacture, de jouer, découvrir, éprouver techniquement les modèles en exposition. A l’époque, on comptait jusqu’à 58 studios de musique.
Dès son origine, la Salle Pleyel est une salle conçue comme un lieu de concert à part entière, et l’une des plus anciennes en Europe voire dans le monde. Songez que Carnegie Hall était à l’origine un théâtre à l’italienne. Son histoire est étroitement lié au piano. Nous sommes d’ailleurs très heureux que Delphine Lizé ait inauguré dans la salle rénovée, inaugurée en septembre 2006, le nouveau piano de concert Pleyel. 2007 poursuit ainsi l’histoire de la marque. La création du show-room comme le retour des ateliers à Saint-Denis confirment notre désir de renouer avec les fondamentaux de notre riche passé.

Pouvez-vous nous parler de votre positionnement et des nouveaux modèles de haute facture?
La haute facture de piano concerne aujourd’hui quelques marques dont pour les plus connues et les plus prestigieuses Shimmel, Sauter, Bösendorfer, Fazioli et bien sûr Pleyel. C’est un marché qui a profondément évolué. Pensez qu’au XIXème siècle, il existait 100 facteurs de ce type, en France. Aujourd’hui, Pleyel reste le seul dans l’Hexagone. A l’époque d’Ignaz Pleyel, les pianos de la Manufacture Pleyel étaient considérés comme « les plus viennois » des pianos français. C’est dire le prestige dans ce domaine des fabricants germaniques, de l’Allemagne et de l’Autriche… Et l’excellence de la facture Pleyel acquise dès son origine en France.
Le marché global du piano a considérablement évolué avec l’émergence des ateliers de fabrication chinois. On dénombre à peu près 200 manufactures de piano en Chine. Aujourd’hui, sur une année, entre 280.000 et 300.000 pianos sortent des usines asiatiques quand seulement 15.000 pièces sont fabriquées… en Europe.
Pearl River, le premier fabricant chinois produit 150.000 pianos par an, quand le plus grand fabricant européen n’en fournit que 200. Ces chiffres sont parlants. Il révèle le décalage des marchés et surtout, la concurrence des fabricants chinois sur le marché mondial. Pour nous, il est inutile de concurrencer un marché déjà inondé par des modèles bas de gamme et bon marché.
Notre volonté est de favoriser l’excellence de la haute facture. Sur le plan de la qualité, des performances techniques et musicales, mais aussi de l’esthétisme. En 200 ans, le piano est un objet qui n’a guère changé de forme comme de structure. Le piano a disparu des foyers pour une raison surtout culturelle. A budget équivalent, on préfère acquérir aujourd’hui, un ordinateur et ses périphériques. Or l’un de nos objectifs est de permettre au piano de réinvestir les intérieurs, en conformité avec l’évolution du style et de la décoration intérieure. Exactement quand, en 1930, Pleyel faisait appel aux créateurs de l’époque qui ont façonné les modèles dans le style Art Déco. Ainsi les modèles signés Prou, Legrain… A son époque, le piano Rulmann était un « must », autant pour ses qualités musicales que ses lignes contemporaines.
Aujourd’hui, les pianos d’artistes réalisés en collaboration avec la Galerie Maeght participent d’une même exigence mais réactualisés selon les exigences de notre époque. L’italien Marco Del Re a pu ainsi redessiner le demi-queue « Erato humana est ». Il s’agit d’un instrument qui est une oeuvre d’art à part entière, éditée à seulement huit exemplaires… De même, le nouveau modèle demi-queue, dessiné par Andrée Putman, réalisé par le facteur Stephen Paulello, avec sa « nuit étoilée » sous le couvercle, sera également l’un de nos modèles phares, certainement exposé dans le show-room.
Pour nous, il s’agit aussi de défendre l’un des métiers d’art parmi les plus précieux de notre patrimoine. Nous pouvons être fiers, comme c’est le cas des ateliers Hermès, de maîtriser l’ensemble de la chaîne de fabrication en France grâce à l’expertise et aux métiers de nos ouvriers et facteurs hautement qualifiés. Aujourd‚hui, la capacité des ateliers Pleyel de Saint-Denis sait répondre aux commandes particulières, grâce à notre métier qui exige autant de souplesse et de renouvellement, d’adaptabilité et de curiosité, que d’expertise technique.

Comment qualifier et caractériser le son d’un piano Pleyel?

De toute évidence, l’instrument Pleyel a une sonorité immédiatement reconnaissable. Frédéric Chopin avouait qu’il ne pouvait pas mieux composer que sur un piano Pleyel. Que dire de sa sonorité? Elle est argentine, « d’airain », si l’on reprend les qualificatifs de l’époque de Chopin par exemple, ronde et voluptueuse, puissante et jamais sèche ni métallique. Un piano Pleyel se distingue par sa puissance mesurée, sa rondeur. C’est tout ce que Delphine Lizé par exemple, lors de son récital inaugural, Salle Pleyel, doublé d’un enregistrement édité chez Intrada (Lire notre critique du l’album Pleyel 2006 de Delphine Lizé, 1 cd Intrada), démontre. La pianiste joue sur notre dernier modèle de concert, le « P280 ».

Parlez-nous du Piano Pleyel’s Day? Est-ce un événement promis à se renouveler?

Nous avons conçu l’idée d’une fête du piano, chaque année comme un rendez-vous régulier entre les artistes et le grand public. Il s’agit d’ouvrir et d’accueillir les mélomanes à Pleyel. Aujourd’hui, le concert et le spectacle vivant ont trouvé leur public. Il n’y a qu’à relever le taux de remplissage annuel de la Salle Pleyel, depuis son inauguration en septembre 2006: 98% de taux de remplissage. C’est plus qu’un succès, c’est la confirmation que les parisiens ont besoin d’une salle de concert, active, permanente, ouverte. Nous souhaitons renforcer le lien entre notre public et la salle Pleyel grâce à cette journée d’exception, où chacun pourra se familiariser avec l’univers sonore du piano tout en écoutant des artistes connus et de jeunes talents prometteurs. Car il s’agit aussi d’aider et d’accompagner les plus talentueux.

Propos recueillis par Alexandre Pham

A lire
Arnaud Marion est l’auteur de deux ouvrages incontournables, remarquablement documentés et illustrés sur l’histoire de Pleyel, la manufacture de pianos et la salle.
« Pleyel, Une histoire tournée vers l’avenir » (Editions de La Martinière)
« La salle Pleyel, lieu de modernité » (Préface de Laurent Bayle. Editions de La Martinière)
Lire aussi le numéro spécial de Connaissance des Arts, « La Salle Pleyel » (Préface de Hubert Martigny)

A voir

« Frédéric Chopin, 24 Préludes opus 28. Double version: Pleyel 1838, Pleyel 2004« . Cours d’interprétation autour des Préludes n°4 et n°8 de Frédéric Chopin, avec les pianistes Julien Le Pape et Yves Henry sur deux instruments: piano Pleyel de 1838 et piano Pleyel de 2004. En complément: présentation du projet de rénovation de la Salle Pleyel par Arnaud Marion. Visite de la Manufacture des pianos Pleyel avec Alain Laffont et Yves Henry (1 dvd Lancosme multimedia)

Crédit photographique
Arnaud Marion © Pianos Pleyel

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