mercredi 23 avril 2025

Giovanni Felice Sances: Motets (Achten, 2009) 1 Ricercar. Scherzi Musicali, Nicolas Achten

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Musique des sens


Etant chanteur et très bon soliste, Nicolas Achten directeur musical des Scherzi Musicali nous offre une évocation incarnée de l’écriture souvent extatique de Sances, compositeur majeur de la Cour impériale Viennoise du XVIIè. Les Motets sélectionnés y gagnent un surcroît de finesse et de vivacité…

Effusion des Saint jubilants au ciel (chanté à deux voix d’une mâle sensualité ténor/baryton que n’aurait pas renié l’auguste Monteverdi lui-même); extase mysticolanguissante du Dulcis amor Iesu énoncé avec une belle autorité virile par Nicolas Achten… Tout ici est le fruit d’une écriture subtile et articulée, dont les vertiges sensuels (mélismes innombrables) mêlent ferveur active et pâmoison des sens.

La jeune équipe de chanteurs et instrumentistes réunis autour du baryton et directeur musical Nicolas Achten s’entend à merveille dans l’expression caressante et recueillie des Motets de Sances. Disciple de Christina Pluhar qui d’ailleurs lui a fait entendre et découvrir Sances, Nicolas Achten s’impose disque après disque tel le nouveau pilier de l’interprétation baroque actuelle. Ecoutez les spasmes tenus et la ductilité expressive (de surcroît intelligible) du Stabat Mater dolorosa: le chanteur « ose » une version pour baryton (mais avec légitimité si l’on se réfère à la pratique de l’époque et l’interchangibilité des tessitures vocales). Il s’y montre soliste de premier plan, sur les traces d’un Sances lui-même chanteur (mais ténor). Sens du texte, articulation variée, couleurs et projection, égalité des registres dans le grave et l’aigu, gestion de la tension et de l’arche dramatique du texte… confirment le talent de l’interprète, qui outre le chant, maîtrise aussi le théorbe, le clavecin, la harpe triple…

Même le baryton Olivier Berten relève le défi de l’écriture ornementée d’un Sances délicieusement inspiré par la figure adorable de l’Enfant et de Marie (duo salvum me fac o bone Iesu..). Moindre enthousiasme pour le ténor Reinoud Van Mechelen à l’articulation moins sûre et pour les deux sopranos, moins palpitantes que leurs partenaires chanteurs: timbre pincé voire aigre, mis à nu dans Domine ne memineris….

L’ensemble néanmoins s’ingénie à varier et à caractériser instrumentalement (très beau continuo) et vocalement chaque motet, trouvant une juste voie, entre expression et articulation.

Italianisme viennois

Bel engagement pour la ferveur du romain Sances (ici ses motets du Premier recueil complété par le Stabat du 2è recueil) qui fit une glorieuse carrière à Vienne et qui dès 1636, participe à l’essor des nouveaux théâtres d’opéras publics à Venise, avec son ouvrage L’Ermonia dans lequel il chante le rôle de Cadmo. C’est d’ailleurs sa voix de ténor qui lui permet d’intégrer en 1637, la Chapelle Impériale de Vienne au service des empereurs Ferdiannd II et III, puis de Leopold Ier, soit les souverains les plus mélomanes du XVIIè européen. Adulé pour son chat, Sances est même le chanteur le mieux payé de la place. Nommé vice-Kapellmeister (1649), puis Kappelmeister (1669), Sances incarne avec somptuosité et mordant, la domination des Italiens à la Cour viennoise. Puissance du sentiment, sensualité instrumentale: Sances avait tout pour séduire et hypnotiser ses auditeurs. Les jeunes interprètes du présent recueil nous en apportent la preuve éclatante.

Giovanni Felice Sances (ca 1600-1679): Motets. Dulcis amor Iesu, Stabat mater dolorosa… Scherzi Musicali. Nicolas Achten, chant (baryton) et direction.

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