jeudi 24 avril 2025

Félix Mendelssohn: Le Songe d’une nuit d’été (1826-1843) Genèse de l’oeuvre. De l’Ouverture au ballet royal…

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Félix Mendelssohn
Le Songe d’une nuit d’été
, 1826-1843
A Midsummernight’s dream

La genèse du Songe dans la vie de Mendelssohn dévoile la sensibilité vive du musicien inspiré par le poème de Shakespeare. La partition est réalisée à deux moments de la courte vie du compositeur lequel préfigurant Berlioz, est le premier à mettre en musique, et avec quelle justesse, le texte du grand William: dans son adolescence (écriture préalable de l’Ouverture en 1826, à 17 ans), puis à l’âge d’homme quand trentenaire, musicien de la Cour berlinoise, il écrit le ballet complet, à partir du matériau musical de l’Ouverture, pour l’anniversaire du roi, en 1843.


Genèse: la source shakespearienne

Aucune oeuvre dans la carrière de Mendelssohn ne résume à elle seule le génie enchanté de son inspiration, que Le songe d’une nuit d’été. Tous s’accordent, parmi les compositeurs, de Berlioz (admirateur exigeant de Shakespeare) à Schumann (dont on connaît le souci de l’exactitude dans le choix des poèmes qu’il a mis en musique), sur la sensibilité du jeune Félix, capable d’exprimer en musique, l’univers féerique du Songe d’une nuit d’été. La partition, abordée à plusieurs reprises comme nous le verrons, témoigne de la précocité d’un auteur exceptionnel qui déjà a approché ce même climat d’enchantement dans le Scherzo de son Octuor, composé à l’âge de 16 ans, en 1825. Incroyable talent qui gomme la maladresse de l’extrême jeunesse.


Berlin, 1826: dans les jardins du palais Mendelssohn…

D’où vient l’engouement de Mendelssohn pour Shakespeare? La source familiale offre quelques clés de compréhension. En 1826, Félix qui a 17 ans, vit dans le somptueux palais princier que son père Abraham a acquis pour le clan famiial: la résidence possède un vaste jardin, – un parc de 3 hectares- au coeur du Berlin de l’époque, déjà très urbanisé. Dans l’orangerie, attenante à la maison d’hiver, en marge du palais, la famille donne de nombreux concerts, dès 1823, au cours desquels Félix crée bon nombre de ses compositions, instrumentales, dramatiques et vocales. Son professeur Karl Zelter qui lui inculque la passion des anciens, de Bach à Haendel, fréquente régulièrement les concerts du palais Mendelssohn.
Cet été, Félix découvre le théâtre de Shakespeare dans la traduction de son oncle, Frederic von Schlegel qui est l’époux de la soeur de son père, Dorothea.
Avec sa soeur Fanny et deux autres compagnons de jeu, adolescents comme eux, Félix joue l’intrigue amoureuse des couples croisés du Songe. Il sera le premier compositeur à s’éprendre de la féerie fantastique de la pièce, avant Berlioz et Britten…
Capable d’en exprimer non l’anecdote mais le climat de tendresse enfiévrée, le jeune homme, décide en 1826, de mettre en musique ce riche poème des coeurs éperdus, bercés par une nuit d’ivresse et d’extase où les identités perdues, errent dans le labyrinthe de la passion amoureuse… A la même époque, Weber compose Oberon (créé à Londres en avril 1826).
Soulignons combien la tonalité de mi mineur marque la partition dans le sillon de l’amour et du songe. Félix termine l’Ouverture, dès le 6 août 1826. C’est un « ruissellement de jeunesse » déclare Schumann. Il n’existe « rien de plus shakespearien », dit Berlioz de cette oeuvre miraculeuse. Outre sa séduction formelle palpitante, emportée par un élan émotionnel, l’Ouverture du Songe est aussi sur le plan de la forme, la première partition autonome, jouée en tant que telle au concert, ce du vivant de l’auteur: c’est même le premier poème symphonique, oeuvre visionnaire pour la vague romantique : un modèle dont se souviendront Berlioz, Liszt, Schumann…

Le palais et son parc qui ont abrité l’univers personnel du jeune compositeur a depuis été rasé, agrandi: après la mort de Félix, son frère Paul vend à l’état prussien le domaine Mendelssohn en 1851. L’ensemble investi par la Chambre des seigneurs (après la révolution de 1848), fut encore détruit et aménagé pour devenir aujourd’hui la Chambre fédérale d’Allemagne, le Bundesrat.


Après l’Ouverture de 1826, le ballet royal de 1843


Le temps passe, et Mendelssohn devient un musicien reconnu, estimé, apprécié. A Leipzig, il créée le Conservatoire et dirige l’orchestre du Gewandhaus. En 1841, Frederic Guillaume IV l’embauche comme musicien de la Cour: le souverain fastueux et mélomane, a compris tout le prestige qu’il tirerait en sollicitant l’excellent compositeur dont il peut disposer. En amateur éclairé, le roi invite à Berlin les écrivains tels Rückert, Frederic von Schlegel (déjà cité), les Frères Grimm… Même s’il est grassement rémunéré (3.000 thalers de rente annuelle), Mendelssohn s’ennuie à Berlin: Leipzig lui manque car il s’y trouve plus libre et davantage créatif. Le compositeur fournira néanmoins plusieurs Psaumes pour la Chapelle royale. Mais un nouveau projet l’occupe qui renoue avec l’enchantement de ses 17 ans quand il écrivait et réussissait l’Ouverture du Songe d’une nuit d’été.

Dès 1843, il satisfait une commande royale: écrire un ballet à partir du Songe shakespearien. A l’ouverture déjà écrite, succèdent bientôt 13 épisodes dans lesquels il reprend la forme du Scherzo, cadre favori de son inspiration auquel répond l’intermezzo angoissé des amants, et surtout la marche nuptiale dont le destin est promis à une reconnaissance mondiale, en particulier quand le morceau devient l’hymne marial des Noces de la fille de Reine Victoria, la princesse Vicky, en 1858. L’auteur est décédé, mais son oeuvre lui survit avec un succès inégalé à ce jour, toujours intense.
Le ballet du Songe d’une nuit d’été est représenté à Berlin pour la première fois pour l’anniversaire de Frederic Guillaume IV, le 14 octobre 1843.
Autre trait spécifique à Mendelssohn, le désir de continuité: comme Dutilleux aujourd’hui, Mendelssohn aime enchaîner les mouvements et dès la création, il aurait aimé créer l’oeuvre sans entracte, comme unifiée par un flux continu, porté par une urgence interne. L’auteur ne fait pas autre chose dans son célèbre Concerto pour violon où toutes les mouvement sont de facto, enchaînés.
Le ballet du Songe frappe par sa poésie nocturne. Liszt est enthousiaste et même Wagner, si critique (jaloux?) à l’égard de son prédécesseur, emprunte certains matériaux pour son opéra de jeunesse, depuis oublié, Les Fées.

Illustrations: Shakespeare, Titania et l’âne Bottom par Fussli, Mendelssohn, Frederic Guillaume IV de Prusse (DR)

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