mercredi 23 avril 2025

Evasion en Roussilon: Elne (66)Festivals, musée Etienne Terrus

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Elne (66)

Entre Argelès-sur-mer et Perpignan, la ville d’Elne (antique Illiberis) est une cité artistique dont le riche patrimoine culturel est une étape incontournable pour tous ceux qui séjournent dans les Pyrénées-Orientales.
Le lieu fut la première cité épiscopale, avant Perpignan, dès le VI ème siècle. A ce titre, il compte au sommet de sa colline, la Cathédrale Sainte-Eulalie Sainte-Julie, chef-d’œuvre architectural qui remonte au XI ème siècle, ensemble exceptionnel qui comprend aussi son « cloître » attenant, dont les galeries (1180-1330) forment un musée de sculptures médiévales et gothiques parmi les plus intéressantes qui soient. Les chapiteaux des colonnes racontent la geste des croisés, plusieurs scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, associées au bestiaire fantastique des XII ème et XIII ème siècles. L’art des sculpteurs-ciseleurs s’expriment aussi sur le motif végétal : figuiers, oliviers… évoquent le riche jardin catalan, toujours visible dans la campagnes environnante auquel les artistes ont apporté de nombreux symbolismes religieux voire mystiques. En une seule visite, chacun peut aujourd’hui contempler l’ensemble des chapiteaux, admirer l’élégance de la nef de la Cathédrale dont la voûte centrale s’élève à mesure qu’elle rejoint le porche d’entrée au-dessus duquel trône l’orgue. Cette particularité en fait une caisse de résonance quasiment idéale pour le concert.
C’est là qu’a lieu depuis deux années, le jeune festival Piano Fortissimo. En 2007, l’événement musical qui fait alterner jeunes talents et têtes d’affiche du clavier se déroulait le troisième week-end du mois de juillet (les 21 et 22 juillet précisément), « car après commence le festival de Prades » et les autres week-ends, Perpignan offre ses concerts gratuits « , précise Odette Traby, directrice de la culture d’Elne. « Pour nous, il est important de maintenir dans le calendrier des festivaliers de juillet, une offre musicale qui ne doublonne pas avec d’autres manifestations ».

Piano Fortissimo, en juillet,
Musique en Catalogne Romane, en septembre

Le « jeune » Festival Piano Fortissimo qui a soufflé sa deuxième édition en 2007 affiche les lauréats du Concours de piano Marguerite Long et des interprètes confirmés. Chaque journée, propose un concert à 19h puis à 21h30. Ainsi cette année, les « seniors » étaient Luisada, Katsaris et Ebi quand la nef de la Cathédrale était le tremplin des jeunes claviéristes tels A. Alexandrescu, Y.-M. Wu et D. Bismuth
Dès le 1er et jusqu’au 22 septembre 2007, Elne et les huit autres villes associées, accueilleront le 25 ème anniversaire du Festival « Musique en Catalogne Romane ». La sélection des églises est réalisée sous l’égide du directeur artistique Charles Limouse et corespond souvent aux plus beaux édifices du territoire. En plus d’offrir de favoriser la rpofessionnalisation de jeunes interprètes, le Festival sait aussi explorer des répertoires méconnus (cette année, baroque des Cours allemandes et programme médiéval par Obsidienne).
Le coup d’envoi sera donné à Saint-Génis des Fontaines, haut lieu de l’art roman catalan (1er septembre à 21h) avec une carte blanche aux membres du jeune Quatuor Fratres, lauréat du Premier Prix du Concours International de Bruges 2006 (Programme : Quatuors de Hadyn, Quatuor opus 135 de Beethoven). Ainsi sur quatre week-ends, le Festival propose dans les églises du département (Pyrénées-Orientales) une offre itinérante dont chaque concert permet d’admirer la sobre élégance des voûtes romanes du lieu choisi. La Catalogne française étant le pays du roman, le festival de septembre s’est inscrit définitivement dans le calendrier culturel, d’autant qu’à cette période de la saison, les hordes de touristes ont quitté le lieu, conférant au pays de Terrus, un climat d’apaisement et de sérénité exceptionnel. En 2007, Musique en Catalogne Romane invite de nombreux artistes, déjà venus, tels Marianne Muller (viole de gambe) et Aline Zylberajck (clavecin/Pianoforte) dans les Sonates pour viole d’Abel et C.P.E. Bach (Ermitage de Saint-Ferreol, le 2 septembre à 17h), Jérôme Hantaï (pianoforte) qui accompagne Paul Agnew (ténor) dans la Belle Meunière de Schubert (Eglise de Canohes, le 15 septembre à 21h), ou Hopkinson Smith (luth) qui joue Dowland et Da Milano (Chapelle de Monastir, le 16 septembre à 17h). Temps fort pour les 25 ans : Concert Vivaldi (Stabat Mater, Nisi Dominus, Gloria) sous la direction du directeur artistique du Festival, Charles Limouse (Orquestra Barroca Catalan. Michael Chance, contre-ténor. Marta Mathéu, soprano. Cathédrale d’Elne, le 14 septembre à 21h) ainsi que « Musiques pour les cours allemandes » (Fux, Pachelbel, Haydn) par l’ensemble Les Paladins, direction : Jérôme Corréas. Eglise d’Argelès sur mer, le 21 septembre 2007 à 21h). En clôture : Ensemble Obsidienne, direction : Emmanuel Bonnardot (« Le chant sur le livre : chant grégorien, Léonin, Pérotin ») sous la voûte de la superbe église-écrin de Saint-André, le 22 septembre 2007 à 21h. Informations et réservations :www.musiquecatalogneromane.fr ou tél. : 04.68.22.70.90.

