Entretien avec Françoise Tillard, auteur de « Fanny Henzel, née Mendelssohn Bartholdy » (éditions Symétrie)
En tant que pianiste, trouvez-vous que les partitions de Fanny Hensel soient des “esquisses” ou des oeuvres pleinement achevées?
Cela dépend du plaisir que l’on prend à écouter des esquisses… Elles sont aujourd’hui davantage estimées qu’au moment où Fanny les a écrites. Je ne pense pas que Fanny elle-même les considérait toutes comme pleinement achevées, cela dépend lesquelles ! A la fin de sa vie, elle travaillait pour l’édition et ce qu’elle a laissé en 1846-1847 est certainement achevé.
Quelles sont les oeuvres qui sont les plus représentatives de son style? En quoi sa sensibilité artistique est-elle spécifique?
Quand on écoute ses oeuvres, il est difficile de savoir où la classer. On ne pense pas « Mendelssohn », on pense à des oeuvres plus tardives. C’est à la fois très inspiré de Jean-Sébastien Bach et cela regarde vers le futur. Fanny n’aimait pas ce qui était transitoire, elle n’écrivait pas pour la mode. C’est ce que l’on entend en particulier dans ses pièces pour piano.
Pensez-vous que Félix comprenait véritablement l’oeuvre musicale de sa soeur? S’est-il vraiment exprimé à ce sujet?
Il a toujours dit qu’il aimait beaucoup, mais vraiment beaucoup, la musique de sa soeur, mais je n’ai jamais lu d’analyse à proprement parler ! Il était sincèrement convaincu qu’il était trop difficile, trop prenant de se donner à fond dans la composition pour envisager qu’une femme puisse s’en donner le droit. Avec toute l’admiration qu’il portait à sa soeur, il ne pouvait pas se résoudre à lui parler comme à un collègue. Donc, on peut en effet dire qu’il ne s’est jamais vraiment exprimé à ce sujet, si ce n’est par des faits, en faisant éditer trois opus posthumes de Fanny.
En quoi la réédition de votre biographie, dans sa version 2007, apporte-t-elle un éclairage nouveau sur Fanny?
Je suis moi-même davantage convaincue de son importance et de son originalité, et pas seulement moi, la recherche sur Fanny Hensel n’en est qu’à ses débuts, et de plus en plus d’auditeurs et de musicologues en sont persuadés. Je ne pense pas que l’éclairage soit totalement nouveau, cependant, j’aimais déjà beaucoup mon sujet en 1992 ! Il y a beaucoup de détails que j’ai pu soigner, en particulier sur Gounod. Il y a beaucoup de gens qui ont dit des bêtises énormes sur les relations entre Fanny et Gounod, et l’on peut juger maintenant dans son journal qu’elle le prenait pour quelqu’un d’immature, si ce n’est hypocrite !
Plus je travaille sur Fanny Hensel, plus je respecte et j’admire son authenticité et son honnêteté artistique. Si je devais recommencer, je crois que je prendrais son journal et je le traduirais intégralement pour rendre compte de son style unique et de son humour. Mais c’est déjà ce que j’ai tenté de faire dans cette édition. Je dois ajouter que Symétrie est vraiment une édition à vocation scientifique, beaucoup plus que Belfond, et que Hjördis Thébaut a donné beaucoup de sérieux au travail. J’avais l’impression que la première biographie était déjà pas mal référencée, mais là, je ne crois pas qu’elle ait laissé une note de page à l’abandon !