2007 est une année lyrique. Il y a 400 ans, l’opéra des opéras, celui des origines du genre, l’Orfeo de Claudio Monteverdi était créé le 24 février 1607 à Mantoue. Quatre siècles plus tard, la machine opéra fait toujours rêver. A ses débuts élitiste et princiers, l’opéra -public dès 1637 à Venise-, exerce sa fascination, souvent démentie, jamais rompue, auprès du grand public et des plus jeunes. Jamais autant de spectateurs dans les salles. Pour l’été 2007, classiquenews.com suit le Festival d’Aix en Provence, notre « Salzbourg français », en vous présentant les cinq opéras à l’affiche de juillet 2007, du 1er au 22 juillet précisément.
Wagner, La Walkyrie
Du 29 juin au 8 juillet 2007Dans la vaste fresque légendaire du Ring des Nibelungen (ou Tétralogie), Wagner aborde les thèmes universels de la corruption des âmes, de la malédiction qui foudroie celui qui s’empare du pouvoir et qui n’en est pas digne. Wotan en s’appropriant par ruse et déloyauté L’Or du Rhin, s’est maudit lui-même. Avec lui, la dynastie des dieux est même emportée vers son inéluctable fin… Wotan appartient au passé. Place au héros de l’avenir… Siegfried? Pas si simple… Non content de réécrire l’histoire de l’humanité et nous exhorter en filigrane à réinventer notre futur, le compositeur, poète et philosophe, perfectionne aussi une nouvelle forme pour le théâtre musical. Art total, tel est son ambition: musique, chant, théâtre, unfiés par le flot cosmogonique d’un orchestre palpitant. Au sein de la fantasmagorie mi féerique mi politique, l’amour traverse plusieurs tableaux. Brünnhilde, Walkyrie déchue, porte son étendard. Des quatre ouvrages du cycle, La Walkyrie est l’opéra de l’amour. Première Journée, après le Prologue (L’Or du Rhin), avant Siegfried et Le crépusucle des dieux, La Walkyrie, en trois actes, livret du compositeur, est créée à Munich, le 26 juin 1870.
Télé: retransmis sur Arte, le 5 juillet 2007 à 17h30.
Lire notre dossier La Walkyrie de Richard Wagner
La production aixoise 2007: Suite du « festival scénique » wagnérien à Aix. Après le prélude du Ring, L’Or du Rhin, présenté en juillet 2006, l’équipe composée du metteur en scène Stéphane Braunschweig et du chef Simon Rattle, à la tête du Berliner Philharmoniker (qui est en résidence au Festival), aborde la première Journée, forts de leur succès remporté l’année dernière. La vision du chef déploie une compréhension nouvelle de la sonorité et des connotations psychologiques de chaque phrase musicale. Orchestre allégé: plutôt manière plus subtile, plus transparente, un Wagner quasi chambriste d’une exceptionnelle éloquence… Avec Siegmund (Robert Gambill), Hunding (Mikhail Petrenko), Wotan (Sir Willard White), Sieglinde (Eva-Maria Westbroek), Brünnhilde (Eva Johansson) Fricka (Lilli Paasikivi)…
Mozart, les Noces de Figaro
Du 1er au 21 juillet 2007Opéra politique, opéra des femmes: jamais Mozart ne toucha aussi près et de façon aussi juste le coeur et le portrait social des individus. Dérivé de la pièce de Beaumarchais, l’opéra est créé en avril 1784 à Vienne. La sensibilité des portraits psychologiques, l’analyse du système et des codes des « bienséances », le climat pulsionnel qui anime toute la construction de l’ouvrage, justifient le succès du premier opus élaboré par Da Ponte et Mozart. Cosi fan tutte puis Don Giovanni allaient ensuite naître de leur exceptionnelle entente.
Lire notre dossier Les Noces de Figaro de Mozart
La production aixoise 2007: Depuis sa première édition, en cela fidèle au voeu de son fondateur Gabriel Dussurget, le festival d’Aix privilégie la place des opéras de Mozart. Le compositeur autrichien continue d’être l’hôte de marque du « Salzbourg français ». Sous la direction de Daniel Harding, (remplacé le 21 juillet par Richard Hetherington), et dans la mise en scène de Vincent Boussard, la production réunit une distribution de jeunes chanteurs, dans les costumes de Christian Lacroix. Avec Il Conte Almaviva (Nathan Gunn), La Contessa (Kate Royal), Susanna (Malin Christensson), Figaro (Giorgio Caoduro), Cherubino (Malena Ernman), Marcellina (Marie McLaughlin), Bartolo (Simon Kirkbride), Basilio (Alain Gabriel), Don Curzio (Michael Bennett), Barbarina (Marie-Bénédicte Souquet), Antonio (Frédéric Caton), Arnold Schönberg Chor, Mahler Chamber Orchestra.