Etienne Terrus, le Cézanne catalan

Elne recèle en son sein un autre joyau catalan : le musée dédié au peintre paysagiste, Etienne Terrus. Né en 1857, mort à 65 ans, en 1922, l’année où est créé le festival de Salzbourg, Terrus, formé à la manière académique à Paris, dans l’atelier de Cabanel, se découvre très vite une passion pour le paysage, en particulier le motif catalan. Le lieu pyrénéen, entre mer et montagne, trouve sous ses pinceaux une manifestation pleinement aboutie: vues du littoral (en particulier les plages et les criques saisies entre Argelès et le Racou, et Collioure. A son contact, Matisse et ses « collaborateurs », Derain et Marquet, découvrent l’ivresse émotionnelle de la couleur pure : ils « réinventent » à Collioure, le paysage et la sensation du plein air et réalise la révolution fauve (1905). La part de Terrus, peintre natif, fixé dans la ville proche d’Elne, s’avère capitale dans l’émergence et l’épanouissement des avant-gardes picturales du début du siècle. A Céret, Terrus fréquente ensuite à partir de 1909, Picasso, Braque, Manolo… L’artiste, tempérament puissant et original, indépendant voire sauvage mais très affectif, sait cultiver ses amitiés, en particulier avec le peintre Louis Bausil qui l’accompagne souvent sur le motif, afin de saisir les particularités chromatiques et lumineuses du plein air, avec Maillol qui lui restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie, et par intermittence, avec Matisse, en particulier de 1905 (quand l’auteur de la Nature Morte aux aubergines s’installe à Collioure) à 1907.
Etienne Terrus fut également mélomane et même musicien comme son portrait par Petitjean en témoigne : le peintre d’Elne paraît assis, sur une chaise, une guitare nettement décrite au second plan (notre photo © Musée Terrus à Elne). Tête inclinée, mise sobre et palette sombre indiquent une romantisation de la figure, mise en avant d’un être passionné, tourné vers la vie intérieure. Petitjean a capté avec justesse le feu créatif, son esprit d’analyse et de synthèse, du jeune peintre elnois. Terrus s’est toujours tourné vers les autres artistes catalans afin de défendre l’émergence d’une « école » de peinture, fière de son originalité et de ses avancées sur le plan formel. Lumière, construction, couleur : leur travail tourne autour de ces trois directions, offrant ainsi aux jeunes « maîtres » de l’avant-garde qui les rejoigne, un foyer propice à l’expérimentation. Or on sait combien motif naturel et lumière méditerranéenne furent décisifs dans la maturation du travail de Cézanne, Van Gogh, Matisse ou Picasso…
Attachant autant qu’impulsif, Terrus sait stimuler les ardeurs créatives de ceux qui le côtoient, y compris les musiciens, comme Déodat de Séverac qui fait partie du groupe des artistes catalans. Etienne Terrus qui exposent avec ses amis (Bausil, Maillol…) à Perpignan (1901 à 1903), veille longtemps à adresser aussi ses œuvres à Paris, au Salon des Indépendants, de 1905 à 1914.
Aujourd’hui, le visiteur pourra mesurer l’ampleur du génie du Cézanne catalan, en visitant les salles du Musée qui porte son nom. L’institution, dont le projet revient à l’initiative d’Odette Traby qui en plus de participer au développement des deux festivals dont nous avons parlés (Piano Fortissimo et Festival Musique en Catalogne Romane) s’est passionnée pour l’œuvre et la personnalité de Terrus, présente le corpus le plus complet dans une collection publique. Grâce à son discernement, la mairie d’Elne rayonne aujourd’hui par le fonds du musée Terrus, première collection de tableaux et d’aquarelles d’une exceptionnelle qualité qui offre un aperçu de référence sur le travail du paysagiste. Déjà deux expositions ont permis de mettre en avant chacune des acquisitions orchestrées par la mairie, tout en approfondissant plusieurs aspects de la carrière du peintre qui fut aussi un photographe chevronné. Les catalogues de chaque manifestation sont en vente au musée.

Livres

« Terrus ». Catalogue de l’exposition « Terrus » (commissaire de l’exposition : Madeleine Raynal), organisée au Musée Terrus, en décembre 1994. 84 pages.
« Matisse-Terrus : histoire d’un amitié (1905-1917) ». Catalogue de l’exposition « Matisse-Terrus » (commissaire de l’exposition : Jean-Pierre Barou), organisée au Musée Terrus, en juin 2002.

Crédits photographiques
(1) Madone à l’Enfant allaitant (volet de l’Armoire liturgique d’Elne, XIV ème siècle. Cloître d’Elne) (DR)
(2) Vue du cloître d’Elne (DR)
(3) Maillol, buste d’Etienne Terrus (DR)
(4) Petitjean: Portrait d’Etienne Terrus (DR)

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