lundi 1 juillet 2024

ENTRETIEN avec Hélène BERGER, directrice du Cap Ferret Music Festival.

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 Le Cap Ferret Music Festival propose certes des concerts, mais il est surtout – depuis ses débuts – une Académie musicale comprenant masterclasses et ateliers. Transmissions, dépassement, discipline… portent artistes professionnels et jeunes tempéraments pour le plus grand plaisir des festivaliers. Sa directrice, Hélène Berger  évoque la genèse du premier événement estival de la Presqu’île, cycle enchanteur en un lieu privilégié où la musique rayonne, implique les acteurs locaux, et crée de l’exceptionnel entre terre et mer : Cap Ferret Music Festival, 6 > 13 juillet 2024.

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CLASSIQUENEWS : Comment a évolué le Festival, pour offrir son fonctionnement actuel ? Qu’est ce qui fonde la singularité de cet événement ?
 
Hélène BERGER : Le festival dès sa conception, a été pensé comme une académie avec des concerts du soir, des concerts jeunes talents, des master class et des ateliers découvertes, à l’instar des académies internationales avec échanges entre musiciens français et internationaux, professeurs et élèves, compositeurs et interprètes. Il est un mélange entre réceptacle de concours internationaux et des coups de cœur. Il a également son propre concours en février, le Music Open.
Michel Sammarcelli, ancien maire de la ville de Lège-Cap-Ferret, a eu l’idée d’encourager dès le départ l’implication des acteurs locaux via un club mécénat. De grands mécènes ont dit oui, tels Bernard Magrez ou Arcas fidèles à présent depuis 14 ans, rejoints au fil des années par des enseignes emblématiques (Restaurant Chez Hortense, Agence Coldwell, GEA Bassin, le Domaine du Ferret, Eurocomposant). Chacun vient pour des raisons propres : remercier ses employés, ses clients, développer son réseau ou simplement aider au développement culturel de la Presqu’île.
De nombreux partenaires apportent leur aide (Bat Express, compagnie de bateau taxi qui par exemple va chercher en dernière minute, un artiste coincé dans les transports ; Western Flyer, qui va prêter des vélos aux professeurs, facilitant les déplacements inter presqu’île…) Bref, sur un territoire long certes de 25 kilomètres, c’est un moment de retrouvailles et d’échanges pour tous les secteurs.
Cette aide, ainsi que l’implication de la Ville, ses services techniques, animation, culture ainsi qu’une armée d’une cinquantaine de bénévoles de l’association « Sons d’Avril », favorisent une grande accessibilité, une autonomie financière et une souplesse d’adaptation, indispensables pour développer au fil du temps une véritable éthique esthétique sans compromissions.
L’évolution découle de ces facteurs : qui dit image qualitative dit attractivité supplémentaire pour des nouveaux artistes, créations de contenus audio et vidéo, de podcasts révélant la qualité des échanges artistiques et humains, de journalistes qui deviennent partie prenante du projet.
Sa singularité réside de l’interaction entre un site naturel exceptionnel avec des paysages variés, une population locale authentique et un engouement transgénérationnel, que ce soit au niveau du public que des bénévoles.

 

« …cela rend l’art
beaucoup plus accessible qu’une salle de concert »

 

CLASSIQUENEWS : Comment réalisez-vous l’association si spécifique entre le site patrimonial et les concerts ? Quelle est la nature de cette expérience artistique particulière proposée au public ?

Hélène BERGER : La beauté des paysages est très inspirante et évocatrice de musiques correspondantes. Ce patrimoine naturel est en équilibre avec l’habitat humain. C’est la caractéristique de cette Presqu’ïle : un mode de vie en adéquation avec son environnement, une nature préservée, des maisons sous les pins. Ses habitants en sont les redoutables défenseurs et n’hésitent pas à monter au créneau pour le faire respecter. Lorsqu’un paysage et une musique sont servis par un interprète inspiré lui-même par ce paysage, cela crée un état contemplatif supérieur à celui qui peut-être ressenti dans les salles de concert. Cela permet aussi aux néophytes, parfois traînés au festival par leur voisin, de rêver en regardant le paysage pour se laisser doucement envahir par le plaisir de l’écoute. Cela rend l’art beaucoup plus accessible qu’une salle de concert hermétique avec un public d’habitués. Des gens me disent  » je n’ai jamais ressenti ça »  » je pensais que la grande musique ce n’était pas pour moi, j’ai changé d’avis  »  c’est une de mes plus belles victoires.

 

CLASSIQUENEWS : Sur le plan artistique, quels sont les critères d’après lesquels vous choisissez tel artiste plutôt que l’autre ? Y-a-t-il des compagnonnages qui au fil des éditions se sont précisés ? Quelles formes de concerts, quels répertoires privilégiez-vous ?

Hélène BERGER : J’aime la musique. Profondément. Je crois à son pouvoir de transformation –et d’amélioration- de l’être humain, pour le rendre plus humain justement. Je suis musicienne moi-même. Je déteste m’ennuyer pendant un concert, cela me surprend lorsqu’un interprète propose pour la énième fois les 24 études de Chopin (certes d’une richesse et variété inouïe – je rêverai un jour de le faire moi-même en tant que pianiste), en dehors des très grandes salles de concerts où l’on va spécifiquement pour entendre tel interprète dans tel répertoire.

