Voici un compositeur taillé pour obtenir sur Arte, un portrait dédié (comme Gouvy en vérité, Onslow compose entre France et Allemagne). Pourtant les surprises quant à ses origines et son écriture multiplient encore les pistes… Anglais par son père (d’où son prénom George sans le « s » final), français et même auvergnat par sa mère, Onslow (1784-1853), le « Beethoven français » fut de son vivant célébré comme une personnalité nationale par les… Allemands. Etonnante figure musicale qui bien que génie du romantisme musical français demeure méconnu, oublié, mésestimé en France.
Il s’agit ici de préciser le portrait de l’homme parmi ses
contemporains: comment Onslow ressentait-il sa musique et quelle image en retour les autres avaient de lui ? C’est un auteur en réalité isolé, apprécié mais peu social, solitaire en Auvergne, n’approchant que très rarement et dans l’intimité des salons, les grands noms du romantisme musical ; pourtant Liszt et Chopin jouent, en un prodigieux quatre mains, sa Sonate en fa mineur opus 22… C’est encore Mendelssohn qui défriche avec lui, l’ouverture du Fidelio de Beethoven ; c’est aussi un échange très documenté et d’autant plus révélateur avec Berlioz. En définitive, le cycle des textes précise le portrait d’Onslow qui sera à n’en pas douter l’une des redécouvertes les plus passionnantes du romantisme français ; on comprend que le Palazzetto Bru Zane Centre de musique romantique française se soit associé à cette nouvelle vague de défrichement scientifique qui fait mouche tant son sujet devient fascinant: auteur exigeant, style original, Onslow fut un musicien respecté par ses pairs. Fait inimaginable et pourtant en commun avec Théodore Gouvy, pris lui aussi « entre la France et l’Allemagne » (comme le titre le précise), comme en vérité Onslow l’Auvergnat fut tiraillé entre l’héritage des Viennois (Haydn, Mozart, Beethoven) et les français : notre compositeur fut particulièrement joué et même vénéré comme un musicien national, Outre-Rhin. Parmi les figures qui jouèrent ses œuvres plusieurs interprètes se dessinent dans cet horizon humain et musical du début du XIXè : les quartettistes de Cologne (auxquels est dédié l’opus 78), les frères Bohrer, dédicataires de l’opus 33, surtout les frères Müller, originaires de Brunswick qui restent selon les témoignages, les interprètes miraculeux de son Quatuor en mi mineur, à Paris en 1834.
Le cœur de la publication permet de retrouver le vrai Onslow en analysant hors des clichés réducteurs et caricaturaux, l’écriture du Beethoven Français. Connaisseur des Viennois, Onslow se libère de la Sonate accompagnée ; il s’émancipe grâce au duo auquel il apporte pour la première fois en France, une forme stable et puissante en particulier pour le violoncelle et le piano ; et aussi pour l’alto et le piano ; les contributeurs précisent la place du piano seul, autre facette instrumentale mais celle-ci décroissante dans l’évolution du style. Classique, Onslow le demeure viscéralement : comment comprendre cette Toccata écrite en 1810 à Paris, jalon néo classique à l’époque des nouveaux romantiques ?
La Symphonie opus 41 relie Onslow à Gossec et Méhul mais surtout à la tradition viennoise : en définitive Onslow offre une alternative éloquente à l’incontournable et visionnaire Berlioz ; et ses opus 41 et 42 demeurent bien les piliers de du romantisme symphonique français dans la première moitié du XIXè.
Mais l’apport le plus étonnant demeure ici la contribution de Onslow au genre lyrique. C’est d’abord l’exemple de Stratonice de Méhul, -éblouissement de jeunesse-, qui lui inspire sa vocation théâtrale : une éclosion autre du génie de Onslow qui se dévoile aujourd’hui intacte, en particulier grâce à la redécouverte récente de la transcription autographe de l’opéra : Guise ou les Etats de Blois (1837) en quatuor (opus 60, 1860) dont on sent bien cette modernité exaltante dans le cadre classique (mélange déconcertant des genres), comme le tableau du peintre d’histoire Paul Delaroche sur le même thème (1835). Autre révélation au crédit d’une œuvre qui se dévoile captivante : le hiérodrame ou scène dramatique pour basse et orchestre : Caïn maudit ou la mort d’Abel , créé en 1846, soit 3 ans après la nomination de Onslow à l’Institut et qui pourrait être une manière de morceau de réception pour sa prise de fonction…
Au carrefour de la musicologie, de l’analyse musicale et de l’histoire sociale et artistique, le corpus scientifique affine le profil de George Onslow, le symphoniste, le chambriste (génie du développement), sans omettre l’auteur lyrique. Sa place restituée apporte des nuances capitales dans le paysage musical du romantisme : au final, Onslow incarne un contrepoint passionnant à la révolution d’un Berlioz, comme peuvent enrichir la perception de Delacroix, les œuvres proches de Chassériau ou de Géricault.