André Ernest Modeste Grétry
Andromaque, 1780
Paris, TCE,
Le 18 octobre 2009 à 17h
Bruxelles, Bozar,
Le 19 octobre 2009 à 20h
Prosodie lyrique
L’art du chant déclamé comme au théâtre mais chanté selon les règles de la prosodie classique, permet au musicien d’égaler grâce aux vers particulièrement adaptés du poète (pour leur mise en musique), les grands dramaturges légendaires tels Corneille et Racine. C’est l’époque où l’opéra entend rivaliser voire supplanter le théâtre parlé des grands dramaturges classiques. Louis XIV a commandé un nouveau genre théâtral et musical capable de réaliser cette ambition « française ». Le résultat est dès leur époque tellement concluant, grâce au génie du poète et librettiste, Philippe Quinault, que Racine lui-même, concurrencé sur son champs poétique, délaisse dès 1686, la tragédie pour l’historiographie. Ses dernières pièces Esther (1689) et Athalie (1691) intègrent même de la musique pour sublimer encore, à l’instar des oeuvres de Lully et de Quinault, l’impact psychologique des vers.
Un siècle plus tard, en 1780, Grétry s’intéresse au grand genre. En particulier à l’art du chant classique: mais exprimer par la musique, les vertiges de l’âme humaine, présente bien des obstacles que seule, une plume aiguisée sait dompter et vaincre.
Pour Racine, une bonne pièce ce reconnaît quand elle sait plaire et toucher. Les stratèges diraient plus exactement: plaire pour toucher, c’est à dire séduire pour convaincre (cf. les marketeurs d’aujourd’hui). Même constat à l’opéra: du coeur à l’esprit, le verbe incarné suit et fusionne avec la mélodie, et les secousses du rythme semblent battre au coeur de la déraison et des langueurs indicibles. Avec Atys, Lully et Quinault triomphent déjà, grâce à la tendresse de leurs vers amoureux (Sanguaride/Atys, mais aussi Cybèle songeant au beau berger qui a ravi son cœur divin). Il s’agit aussi pour les auteurs, tragédie oblige, de vaincre les secrets de la déclamation musicale sombre et lugubre, voire réussir dans l’horreur, l’exhortation radicale, les pointes haineuses destructrices. Un tel état paraît quand Atys, possédé par Cybèle trahie, tue sa bien aimé et se suicide ensuite: hargne vengeresse, détestation ultime, vocifération, exhortation: le chanteur dispose d’une palette d’expressions et d’affects précisément codifiés, que Lebrun dans ses conférences illustrées de physiognomonie a scrupuleusement énoncés.
Egaler Racine, sur les traces de Lully et de Quinault…

« Le poème d’Andromaque exige une profonde sensibilité que Gluck, trop énergique, ne pouvait point avoir. C’était dans l’espoir de lui être supérieur dans cette partie, et parfaitement persuadé que je lui serais inférieur en force, que j’ai entrepris cet ouvrage« , déclarait Grétry, presque quadra, à propos d’Andromaque. Il demande au poète Pitra de réduire la pièce de Racine en 3 actes. Pour caractériser encore l’accompagnement des récits d’Andromaque, Grétry imagine 3 flûtes traversières dont la souple tendresse accentue et souligne la ligne du chant et ses méandres émotionnels.
Tels sont les défis de cette recréation très attendue: l’original ne fut guère applaudi du vivant de Grétry. Il s’agit en octobre 2009 d’une véritable recréation, à Paris puis à Bruxelles.
La recréation apportera-t-elle la réhabilitation espérée? Le théâtre de Grétry le mériterait: il est traversé par le sublime et le tragique, sans emphase. Réponse les 18 et 19 octobre à Paris et à Bruxelles.
Illustration: Grétry (DR)