mercredi 23 avril 2025

Festival baroque en Tarentaise Savoie (73). Du 2 au 13 août 2010

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Festival Baroque de Tarentaise

Savoie, (73) Du 2 au 13 août 2010

Festival Baroque de Tarentaise 2010 ou les Très riches heures musicales du Duc de Savoie soit 13 concerts en divers lieux de Savoie (73). La Baroquie en Tarentaise, c’est avec le Festival en sites, églises et chapelles appropriés, une fête de musique ancienne. La Savoie est rattachée à la France depuis un siècle et demi, et la thématique 2010 fait en remontant la chronologie un va-et vient entre les deux capitales de cette Savoie ducale, entre XVe et XVIIIe, Chambéry et Turin. Une autre vision de l’Europe alpine ?

Victor-Emmanuel, Napoléon IIII, Cavour et Garibaldi

« La Savoie célèbre cette année les 150 ans de son rattachement à la France. » Soit. Et vous rappelez-vous dans quelles conditions ? Euh, oui, attendez, il y a eu un plébiscite pour le rattachement , très peu de non….et puis c’était pareil pour Nice. D’accord, mais c’était négocié par qui, et pourquoi ? Hum, 1860, c’était Napoléon III, et puis en Italie, voyons, le roi de Piémont-Sardaigne …Victor Emmanuel , et ça y est, un premier ministre qui voulait unifier l’Italie…..Cavour ? Bravo… Et donc… ? Là, dans le détail, on sèche un peu. Eh bien, monnaie d’échange dans le jeu à trois – Autriche, Italie pas encore unifiée, France -, les territoires (duchés) du Centre comprenant une partie des Etats du Pape, devenus bien encombrants pour cette Unité. D’où après une 1ère étape – les troupes françaises battant les Autrichiens à Magenta et pas vraiment à Solferino, Napoléon III ne faisant plus perdre à l’Autriche que la Lombardie, englobée dans le Piémont -, une demi-mesure qui rend à l’Italie ces territoires centraux (là aussi par plébiscite), Napoléon III y « gagnant » pour la France la Savoie et Nice. La suite sera écrite en quelques mois par l’action armée de Garibaldi acceptant de travailler pour Cavour et son Roi, mettant donc à bas la monarchie du sud (Sicile, le sud de la péninsule). « Italia fara da se »… Et voilà pourquoi votre Savoie est devenue française, intégrée à l’Empire puis à la République.
On ne vous interrogera pas cette fois sur l’antériorité : la complexe histoire des Ducs de Savoie, leurs alliances matrimoniales et militaires avec la Sardaigne, et il vous suffira de savoir qu’ « à l’origine » de la fin du Moyen-Age, le duché de Savoie fut comparable à celui de Bourgogne, au moins pour le rayonnement culturel et musical – Guillaume Dufay est maître de chapelle du duc Louis Ier , et réside à Chambéry. A partir des années 1560, la capitale passe de l’autre côté du toit alpin, et sur le versant « italien » s’installe à Turin, donc en Piémont. Allez, ça suffira pour cette année, mai s un Festivalier – qui en Tarentaise Baroque d’été n’est pas forcément né natal – n’est pas obligé…de ne rien savoir sur l’histoire du pays où il pose ses chaussures de randonnée.

Bergerette savoyenne et patois valdôtain

Pour le 150e, Tarentaise Baroque se fait donc historisant, entre le temps de Chambéry-capitale et celui de Turin-dominant. On commence à l’époque de Chambéry pour que l’Ensemble Janequin (Dominique Visse) nous arrête sur image de « contrepoint savantissime et d’époustouflantes vocalises » d’Antoine Brumel (vers 1460, vers 1515). Inspiré par une chanson de son illustre contemporain, Josquin des Prés, Brumel compose la Messe « Bergerette savoyenne »et des motets. Puis des Nouveaux Talents (une présence à laquelle tient l’animatrice de Tarentaise Baroque), représentés par le trio Estampes – lauréats du concours de Bruges en 2009 – quittent la Savoie pour aller du côté de chez Buxtehude, Rameau et Couperin, avant que leur violoniste Yoyo Kawabuko confie à leurs instruments anciens une composition d’un de ses compatriotes, Yoju-Mi Kawori : « audacieuse mise en regard de la tradition et de la modernité ».
L’Ensemble Neapolis, « découvert ici en 2007 », apporte les échos du sud profond de la Campanie, avec ses Tarentelles et Villanelles du XVIe au XVIIIe, la diva aux pieds nus, Maria Marone, se chargeant une fois de plus d’ensorceler le public savoyard ». Ce qui amène à parler du chant populaire, si vivace et primordial d’une vallée voire d’un pays à l’autre. La trentaine de choristes du Coro Verrès (Albert Lanièce) s’expriment tour à tour en italien, français et patois « pour un florilège piémontais et valdôtain » (du Val d’Aoste). Réunion des capitales, de Chambéry et de Turin pour un « concert dansé en fête imaginaire au fil des siècles, du XVe au XVIIIe, de Louis Ier à Charles-Emmanuel II. Les Jardins de Courtoisie (Anne Delafosse-Quentin) et deux maîtres à danser inviteront le public à entre dans le jeu chorégraphique… Ces mêmes Jardins de Courtoisie remontent ensuite le temps pour aller au XVe consulter le Manuscrit de Chypre que rapporta en Savoie Anne de Lusignan, « des chansons d’amour si raffinées », et Guillaume Dufay était à la cour de Savoie en ces temps où Christine de Pizan finissait d ’écrire ses Cent Ballades d’Amant et de Dame, faisant ainsi langoureusement soupirer l’amant : « Tournez vos yeux vers moi, douce maîtresse. Et voyez mon martyre et comment je vis pour vous en grande détresse. Qu’il vous plaise d’être le médecin de mes graves maux, car je ne désire rien d’autre que votre amour, et autre chose ne puis, et je ne demande rien autre, c’est tout ce à quoi j’aspire… ».

