vendredi 25 avril 2025

Grétry: Andromaque, 1780 Paris, Bruxelles. Les 18 et 19 octobre 2009

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André Ernest Modeste Grétry
Andromaque
, 1780

Paris, TCE,
Le 18 octobre 2009 à 17h


Bruxelles, Bozar,
Le 19 octobre 2009 à 20h

Pour ses 80 ans, la Salle Henry Le Bœuf, au Bozar de Bruxelles, présente, après Paris, la recréation mondiale de l’unique tragédie lyrique de Grétry (1741-1813): Andromaque de 1780. Le compositeur Liégeois, qui a fait carrière en France et bénéficia des faveurs de Marie-Antoinette, porte au théâtre et en musique, le texte légendaire de Racine (représenté pour la première fois devant la Cour de Louis XIV au Louvre, 1667). Grand orchestre, chœurs omniprésents, surtout attention millimétrée à l’articulation chantante et naturelle, palpitante et accentuée du texte, l’un des plus beaux de la littérature française : Hervé Niquet dirige cette Andromaque, oubliée, pépite méconnue de l’opéra français, depuis Lully et Rameau, opus lyrique, contemporain de la réforme opérée par Gluck.


Prosodie lyrique

Rien de plus difficile pour un compositeur que de se confronter à la tragédie en musique. Genre noble par excellence, porté dès 1676 (Atys) à son sommet poétique et expressif par Lully et le poète versificateur Philippe Quinault, l’opéra tragique est pour Grétry, « un labyrinthe charmant dans lequel une âme sensible peut errer longtemps au gré de ses désirs ».

L’art du chant déclamé comme au théâtre mais chanté selon les règles de la prosodie classique, permet au musicien d’égaler grâce aux vers particulièrement adaptés du poète (pour leur mise en musique), les grands dramaturges légendaires tels Corneille et Racine. C’est l’époque où l’opéra entend rivaliser voire supplanter le théâtre parlé des grands dramaturges classiques. Louis XIV a commandé un nouveau genre théâtral et musical capable de réaliser cette ambition « française ». Le résultat est dès leur époque tellement concluant, grâce au génie du poète et librettiste, Philippe Quinault, que Racine lui-même, concurrencé sur son champs poétique, délaisse dès 1686, la tragédie pour l’historiographie. Ses dernières pièces Esther (1689) et Athalie (1691) intègrent même de la musique pour sublimer encore, à l’instar des oeuvres de Lully et de Quinault, l’impact psychologique des vers.
Un siècle plus tard, en 1780, Grétry s’intéresse au grand genre. En particulier à l’art du chant classique: mais exprimer par la musique, les vertiges de l’âme humaine, présente bien des obstacles que seule, une plume aiguisée sait dompter et vaincre.



Pour Racine, une bonne pièce ce reconnaît quand elle sait plaire et toucher.
Les stratèges diraient plus exactement: plaire pour toucher, c’est à dire séduire pour convaincre (cf. les marketeurs d’aujourd’hui). Même constat à l’opéra: du coeur à l’esprit, le verbe incarné suit et fusionne avec la mélodie, et les secousses du rythme semblent battre au coeur de la déraison et des langueurs indicibles. Avec Atys, Lully et Quinault triomphent déjà, grâce à la tendresse de leurs vers amoureux (Sanguaride/Atys, mais aussi Cybèle songeant au beau berger qui a ravi son cœur divin). Il s’agit aussi pour les auteurs, tragédie oblige, de vaincre les secrets de la déclamation musicale sombre et lugubre, voire réussir dans l’horreur, l’exhortation radicale, les pointes haineuses destructrices. Un tel état paraît quand Atys, possédé par Cybèle trahie, tue sa bien aimé et se suicide ensuite: hargne vengeresse, détestation ultime, vocifération, exhortation: le chanteur dispose d’une palette d’expressions et d’affects précisément codifiés, que Lebrun dans ses conférences illustrées de physiognomonie a scrupuleusement énoncés.

Egaler Racine, sur les traces de Lully et de Quinault…

Tant de défis se présentent à Grétry lorsqu’il « ose » composer sa tragédie en musique. Le choix de Racine n’est pas anecdotique. Le compositeur des Lumières renoue avec Lully et Quinault, quand au siècle passé, ils entendaient déstabiliser l’auteur de Phèdre en inventant une nouveau théâtre musical tout aussi expressif et saisissant.

« Le poème d’Andromaque exige une profonde sensibilité que Gluck, trop énergique, ne pouvait point avoir. C’était dans l’espoir de lui être supérieur dans cette partie, et parfaitement persuadé que je lui serais inférieur en force, que j’ai entrepris cet ouvrage« , déclarait Grétry, presque quadra, à propos d’Andromaque. Il demande au poète Pitra de réduire la pièce de Racine en 3 actes. Pour caractériser encore l’accompagnement des récits d’Andromaque, Grétry imagine 3 flûtes traversières dont la souple tendresse accentue et souligne la ligne du chant et ses méandres émotionnels.
Le traitement musical des tempéraments en particulier celui d’Hermione dévoile le soin du compositeur dans la gestion instrumentale et mélodique des intentions du texte: récemment, la soprano Véronique Gens a révélé le récit et l’air: « C’est le seul espoir qui me reste..« : admirable architecture d’une langue musicale nouvelle dont la noblesse et la simplicité atteignent à la perfection de Quinault et … de Racine. L’aimée d’Oreste qui lui préfère Pyrrhus (sans retour) se désespère, entre haine et tendresse. Hermione aime Pyrrhus, ce dernier la délaisse pour… Andromaque (Véronique Gens: Tragédiennes 2, 1 cd Virgin Classics).

Tels sont les défis de cette recréation très attendue: l’original ne fut guère applaudi du vivant de Grétry. Il s’agit en octobre 2009 d’une véritable recréation, à Paris puis à Bruxelles.
La recréation apportera-t-elle la réhabilitation espérée? Le théâtre de Grétry le mériterait: il est traversé par le sublime et le tragique, sans emphase. Réponse les 18 et 19 octobre à Paris et à Bruxelles.

Judith Van Wanroij: Andromaque (soprano) – Maria Riccarda Wesseling: Hermione (mezzo) – Sébastien Guèze: Pyrrhus (ténor) – Tassis Christoyannis: Oreste (baryton) – Le Concert Spirituel. Hervé Niquet, direction.

Illustration: Grétry (DR)

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