chef d’orchestre
L’urgence de la musique

Arte
Lundi 23 novembre 2009
Musica à 22h30
Réalisaton: Claire Alby (2008, 52 mn). Inédit.
Portrait d’un chef français né en 1924… méconnu dans son pays mais adulé par le milieu musical et en particulier en Allemagne et en Autriche où il a fait toute sa carrière… avant d’être pleinement applaudi, finalement, octogénaire, … à Paris.
Gérard Mortier a bien raison de souligner combien celui qui fut le partenaire de Callas, le créateur de la Voix Humaine de Poulenc a été écarté sans ménagement de l’Opéra de Paris en 1963. Obligé de reprendre son activité hors de l’Hexagone, Prêtre qui vint à la baguette après une validation rocambolessque de Cluytens (dans une salle sans fenêtre au TCE) – le jeune chef dirigeait devant le maître, sans baguette sans orchestre-, s’impose très vite en Allemagne, à la Scala, aux USA (dirigeant les orchestres légendaires tels Boston, Cleveland, Los Angeles…) puis en Autriche, où il fait du Symphoniker de Vienne, aux côtés du Wiener Philharmoniker, une phalange exceptionnelle.
Au moment où il dirige le concert du Nouvel An 2008, à la Musikverein de Vienne, avec les prestigieux musiciens du Philharmoniker, Georges Prêtre choisit la valse du Chevalier à la Rose, une partition que les musiciens connaissent par coeur tant ils l’ont jouée. Or justement, le chef français casse la routine et marque sa lecture spécifique, suscitant chez les musiciens un certain désarroi… Nuances différentes, caractères nouveaux, distinction des 3 mélodies superposées, chacune ayant sa propre vitalité, son propre climat… Le risque est grand, le geste insolent, mais cela fonctionne. Encore une fois, le ciseleur du verbe musical a réussi un coup de… génie. Doué pour le théâtre, et donc l’opéra, véritable acteur de la baguette, aujourd’hui totalement libéré (de vrais mimiques dignes de l’Actor Studio se lisent sur son visage quand il dirige), Georges Prêtre enchante, captive (son enregistrement du concert du Nouvel An à Vienne le 1er janvier 2008 – 1 cd Decca-, est double disque de platine!), nous offre une leçon magistrale de direction, d’engagement, de don de soi.
Français et Viennois
Phrasés superbes, sens de l’action, de la passion, souci des récitatifs autant que des airs: c’est un musicien né, dont l’intuition est phénoménale. S’il sait exactement là où il veut aller, il laisse aussi aux instrumentistes la liberté d’être non pas des exécutants, mais des artistes! Voilà pourquoi des interprètes comme Bertrand de Billy ou Roberto Alagna (avec lequel il joue dans le film, avant Orange à l’été 2009, Cavalleria Rusticana et Paillasse sur la scène du Staatsoper de Vienne), l’admirent et l’aiment sans compter.
Le portrait est plein de surprises. Détonant même car en dépit de son âge vénérable, l’homme a conservé une énergie astucieuse admirable, une intelligence de l’instant capable de faire feu de tout bois. Il a l’étincelle des grands interprètes: de Karajan qui lui a demandé de diriger Faust, Prêtre avoue qu’ils auraient pu devenir « copains »: même passion des moteurs et de la technologie.
Le chef croit au mystère: le magnétisme de sa relation avec Callas ne s’explique pas mais quand ces deux là étaient dans la même salle, au service de la même partition (Bizet, Verdi…), l’électricité de leur duo emportait le public. Près de Castres, dans sa demeure de Navès dans le Tarn, Prêtre se raconte. Devant la caméra, le pétillant jeune homme se rappelle les instants qui ont marqué sa vie de musicienIl a la silhouette féline de Solti et sa vivacité; la sensualité exubérante et dramatique de Bernstein; la maîtrise et la concentration de Karajan… Longie vie à à vous, Georges Prêtre! Superbe portrait.
Illustration: Georges Prêtre (DR)