Le 25 novembre à 20h45
Le 26 novembre à 13h45
Le 5 décembre à 15h45
Le 8 décembre à 3h50
Un Ballo in maschera
Le bal masqué
« Melodramma » en 3 actes
Crée le 17 février 1859 à Rome, au Teatro Apollo, ouvrage présenté pour la première fois à Paris, au Théâtre -Italien, le 13 janvier 1861. Livret de Antonio Somma, inspiré du drame d’Eugène Scribe, « Gustave III ou le Bal masqué »
Salvatore Licitra, Gustave III, Roi de Suède / Riccardo
Bruno Caproni, Comte Anckarstrom / Renato
Maria Guleghina, Amelia / la femme de Renato
Marina Pentcheva, Ulrica
Ofelia Sala, Oscar / Un page
Orchestre et choeur de la Scala de Milan
Ricardo Muti, direction
Liliana Cavani, mise-en-scène
Carlo Battistoni, réalisation vidéo
Que pensez de cette production de la Scala ?
L’une des meilleures réalisations milanaise de l’ère Muti. Cette production enregistrée sur le vif à la Scala de Milan en 2001 se montre à la hauteur du prestige de l’institution lyrique. Mise en scène efficace, chanteurs engagés et d’une indiscutable cohérence dramatique. Entre virilité et tendresse, la baguette de Riccardo Muti sait fouetter comme caresser, obtenant de l’orchestre, accents fantastiques, tragiques et sentimentaux.
Genèse
Depuis toujours, en dramaturge exigeant, Verdi affine la cohérence politique de ses intrigues. L’intensité des trames amoureuses est d’autant plus affûtée quand s’y mêle l’opposition des intérêts de pouvoir et d’argent. Et même si Simon Boccanegra ne suscite pas tout d’abord, le succès escompté lors de sa création le 12 mars 1857, Verdi reste occupé par un sujet sentimental et politique. Dès 1859, il réfléchit à son nouvel opéra, Il Ballo in Maschera.
Ce que n’avait pas mesuré le compositeur, c’est l’opposition de la censure face à une oeuvre séditieuse par son sujet : oser représenter le mueurtre d’un souverain sur la scène restait choquant. Depuis son origine, l’opéra tragique fait l’apologie des monarques et l’opera seria, depuis le XVIII ème siècle, encense précisément les vertus politiques du Prince Magnanime, héritée de l’Esprit des Lumières. Or imaginer un assassinat antimonarchiste, fut-il repris d’un fait historique, était un défi lancé contre les conservateurs et les tenants de la censure.
Antonio Somma, le librettiste de Verdi s’inspire tout d’abord de la pièce d’Eugène Scribe Gustave III ou Le Bal masqué. L’écrivain est un patriote déclaré, avocat et fondateur du Journal indépendantiste La Favilla. Le drame aborde l’assassinat du Roi Gustave III, francophile, admirateur des idéaux révolutionnaires, et exécuté par une balle de pistolet le 16 mars 1792, à un bal masqué donné à l’Opéra de Stockholm. Son agresseur — Jacob Johan Anckarström — fut arrêté mais le souverain expira de ses blessures, deux semaines plus tard.
En soi, le choix de Somma et de Verdi n’avait rien de nouveau : Auber en 1833, Gabussi en 1841, puis Mercadante en 1843, avaient déjà puisé à la même source avec leurs Gustave III, La Clemenza di Valois et Il Reggente respectifs.
Or depuis l’attentat d’Orsini contre Napoléon III le 14 janvier 1858, le contexte politique était sensible et vigilant sur le sujet. Verdi allait en pâtir.
Naples préalablement sollicité pour la création de l’opéra, refusa la partition et exigea des révisions drastiques. Rome ensuite fut interrogée : les changements demandés furent moins importants. De Suède, Verdi et Somma placèrent leur intrigue en
« Amérique du nord à l’époque de la domination anglaise », et Gustave III, roi de Suède devint Riccardo, comte de Warwick et gouverneur de Boston ; le capitaine Anckarström se transforma en Créole du nom de Renato, secrétaire de Riccardo et mari d’Amelia ; Mam’zelle Arvidson se mua en Ulrica, devineresse noire ; les comtes Ribbing et Horn furent rebaptisés Samuel et Tom, Cristiano mua en Silvano). Verdi qui avait achevé la partition en janvier 1858, et s’apprêtait à en finaliser l’orchestration, put voir confirmer la création d’Il Ballo, le 17 février 1859 au théâtre Apollo.
L’accueil de l’oeuvre
Les Romains applaudirent une oeuvre qui faisait écho au contexte politique. Preuve que Verdi avait raison d’exiger de ses librettistes, l’unité et la cohérence politique des sujets. Depuis Nabucco, Verdi incarnait la victoire finale des Italiens engagés autour de Victor-Emmanuel, contre les occupants autrichiens. Chacun voyait dans sa musique, l’idéal indépendantiste préservé, actif, prêt au combat. De fait, en avril 1859, le Piémont se soulevait contre l’Autriche.
