Avec la complicité de ses partenaires familiers (Miguel Rocha, violoncelle et Joao Paulo Santos, piano), le violoniste Bruno Monteiro poursuit un parcours musical, téméraire et original. Après un remarquable programme de musique française, son nouvel album éclaire la génie précoce du jeune Erich Wolfgang Korngold encore à Vienne, dont l’éclectisme virtuose souligne sa maturité malgré son très jeune âge comme compositeur. Ainsi en témoignent les deux œuvres phares de ce programme : le Trio composé à 13 ans ; puis la Sonate pour violon et piano, chef d’œuvre ainsi révélé, élaboré à 16 ans…
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CLASSIQUENEWS : Ce programme dédié à Korngold est rare. Vous vous consacrez à sa musique de chambre. Pourquoi avoir choisi ces 2 partitions : Trio et Sonate, opus 1 et 6 ?
BRUNO MONTEIRO : Ces pièces sont en effet, rares. Le Trio pour piano est joué plus ou moins souvent, mais pas la Sonate pour violon. Je soupçonne parce qu’elle exige un travail très difficile d’un point de vue technique et musical. Et c’est très long, 40 minutes. J’avais déjà joué la Sonate avec João Paulo Santos il y a quelques années. L’idée de ce CD est venue de mon amour pour la musique de Korngold. J’ai proposé à João Paulo et Miguel Rocha de faire un enregistrement qui inclurait le Trio, la Sonate pour violon et une courte pièce pour violoncelle et piano, qui est en fait une transcription de l’un des opéras les plus célèbres de Korngold. Ils ont accepté tout de suite. De plus, le président d’Etcetera Records, Dirk De Greef, a avoué qu’il aimait beaucoup la musique de Korngold et que ce serait génial d’avoir un album dédié à ce répertoire dans son catalogue. Nous étions donc tous à bord. Heureusement, nous avons fait l’enregistrement avec notre ingénieur du son habituel, José Fortes, et nous avons obtenu le soutien de la DG Artes, le département de la culture du gouvernement portugais.
CLASSIQUENEWS : Quels sont les défis techniques et expressifs de ces deux œuvres ? De l’opus 1 à l’opus 6, comment le jeune Korngold a-t-il évolué / changé son écriture ?
BRUNO MONTEIRO : Ces œuvres sont de l’époque de Korngold à Vienne. Il a écrit le Trio quand il n’avait que 13 ans. Incroyable. Il y a beaucoup d’influences d’autres compositeurs, de Strauss à Mahler et même Wagner. Cependant, se révèle déjà une voix individuelle. Lorsque nous nous préparions pour les concerts et l’enregistrement, João Paulo Santos a mentionné à plusieurs reprises combien Korngold savait mêler les idées musicales. Naturellement, la personnalité artistique de Korngold n’était pas complètement formée. Le défi était de rendre la musique aussi fluide et naturelle que possible, sans oublier le charme et la passion. Nous devions trouver un moyen de relier toutes les différentes idées et sections pour que la pièce ait du sens.
Dans la Sonate pour violon et piano, écrite lorsque Korngold avait 16 ans, un grand progrès en termes de contenu musical et émotionnel, est manifeste. C’est une pièce plus mûre. Il semble qu’il ait trouvé sa voie, sa voix, qui plus tard ouvrirait la porte, pour ainsi dire, à sa musique de film. C’est une partition très expressive. Même le deuxième mouvement, qui est techniquement difficile, permet l’expressivité dans de nombreuses parties. Et bien sûr, l’écriture pour le violon et le piano est beaucoup plus élaborée par rapport au Trio. C’est l’une des sonates pour violon et piano les plus exigeantes du répertoire. Et physiquement, c’est très fatigant.
CLASSIQUENEWS : Quel est le sens de ce nouvel album par rapport aux précédents, où vous avez abordé la musique française (Chausson, Ysaÿe, et avant Lekeu…)?
BRUNO MONTEIRO : Il y a bien sûr une différence. Avec la musique française en général, on peut être plus fébrile, plus rêveur, plus libre d’émotions. Elle est plus raffinée. Avec Korngold, il y a certes de l’émotion et de la passion, mais elles sont plus directes, plus ouvertes. N’oublions pas qu’il était encore un garçon quand il a écrit ces partitions. Chez lui tout relève d’une passion débridée.
CLASSIQUENEWS : Qu’est-ce qui fait la signature musicale et artistique du Trio que vous formez avec Miguel Rocha et Joao Paulo Santos ?
BRUNO MONTEIRO : Nous nous entendons très bien, musicalement et personnellement. Et nous nous respectons beaucoup. Nous contribuons tous au résultat final. Bien sûr, João Paulo Santos a la partition complète et parce qu’il est aussi un chef d’orchestre fantastique, il a une vue plus large sur l’ensemble. Miguel et moi nous n’hésitons pas à donner nos idées aussi ; mais en tant qu’instrumentistes sur cordes, nous devons veiller à beaucoup d’éléments spécifiques entre nous deux, comme l’intonation, la tenue d’archet, les doigtés et ainsi de suite. Après un travail defond intense, et les répétitions (nous avons travaillé dur), lorsque nous avons joué sur scène ce programme et dans les sessions d’enregistrement, notre objectif principal était de jouer non pas comme 3 personnes, mais comme une seule. Une unité. La même émotion et le même intellect. Parce que, en définitive, c’est l’essence même de la musique de chambre, comme de toute la musique.
Propos recueillis en septembre 2023.
CRITIQUE CD
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LIRE aussi notre critique du CD ERICH WOLFGANG KORNGOLD : Music for Violon, Cello, piano (Bruno Monteiro, Miguel Rocha, João Paulo Santos) CLIC de CLASSIQUENEWS Automne / fall 2023 : https://www.classiquenews.com/critique-cd-evenement-bruno-monteiro-violon-korngold-music-for-violin-cello-piano-trio-sonate-miguel-rocha-violoncelle-joao-paulo-santos-piano-1-cd-etcetera/