Lusignan ou Biron ?

Anne de Lusignan ? De la famille originaire du Poitou, qui s’enracina dans l’Orient Latin, notamment avec Gui, qui racheta Chypre aux Templiers à la fin du XIIe ». Mais encore, dans la mémoire poétique, les questions-rêveries, bien plus tard, dans Les Chimères de Nerval : « Suis-je amour ou Phébus, Lusignan ou Biron, Mon front est rouge encor du baiser de la Reine, J’ai nagé dans la Grotte où nage la Sirène … », parce que, selon les dictionnaires, la fée (« les cris de la fée » qui terminent Le Desdichado…), c’était Mélusine, « aïeule mythique de la Maison Lusignan » et que… Enfin, brouillant les temps, vous écouterez d’une 3e oreille les chants de Dufay, vraiment fixés en Histoire, ceux-là, et vous songerez à cette Anne de Lusignan qui vraiment épousa Louis Ier de Savoie…. I Virtuosi delle Muse (Stefano Molardi) imagineront le dialogue entre un Vénitien qui fut aussi Prêtre Roux (vous ne voyez pas de qui il peut s’agir ?), un Arcangelo (Corelli, on vous aide) et un « compositeur allemand d’origine écossaise » qui n’en naquit pas moins à Megève…et là ce n’est pas évident : Georg Muffat, qui fit dans ses sonates et concertos « la synthèse des styles français, italien et allemand »,notamment avec son Armonico Tributo dont I Virtuosi jouent des extraits. Puis Olivier Briand et Marie Rouquié, violonistes baroques, honoreront le souvenir de la fin XVIIIe, quand la cour de Turin – c’était alors le duc Charles-Emmanuel II, vous vous y retrouvez dans les prénoms de la Famille ? – étincelait musicalement avec son Ecole de violon. Guignon, Leclair (le Lyonnais qui mourut assassiné à Paris après avoir révolutionné l’écriture de son instrument) et Viotti « considéré comme le plus grand violoniste d’Europe ». Passerelle entre baroque et pré-romantisme, peu après que d’autres célèbres du violon aient célébré le baroque à son apogée : Pergolèse, Alessandro Scarlatti, Vivaldi sont joués l’Ensemble Euterpes (Centre régional de baroque, Marseille) et le contre-ténor Pascal Bertin. Des anniversaires de naissance auxquels en 2010 on pense moins qu’à un certain Chopin : Scarlatti (350 ans), Pergolèse (300)…Et sans anniversaire, un musicien peu recommandable selon les critères de la morale courante – même en une époque et en des lieux où les artistes étaient moins soumis à la civilité puérile et honnête -, Alessandro Stradella . Ce fils de gentilhomme entre dans le cercle de Christine de Suède, convertie-catholique( voir le Cavalier Descartes, un peu plus tôt) et alors à Rome, mais la composition de ses œuvres ne le gêne guère pour mener une vie aventureuse ( l’argent , les femmes), et cela le conduira vers le nord, d’abord à Venise, puis à la Cour de Turin. Tout se terminera à Gênes, en 1682, par un assassinat au poignard, pour l’amour d’une femme , bien sûr. Euterpes et Pascal Bertin interprèteront des extraits de son Saint-Jean Baptiste : apercevrez-vous l’ombre de Salomé ?

Festival Baroque de Tarentaise. Du 2 au 13 août 2010. Aime, Arêches, Moûtiers, Albertville, Bellecombe, Val d’Isère, Saint-Oyen, Hauteville-Gondon (73). Concerts à 21h : lundi 2 août, mercredi 4, jeudi 5, vendredi 6, 8 août, lundi 9, mardi 10, mercredi 11, jeudi 12, vendredi 13.
Information, réservation : T. 04 79 38 83 12 ; www.festivaldetarentaise.com

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