« Mozart à deux »
Festival Saou chante Mozart
Saou (26). Du 27 juin au 13 juillet 2007
Mozart et Trazom
« Sur des pensers anciens, faisons des vers nouveaux », recommandait en France, André Chénier du temps que Mozart tentait et réussissait au-delà de toute espérance une esthétique analogue. Le Festival de Saou, unique dans son genre, varie l’angle du regard sur le portrait mozartien : partant du postulat qu’on n’en aura jamais fini d’explorer le continent du musicien aux 626 numéros du catalogue Koechel, il invente pour chacune de ses éditions (la 17e, en 2007) une « écriture cinématographique » en plans-séquences, travellings et gros plans. Cette année, ce sera « Mozart à deux » . Cette formulation un tant soit peu ambiguë, n’évoque pas quelque voyage amoureux proposé aux spectateurs – encore que rien ne soit interdit en ce domaine où Mozart en dit plus long que bien des poètes et des romanciers – , mais « une déclinaison entre haut et bas, intime et solennel, blanc et noir, lent et vif, triste et gai ». On pourrait penser à la perpétuelle double identité que Mozart cultive, et qui se dédouble à son tour jusque vers l’infini, en partant du binôme-en-verlan : Mozart et Trazom. Rien n’interdit d’y songer, et d’ailleurs le Festival pourrait offrir une superbe prime de recherche à qui rapporterait une photographie de ce que Trazom a dû un jour inscrire – en allemand, en italien, en français, en latin ? – sur quelque mur d’Europe : « Interdit d’interdire ». Bonne chance aux chercheurs ! Et revenons au binaire de 2007.
Toutes les formes de duo
La déclaration d’intentions – mais comment dit-on ? saoutienne ? saoudienne ? en fait: « saounienne », tout simplement – vise, avec cette dualité la forme privilégiée de duo : dans le concerto bien sûr – y compris avec l’instrument chargé de métaphysique, la clarinette, ou dans le dialogue violon-alto de la Concertante, celui des deux pianos -, dans la sonate, le duetto vocal pour chanter entre amis. Et avant tout dans l’opéra : femme et homme, femme et femme, en situation innombrablement amoureuse ou complice. Et « saouchantemozart » (ce que vous lisez sur internet) se fait un devoir d’exploration méthodique du catalogue-koechel : « depuis 17 ans, combien de partitions restaient muettes, n’entrant dans aucune des catégories…On va rendre justice à ces musiques en attente, avec la participation active d’indispensables amis ». Ces indispensables groupés autour du chef et flûtiste Philippe Bernold, ce sont entre autres, les pianistes Dana Ciocarlie, Pascal Gallet, Jean-François Heisser, la harpiste Christine Icart, l’altiste Michel Michalakalos, le chef Mark Foster (qui est aussi pianiste), le Quatuor Debussy, les Ensembles Philidor et Offrande Musicale, Syracuse et Kairouan, l’Orchestre d’Avignon (OLRAP). Et puis 2007 voit l’apparition d’un Orchestre spécifique du Festival, réunissant des cordes (venues de Slovaquie) et des vents (du CNSMD de Lyon) sous la direction alternée de J.P.Wallez, P.Bernold et J.F.Heisser.
Fiordiligi, Dorabella, Suzanne et les autres
Le chiffre 2 est donc constamment à l’honneur, en commençant par les Philidor dans Mozart (2 cors) et aussi Haydn (2 clarinettes et 2 cors), Asplmayer (duettos) et Rosetti. Le 2 (2) de juillet, l’Orchestre du Festival et ses solistes vont, dirigés par J.P.Wallez, vers un quasi-inédit ( un « double, piano et violon », dont Mozart abandonna la composition), la Concertante K.364, et y joignent la 85e de Haydn (« la Reine », sans Roi). Et dirigés par Ph.Bernold, ce seront Flûte et harpe, le bien connu K.299, le Concertone à 2 violons, et la 28e Symphonie (le K.200, quand même). J.F.Heisser sera au piano et en direction pour le 2 pianos (avec Hugues Leclère), la 33e Symphonie, et deux airs de concert par Alketa Cela, dont le sublime K.505, où Wolfgang – au piano, subrepticement inséré entre orchestre et soprano – dit sa tristesse éperdue au départ de la cantatrice anglo-italienne qui créa Suzanne dans Les Noces. Et écrit sur la partition : « Pour Mlle Storace et pour moi ». Ou l’ardente flamme au miroir du désespoir…A propos de Noces, Alketa Cela se joint à Ingrid Perruche et à Patrice Verdelet pour explorer le duo Mozart-Da Ponte (mais si nous savons bien où sont respectivement le génie et l’homme de talent, l’époque ne l’entendait pas forcément ainsi !) : le Comte et Suzanne, Suzanne et Figaro, Suzanne et Marcelline. Et dans Cosi (2 fois 2, avec croisement de mains et du reste), les sœurs Fiordiligi et Dorabella, que rejoint Guglielmo. Sans oublier la sublimité d’un duo de séduction, Don Giovanni enjôlant Zerline. Tout le monde emmené par Philippe Bernold dirigeant le Lyrique d’Avignon-Provence.
Sous les platanes, l’archive photo
L’Offrande Musicale (Harmen Jan Schwitters) fait alterner duos de Mozart ou Danzi et trios de Haydn. Les pîanistes Dana Ciocarlie et Ariane Jacob rejouent à Wolfgang et Nannerl dans la Sonate K.448, et se séparent pour sonate, andante, variations et fugue. Au violon, Svetlin Roussev et au piano Pascal Gallet duettisent avec les K.376 et 526, ajoutant une transcription K.570. Syracuse et Kairouan (dir. Charles Le Barbier) baroquisent dans une Messe brève (K.65) et un Offertoire (K.72). Et pas trace de 2 avec le Quatuor Debussy et M. Michalakalos pour le Quintette K.515 ; Mark Foster jouera sous les platanes de Saou l’immense Rondo K.511 et une transcription par Liszt de l’Ave Verum. On n’oubliera pas, à Saou, l’exposition de Gérard Amsellen, mémoire imaginative et mozartienne en photographie de l’Opéra de Lyon.
Mercredi 27 juin 2007, Chabeuil, 20h30 ; vendredi 29, Saou, 19h ; dimanche 1er juillet, Crest, 10h30 ; lundi 2, Saint-Paul, 20h30 ; mercredi 4, Dieulefit, 20h30 ; jeudi 5, Montélimar, 20h30 ; dimanche 8, Bourg les Valence, 20h30 ; mardi 10, Valence, 20h30 ; mercredi 11, Nyons, 20h30 ; vendredi 13, Suze-la-Rousse, 20h30.
Informations et réservations Tél.: 04 75 76 02 02 www.saouchantemozart.com
Illustration
Nattier, Portrait de Madame Marsollier et de sa fille, vers 1749