Giaochino Rossini
Le Comte Ory, 1828
France Musique
Samedi 5 janvier 2007 à 19h
Opéra en deux actes. Livret d’Eugène Scribe et Charles-Gaspard Delestre-Poirson. Créé à l’Opéra de Paris, salle Le Peletier, le 20 août 1828.
Luciano Botelho, le comte Ory
Pascale Beaudin, la comtesse Adèle
Anna Destraël, Isolier
Isabelle Henriquez, Dame Ragonde
Franck Leguerinel, Raimbaud
Nicolas Courjal, le Gouverneur
Stéphanie Loris, Alice
Michaël Vanca, un coryphée
Chœur d’Angers Nantes Opéra (direction, Xavier Ribes)
Orchestre National des Pays de la Loire
Giuseppe Grazioli, direction musicale
Frédéric Bélier-Garcia, mise en scène
Fable médiévale grivoise
La nouvelle production du Comte Ory, présentée sur les scènes d’Angers Nantes Opéra (en décembre 2007), permet au metteur en scène, Frédéric Bélier-Garcia (nouveau directeur du Centre national dramatique d’Angers), de revenir au théâtre lyrique après Don Giovanni et Lucia di Lammermoor notamment, à l’opéra de Marseille, dans un registre à la fois drôle et léger. En 2009, pour les Chorégies d’Orange, l’homme de théâtre mettra en scène Patricia Ciofi dans La Traviata de Verdi.
Le Comte Ory est une action médiévale fantaisiste plutôt franche et comique qui même ne s’épargne aucune dépense ni délire purement théâtral. Rossini y brosse en particulier le portrait d’une gente féminine à la fois éplorée (d’avoir perdu les époux partis en croisade) et lascive (à l’idée de susciter le désir des hommes restés à leurs côtés). Pour le metteur en scène, il y a dans l’ouvrage de Rossini, « … comme une joyeuse nostalgie, le souvenir d’un jeu essentiel, premier… D’ailleurs cela rejoint le sens de la pièce, l’opposition d’un héroïsme de la séduction, de la fantaisie, du jeu, par rapport à l’héroïsme, plus attendu et adulte, des croisés partis trucider le Sarazin en Terre Sainte. Et il y a une féerie inouïe de la caresse, du soupir sensuel, du spasme amoureux… comme dans le trio nocturne somptueux de l’acte II où « erreur », « terreur » et « bonheur » scandent à l’unisson l’imbroglio sexuel dans lequel se sont joyeusement faufilés les trois protagonistes. » Cette frénésie du langage musical est d’autant mieux servie chez Rossini qu’elle prend pied et exploite idéalement, « l’irréalisme et la déraison qu’amène le chant« , selon Frédéric Bélier-Garcia. Chez Rossini, la musique exprime le chaos qui double le désir d’ordre. L’esprit de la confusion n’est jamais éloigné de l’équilibre et du respect des convenances. Souvent sous le masque de la respectabilité se cache le feu des situations immorales…
Sources et genèse
Le Comte Ory s’inspire d’une ancienne romance picarde et grivoise, le Comte Orry et les nonnes de Farmoutiers, proche du texte piquant et parfois déculotté des Pièces intéressantes et peu connues pour servir à l’histoire et la littérature écrites entre 1781 et 1790 par Pierre-Antoine de La Place. En décembre 1816, sous la plume des librettistes Eugène Scribe et Charles-Gaspard Delestre-Poirson, les contes et légendes régionaux deviennent par synthèse Le Comte Ory, vaudeville en 27 numéros musicaux, dont l’action gaillarde se conclut de façon morale. Dix ans plus tard, Rossini s’empare de l’oeuvre pour l’adapter en opéra comique, le destinant au Théâtre Italien dont il était le directeur. Dans la perspective de Guillaume Tell, puisant aussi dans le matériau de son Voyage à Reims, créé pour un gala royal en juin 1825, Rossini assemble la trame musicale du Comte Ory.
Synopsis
Au château de Formoutiers, les femmes laissées par leurs époux partis en croisade, font face aux assauts amoureux de nouveaux venus dont le comte Ory , déguisé en faux ermite pour se donner des airs de saint vertueux, qui entend vaincre les réticences de la comtesse Adèle, laquelle semble plutôt sensible au joli minois de son page Isolier. Chacun se déguise, oeuvre en coulisse, intrigue et manipule, créant un imbroglio digne du boulevard, mais tous craignent le retour des croisés, et cette perspective loin d’éteindre le feu des passions déclarées, ne fait au contraire que les attiser. Dans son dernier opéra français (avant Guillaume Tell, l’ultime ouvrage qui fixe les codes du grand opéra parisien), Rossini prend prétexte d’une légende médiévale héritée du XI ème siècle, afin de traiter du libertinage et du marivaudage effréné à la façon des Noces de Figaro de Mozart: dans cette arène à l’exubérante vivacité des coeurs, l’orchestre palpite au diapason du délire amoureux. Désordre émotionnel, rupture de la raison, spasmes et confusion sont les symptômes de cette comédie amoureuse.
Action
Acte I. A Formoutiers, les hommes sont partis guerroyer en Terre Sainte. Raimbaud rallie la communauté demeurée dans les lieux et la prépare pour l’arrivée d’un ermite Ory, dont les ambitions réelles ciblent surtout le coeur de la châtelaine, Adèle de Formoutiers dont il est épris. La suivante d’Adèle, Dame Ragonde explique que sa maîtresse se languit depuis le départ des hommes, et souhaite solliciter les conseils et la piété de l’ermite Ory. Simultanément, le page du Comte, Isolier également épris de la belle Comtesse échaffaude un plan pour pénétrer dans le castel. Le trio Adèle/Ory en faux ermite/Isolier souligne à mots couverts les joies de l’amour: mais alors qu’il allait pénétrer seul dans le château avec la belle Adèle, l’ermite est démasqué et chacun reconnaît le Comte Ory soi même. Scandale. Dame Ragonde paraît et annonce le retour dans les deux jours des croisés. Ory guère échaudé, prépare un nouvel assaut.
Acte II. La nuit venue, une tempête inquiète Adèle et sa suivante demeurées à l’abri. Elles décident d’accueillir les pauvres pèlerins saisis par le déchaînement des éléments. Or parmi eux se trouvent une foule ambiguë, de nonnesses excitées et de moines paillards, mais aussi Ory et son équipée prêts à rejoindre la Comtesse. Isolier, le beau page, prévient Adèle du retour dans la nuit des croisés, mais aussi de ce que les faux pélèrins, dissimulent parmi eux, Ory décidé à l’enlever. Le page lui offre son épée pour la protéger. A la faveur de la nuit, Ory croit courtiser la Comtesse mais il s’agit de son page déguisé. Les Croisés paraissent et l’inconvenant récidiviste est contraint de fuir honteusement tandis qu’une foule en liesse, acclame le retour des soldats de Dieu. Après le désordre, et l’imminence d’une catastrophe, la paix des coeurs est rétablie…. pour combien de temps?
Illustration: Giacchino Rossini (DR)