Dans ce contexte politique, l’intrigue amoureuse Riccardo/Amelia gagne en épaisseur et véracité psychologique grâce à de nouveaux ingrédients conçus par Verdi : l’amitié Riccardo/Renato qui reste le centre de l’action. Renato demeure en dépit de tout fidèle à son maître jusqu’à ce qu’il découvre l’idylle entre son épouse Amélia et le Comte. Par blessure et trahison, il exécute moins par dessein politique que par affliction affective. Renato est le personnage clé de l’action et comme dans Rigoletto ou Boccanegra, un autre superbe rôle pour baryton. Au sérieux des sentiments amicaux et amoureux, le rôle d’Oscar, jeune page chanté par un mezzo, illustre le contrepoint comique et léger de l’action tragique.
D’ailleurs, l’écriture resserre l’action sur la ligne continu de son déroulement ininterrompu : moins d’airs autonomes et virtuoses, plus de cabalettes et de ressorts purement vocaux : le chanteur devient acteur d’un drame musicalement continu.
Avec son Ballo in maschera, Verdi montre qu’il connaît l’âme humaine en profondeur, et sous les masques de l’apparence, exprime les intentions intimes des personnages. Ballet des masques, le Ballo à son issue fatale, sait dévoiler la beauté qui fait les âmes vertueuses : coupable d’adultère, Riccardo fut-il aristocrate, n’a jamais en réalité été l’amant d’Amélia, par loyauté pour son ami Renato. Ainsi, l’idéal du Prince était sauf et sa morale politique préservée. Mais auparavant, que d’actions tragiques, de tensions opposées, de conflits et de traîtrises exprimés… autant d’exaltation propre à électriser l’audience. Ce que Giuseppe Verdi, en plus d’être excellent musicien, était aussi, remarquable dramaturge.
Synopsis
Acte 1. Un salon dans le palais du gouverneur.
Le comte Riccardo Warwick, gouverneur de Boston, s’inquiète de savoir
si celle qu’il aime, Amelia, femme de son secrétaire et ami Renato, est
présente sur la liste des invités conviés au bal masqué qu’il organise
prochainement. Renato se présente et informe le comte des menaces
d’attentat contre lui : mais Riccardo n’en a cure. Un juge fait son entrée et tend à Riccardo un décret condamnant la
devineresse Ulrica à l’exil. Le page Oscar plaide en sa faveur au point
que le comte décide d’aller incognito rendre visite à la prophétesse
afin de vérifier ses pouvoirs.
L’antre de la magicienne Ulrica. Riccardo se trouve à présent dans le temple de la devineresse. Un de
ses soldats, Silvano, sollicite les talents d’Ulrica. Mais celle-ci
interrompt bientôt ses divinations priant chacun de sortir pour
invoquer Satan. En réalité, elle doit recevoir Amelia qui entre après
le départ de l’assistance — Riccardo excepté, qui s’est caché dans un
recoin. Amelia désire oublier l’amour impossible qui la fait tant
souffrir. Ulrica lui préconise alors d’aller seule, cette nuit,
cueillir une herbe magique dans un lieu glacial et sombre à l’ouest de
Boston ; cette plante viendra à bout de ses tourments. Riccardo, qui a
entendu la conversation, jure de la suivre. Amelia s’éclipse et la
prophétesse reprend ses prédications affirmant au comte qu’il sera tué
par le premier homme à qui il serrera la main. Entre l’ami Renato qui
saisit la main de Riccardo. Ce dernier incrédule paie Ulrica sans
prendre au sérieux sa mise en garde.
Acte 2. Alors qu’Amelia semble tenaillée par la peur, Riccardo apparaît
soudain. Ses paroles enflammées poussent bientôt la jeune femme à lui
avouer son amour. Un bruit suspect surprend tout à coup les amoureux
qui reconnaissent, atterrés, la silhouette de Renato. Amelia baisse son
voile et Riccardo s’avance vers lui afin de le questionner sur sa
présence en ces lieux. Le secrétaire du comte apprend à son maître que
des conjurés l’observent et le menacent. Il doit fuir seul. Riccardo
confie alors à son ami la délicate mission de raccompagner sa
mystérieuse compagne jusqu’en ville sans lui adresser la parole. Renato
obéit avec déférence. Les conjurés s’approchent bientôt du couple.
Croyant avoir affaire à Riccardo, ils sont extrêmement surpris de
trouver Renato à sa place et obligent Amelia à retirer son voile.
Renato rongé par la jalousie et blessé par son épouse infidèle, rejoint
la conspiration.
Acte 3. Cabinet de travail chez Renato. Renato annonce à Amelia qu’elle mourra pour sa faute, puis se convainc
qu’un autre sang doit couler : celui du traître Riccardo. Les conjurés
se présentent comme convenu. Renato veut porter lui-même le coup fatal.
Une vaste et riche salle de bal:
Malgré un billet l’avertissant du danger qui le menace, Riccardo se
rend au bal. Après avoir fait pression sur le page Oscar, Renato
obtient du jeune homme le détail du costume sous lequel se cache le
comte. Alors qu’il échange ses derniers mots avec Amelia, Riccardo
s’effondre, frappé par le poignard de Renato. Avant d’expirer, le
gouverneur informe son ancien ami qu’il a aimé sa femme mais n’a jamais
outragé son honneur. Devant la loyauté prouvée du Comte, Renato
regrette son geste, mais Riccardo meurt en pardonannt aux conjurés.
Illustrations
Alexander Roslin, Gustave III de Suède (DR)
Alexander Roslin, la famille Jennings (DR)