« …impliquer le public érudit
dans le renouveau de la musique »

 

 

Il me parait donc urgent de révéler à la fois ce qu’est la grande musique au plus grand nombre et d’impliquer le public érudit dans le renouveau de la musique, garant de sa continuité. Le profil que je recherche découle de ce positionnement : charisme et virtuosité, passion pour la transmission pédagogique, réelle fonction créatrice dans le renouvellement de son répertoire.
J’apprécie également la souplesse, la curiosité qui permet des créations spontanées pendant la semaine du festival. Je « recommande » également le fait de jouer par cœur, pour être en réactivité immédiate au lieu, au ressenti du public, au dialogue entre les musiciens. Evidemment, lâcher un peu la partition demande plus de travail. Mais ce lâcher prise peut décupler la sensation de l’instant présent.
Oui, il y a bien sûr des fidèles ! Dont François-René Duchâble, parrain du festival. Qui dit académie dit professeurs, donc une « base » qui va proposer une nouvelle formation,  de nouvelles idées. Il y a aussi les anciens jeunes talents devenus des « grands » qui viennent ensuite en concert du soir tels le trio Philia dont Théo Ould et Lisa Strauss, le Bateau Ivre,  Sarah Jégou Sageman, Alexandra Marcellier, le Trio Hélios, Julien Beautemps, Marie Andrée Bouchard Lesieur… pour ne citer qu’eux.
Il y a ceux qui, se ressourçant dans ce foyer artistique, vont aider au fil du temps à l’organisation : à la caméra (Eric Artz) aux concerts jeunes talents (Heyoung Park) à l’improvisation de groupes de musiques de chambre (Lisa Tannebaum) par exemple.

 

CLASSIQUENEWS : Qu’a de spécifique cette édition 2024 ? Y a t -il des propositions nouvelles pour le public ?
 
Hélène BERGER : Depuis toujours, j’ai pour objectif de lancer, révéler ou faire rencontrer. Chaque soir, il y a toujours une « première », un moment que le public saura être le premier à avoir vécu avant qu’il ne soit repris par ailleurs. Cette année le fil rouge est en rapport avec les Jeux Olympiques. Il se trouve que j’ai été formée au piano par une triple médaillée olympique et pianiste concertiste : Micheline Ostermeyer. De cette personnalité, est né il y a 20 ans «  Musique et Sport » avec François-René Duchâble. Ce projet, alliant athlètes et musiciens sur scène, sera proposé en seconde partie du concert d’ouverture le 6 juillet avec des athlètes de l’ASCPA de Pessac, du CLUB de Gymnastique d’Andernos et de Cap Aikido . Au travers de cette osmose, il met en lumière les points communs entre pratique sportive et artistique : recherche de la performance, précision, rigueur de l’entraînement. Au-delà du plaisir du sport ou de la musique, ce sont des valeurs de vie qui sont basées sur l’être et non l’avoir.

« lancer, révéler ou faire rencontrer »

Chaque autre soir, pareillement, une rencontre, une innovation :  dès le lendemain, la concrétisation d’un rêve commun de Jeremy Duffau et Laurent Arcaro : un programme de duos lyriques basé sur la rivalité et l’amitié masculine dans l’opéra. Il en va ainsi tous les soirs. C’est à la fois une prise de risque et un surcroit de travail pour tout le monde mais comme on dit : qui ne risque rien, n’a rien.

 

 

CLASSIQUENEWS : Depuis la COVID, avez vous noté une évolution dans le comportement du public ? En terme de choix de spectacles et de réponses à la billetterie ?

Hélène BERGER : Le Covid nous a obligé à repenser la visibilité sur le web, la création de contenus pédagogiques, cela nous a permis quelque part de renforcer notre existence à l’international. S’il y a eu juste après le covid une légère baisse de fréquentation, dans la crainte d’une reprise avec des limitations de salle à 75 % du remplissage, les gens ont envie de vivre à nouveau et surtout de profiter de l’instant présent.
Si l’effet positif du covid a été la modernisation de tous les supports numériques, on se rend compte que rien ne vaut cependant l’expérience en direct. C’est là que les poils peuvent se dresser sur le bras, le cœur battre un peu plus vite, que les larmes peuvent perler sous un trop-plein d’émotions. C’est ça que je recherche : c’est ce moment où la cuirasse s’efface face au miracle de la belle musique servie dans un écrin de beauté par un interprète lui-même transfiguré par ce moment magique.

 

Propos recueillis en juin 2024

 

 

LIRE aussi notre présentation du CAP FERRET MUSIC FESTIVAL 6 > 12 juillet 2024 : https://www.classiquenews.com/cap-ferret-music-festival-6-12-juillet-2024-sport-et-musique-hommage-a-micheline-ostermeyer-pianiste-et-triple-medaillee-olympique-quatuor-zahir-francois-rene-duchable-helene-berger-jeremy/

 

(33) CAP FERRET MUSIC FESTIVAL : 6 > 12 juillet 2024. Sport et musique, Hommage à Micheline Ostermeyer, pianiste et triple médaillée olympique, Quatuor Zahir, François-René Duchâble, Hélène Berger, Jérémy Duffau…

 

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