concert à Versailles, Galerie des Glaces
Suite du cycle L’opéra français au temps des Lumières au château de Versailles. Le programme proposé ce 19 novembre se déploie dans un lieu unique au monde: la galerie des glaces, redécorée pour l’occasion, temple de la monarchie française qui alors tout en scellant une alliance prestigieuse (France/Autriche), approfondit son regard sur les arts du passé, en particulier l’héritage de Louis XIV…
Au plafond de la Galerie, les plus hauts faits d’armes, victoires et conquêtes d’un règne fastueux à l’ambition universelle: celui de Louis XIV. Au niveau bas, le décor spécialement créé pour le mariage du dauphin et de la dauphine, futurs Louis XVI et Marie-Antoinette, en mai 1770. Soit deux temps historiques, deux époques qui dialoguent et se jaugent: ce 17è, Grand Siècle, qui porte l’héritage du plus prestigieux des Bourbons; celui néoclassique et préromantique qui à l’époque des Lumières, est aussi un sommet de la gloire versaillaise quand France et Autriche s’unissent enfin.
Versailles, 1770
Ainsi se trouvent réunis le baroque et les Lumières, Louis XIV et le futur Louis XVI, son arrière petit-fils. Un jeu de filiations, d’échos respectueux, de relectures fécondes, de regards critiques que rehaussent encore les facettes miroitantes déconstruites et fragmentaires des carrés de miroirs tapissant toute la galerie sur son mur opposé aux fenêtres… La galerie des glaces est ce long corridor qui depuis son origine, est une vaste machine à métamorphose, le coeur dynamique du vaisseau imaginé par Louis XIV: ici ce recycle et se réinvente le goût de chaque règne; le concert du 19 novembre en témoigne de façon éloquente.
Il précise les interactions entre les deux estthétiques, en fait qui sont trois: Lully, Rameau, Gluck rétablissent chacun leurs valeurs et leurs enjeux, selon leur contexte respectif.
Lully et la suite extraite de Persée évoque l’épopée du héros royal; Rameau l’ambition orchestrale du compositeur le plus reconnu à l’époque du rococo Louis XV; enfin, Gluck évoque l’oeuvre réformatrice d’un étranger en France, réinventeur de la tragédie lyrique française dans les années 1770…

Musiques pour un mariage:
Lully et Rameau, révisés par Dauvergne et Gossec
Pour le mariage princier de 1770, Louis XV voit grand: l’opéra royal est enfin achevé; et pour l’occasion, les classiques des temps anciens (Lully et Rameau) sont réécrits selon l’esthétique néoclassique et préromantique de l’heure. Ainsi sont repris en grand luxe de décors et machineries: Persée de Lully (1683) et Castor et Pollux de Rameau (1754). La présence de Lully, comme des tragédies de Racine et Voltaire indique pour ce mariage suivi par toute l’Europe, un hommage rendu à l’essor des arts sous Louis XIV et Louis XV: c’est un résumé dynastique somptueux auquel invite la programmation des célébrations;
Avant que Gluck ne crée sa première tragédie en français, Iphigénie en Aulide de 1774, l’hommage du règne de Louis XV s’oriente vers deux personnalités musicales anciennes: Lully et Rameau.
Pour l’occasion des Noces de 1770, Antoine Dauvergne, Bernard de Bury, François Rebel révisent la musique de Persée de Lully; Gossec fait de même de la Suite de Castor et Pollux de Rameau, quant à Gluck, le champion de la modernité se suffit à lui-même: miroir immédiat d’une époque qui a enfin trouvé le magicien enchanteur de ses propres fêtes.
Voici donc Lully et Rameau remis au goût du jour: coupés,retaillés, rafraîchis selon la mode du temps: l’essor du souffle chorgraphique est renforcé; les couleurs des instruments enrichis (hautbois, bassons et cors ajoutés chez Lully). De tous c’est Dauvergne pour Lully qui réalise les plus grandes audaces (ouverture, jeux junoniens, tempête et combats l’inspirent même au point d’écrire des musiques nouvelles). Quant à Gossec, père de la symphonie française, c’est peu dire qu’il approfondit et enrichit encore l’ampleur orchestrale de Castor et Pollux de Rameau…
Le cas de Castor est lumineux: c’est le seul opéra français à vaincre les assauts des étrangers; jamais contesté, toujours applaudi et joué et repris jusqu’en 1791. Au cours des reprises, l’orchestration est modifiée (ajouts de clarinettes, flûtes, cors et trompettes), les cordes rétablies selon le quatuor désormais à la mode (deux violons, altos et basses): tout œuvre pour une richesse sonore renforcée et une épaisseur solonnelle nouvelle, adaptée selon l’ampleur des célébrations concernées.
Cycle l’Opéra au temps des lumières
Fêtes royales à Versailles
Lully, Rameau, Gluck
Les Siècles
François-Xavier Roth, direction
Lundi 19 novembre 2012, 20h30
Versailles, Galerie des glaces
1h20 sans entracte