Mozart, L’Enlèvement au sérail
Du 6 au 20 juillet 2007
Viennois depuis peu, surtout homme libre, détaché des contingences humiliantes de la servitude, Mozart entreprend la conception d’un voeu pieu: offrir à l’Autriche, l’opéra en langue allemande capable d’égaler voire de surpasser l’indétrônable opéra italien. Spectacle mi chanté mi parlé (le rôle du Pacha Selim est joué par un acteur), L’Enlèvement au sérail est un opéra lui aussi du coeur et des sentiments tendres, mais actualisé selon les événements de la vie du compositeur: jeune marié, il rend hommage à celle qu’il vient d’épouser, Konstanze. C’est surtout, un ouvrage philosophique qui célèbre la liberté, celle d’une femme amoureuse qu’un tyran veut posséder. Mais, fidèle à son idéal, -renforcé par son entrée en Maçonnerie-, Mozart rend hommage à la clémence du despote, vertu morale la plus précieuse en ce monde, et depuis insigne du despote éclairé, propre à l’esthétique des Lumières. L’opéra est créé le 16 juillet 1782, au Burgtheater de Vienne.
Lire notre dossier L’Enlèvement au sérail de Mozart
La production aixoise 2007: retour de Minkowski à Aix, avec le couple Deschamps/Makeïeff qui avant de présenter leur première saison lyrique à l’Opéra-Comique de Paris, mettent en scène leur premier Mozart aixois. Avec Konstanze (Marlis Petersen), Osmin (Alan Ewing), Blonde (Rebecca Bottone), Pedrillo (Loïc Félix), Selim (Shahrokh Moshkin-Ghalam), Arnold Schönberg Chor, Les Musiciens du Louvre/Grenoble.
Monteverdi, Orfeo
Du 6 au 15 juillet 2007
Créée en 1998 sur la scène de La Monnaie à Bruxelles, la production dirigée par René Jacobs suit la progression des contrastes voulue par Monteverdi: passage du monde des vivants (danses du premier acte) aux enfers, évolution d’un Orfeo désirant, à celui qui renonce et gagne le ciel aux côtés de son « père », Apollon… La mise en scène de la chorégraphe Trisha Brown met en lumière la beauté des corps marqués par l’ombre de la tragédie. Dès l’ouverture où elle imagine un acrobate en apesanteur, « flottant » dans l’espace, la scénographe développe aussi une réflexion sur la perspective baroque dont l’imaginaire déploie à l’infini des changements de climats et de lieux… Créé en 1607 à Mantoue, l’Orfeo qui est repris aussitôt dans plusieurs cours princières d’Europe, est le premier chef-d’oeuvre de Claudio Monteverdi. La partition tient encore du madrigal de la Renaissance mais affirme par son unité de construction et l’autorité de l’écriture vocale monodique, l’essor désormais irrépressible du genre opéra. Un genre visionnaire qui est aussi l’emblème de la modernité baroque. Le compositeur devait dans les années qui suivent, spécialement à Venise, opérer l’avènement du grand opéra italien, celui des années 1640 (Ulisse, Poppée) qui fusionne tragique et comique, en une fresque musicale à la fois poétique et réaliste.
Janacek, De la maison des morts
Du 16 au 22 juillet 2007
Janacek atteint le fond de la désespérance humaine en abordant le texte de Dostoïevski: parus sous la forme d’un feuilleton, entre 1860 et 1862, « Les souvenirs de la maison des morts » constituent un journal cru relatant les éléments de la vie de l’écrivain pendant son internement au bagne sibérien d’Omsk. Ce sont quatre ans vécus dans l’horreur de l’enfermement et de l’humiliation. Janacek se passionne pour son sujet. Il a conscience de redéfinir le cadre et les limites de l’opéra moderne et travaille à ce qui allait être son dernier opus, jusqu’en juin 1928. L’oeuvre est créée après la mort de l’auteur, à Brno, le 12 avril 1930, dans une version maquillée par ses élèves. Rafael Kubelik et Charles Mackerras ont restitué la fin de l’acte III dans sa fulgurance visionnaire. La prison signifie la perte de l’amour, donc l’absence de vie: le bruit des chaînes métalliques, du vent glacial fouettant les os et les chairs sont les insignes de cette vision infernale. Pourtant, en dépit du défaitisme amer de Dostoïevski, Janacek croit pour sa part au miracle. Il célèbre la dignité des bagnards, en leur attribuant un sentiment profond de compassion et d’humanité fraternelle. Aix 2007 permet de retrouver un duo mythique de la scène lyrique. Après Lulu (1979) et La Tétralogie, présentée à Bayreuth entre 1976 et 1980, Patrice Chéreau et Pierre Boulez collaborent ensemble pour l’ultime opéra de Janacek qui a déjà été présenté en mai 2007 aux Wiener Festwochen, avec un grand succès.
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