Gluck: Alceste (1776)
Avant Scène Opéra n°256
Après un non moins excellent et complet dossier précédent dédié à La Dame du Lac de Rossini (La donna del Lago, événement lyrique à l’Opéra Garnier, à partir du 14 juin 2010), L’Alceste de Gluck engage toute une équipe de rédacteurs complémentaires pour expliquer la valeur de la partition.
Réalisé sous la direction de Michel Noiray, ce nouvel
opus d’Avant-Scène Opéra, met l’accent sur la cohérence
dramatique et la portée réformatrice de l’oeuvre de Gluck,
Alceste, jalon majeur de sa révolution lyrique opérée à Paris
dans les années 1770. L’opéra est l’événement du festival d’Aix en
Provence 2010 (avec Véronique Gens dans le rôle-titre, Joseph Kaiser en
Admète, du 2 au 13 juillet 2010. Freiburger Barockorchester. Ivor
Bolton, direction. Christof Loy, mise en scène).
Voici le modèle tragique par excellence où le sacrifice
des héros réalise la grandeur morale du propos. L’aimante et loyale
Alceste prouve dans l’action suicidaire qu’elle aime son époux Admète,
prisonnier des enfers. L’horreur de leur situation montre la cruauté
barbare et inhumaine des Dieux, de plus en plus inflexibles. Lire le
Guide d’écoute, pages 8 à 61 pour comprendre et suivre chaque
épisode de l’action, par le livret, d’abondantes photos des productions
déjà réalisées, par l’exemple musical surtout (nombreux motifs et
extraits de la partition, reproduits en regard du commentaire
explicatif). L’opéra de Gluck a vécu deux versions, en italien (Vienne,
1767) et en français (Paris, 1776). La publication analyse en profondeur
la version française qui est la plus jouée sur les scènes actuelles. Le
livret de Calzabigi et
Du Roullet tire sa force et sa puissance évocatoire de la tragédie
d’Euripide acclimatée à l’esthétique des Lumières: c’est un texte fort,
prenant, dont le rôle principal offre un personnage impressionnant aux
cantatrices (dont Maria Callas qui le chanta à La Scala en 1954. cf visuel
de
couverture de l’Avant Scène Opéra).
Le dossier approche toutes les facettes d’une oeuvre majeure de
l’opéra
français proposée par un étranger, favori de la jeune Reine
Marie-Antoinette: son « anticonformisme »; « la représentation du
surnaturel, source du sentiment de terreur » (comment grâce entre
autres,
à l’importance du choeur, l’opéra devient-il un rite?); c’est aussi le
portrait de la créatrice du rôle à Paris, Rosalie Levasseur, qui fut
formée par Gluck lui-même…; sa reprise romantique en 1861 grâce à la
cantatrice Pauline Viardot et à Berlioz qui réécrit une version d’époque
et en laisse une analyse toujours pertinente. Interpréter l’opéra
requiert deux chanteurs d’exception: une soprano sombre et tragique, un
ténor « possédé« : précisions sur les caractères et enjeux de leurs
rôles
respectifs.
L’éditeur sélectionne en outre plusieurs lettres et manifestes
des librettistes dont la teneur montre combien il était
important pour eux de réaliser une oeuvre décisive afin d’opérer une
rupture esthétique à leur époque: lettres de Calzabigi (au chancelier
Kaunitz…), préface pour Alceste (publiée à Vienne en 1769,
deux années après la création), rédigée par Gluck et Calzabigi; lettre
(dont une superbe reproduction du texte original écrit en français) de
Gluck (dans une graphie parfaitement lisible!) à Du Roullet pour son Alceste
parisienne de 1776.
Enfin, le
dossier comprend, volets complémentaires indispensables, un
bilan discographique et vidéographique de l’opéra de Gluck. Que
penser des apports et témoignages de Maria Callas en 1954 (sous la
direction de Giulini!), Kirsten Flagstad (1957), Eileen Farrell (1961),
Leyla Gencer (en 1967 puis 1972), Janet Baker (1981), Jessye Norman
(1982), Anne Sofie von Otter (1999)… pour le disque; ou encore de
Catherine Naglestad (2006) et Anne Sofie von Otter (1999, dirigée par
Gardiner dans la mise en scène de Robert Wilson) pour les rares
expériences captées pour le dvd?
Le numéro 256 d’Avant-Scène Opéra comprend aussi de nombreuses
critiques dvd et cd.
Gluck Christoph Willibald : Alceste. Avant
Scène Opéra n°256. 154 pages. ISBN 978-2-84385-275-6.
Parution : mai 2010.