dimanche 20 avril 2025

Gustav Mahler (1860-1911)

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Gustav Mahler fut surtout connu, de son vivant, comme chef d’orchestre. Cette activité principale bien qu’elle lui permit de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille, fut cependant vécue comme un calvaire nécessaire, d’autant plus contraignant qu’elle empêchait le compositeur de s’adonner à sa seule passion, l’écriture. C’est donc selon un rituel très organisé que Mahler, chaque été, se coupait du monde urbain et de l’activité musicale du restant de l’année, pour s’absorber dans l’édification de son œuvre, vocale et symphonique.

Au total, il écrira dix symphonies et de nombreux cycles de lieder dont le plus célèbre demeure le Chant de la terre (Das lied von der erde).

1. Naissance et apprentissage : éclosion du chef d’orchestre
Mahler est né en Bohême à Kalist, le 7 juillet 1860. Il passe cependant son enfance en Moravie où ses parents se sont établis. L’adolescent de 15 ans, rentre au conservatoire de Vienne (1875), pour étudier entre autres disciplines, le piano. A l’Université, il s’intéresse aussi aux conférences données par Anton Bruckner. Il se présente à son premier concours, et compose Das Klagende Lied, une œuvre conçue à l’origine comme un opéra mais qu’il remaniera par la suite, en cantate. Recalé, il s’oriente vers le métier de chef d’orchestre. Sa maîtrise de la baguette s’affirme progressivement. A chaque nouveau poste, Mahler enrichit son style, étend sa culture, approfondit sa connaissance des partitions.
Il dirige des orchestres de plus en plus importants, sur le plan du prestige et du niveau musical. Bbad Hall, Ljubljana (1881), Olomouc (1882), Kassel (1884), Prague (1885), Leipzig (1886), Budapest (1891), sont autant d’étapes franchies pendant ses années de formation. A Prague, il dirige les opéras de Gluck, Mozart Beethoven et Wagner. A Leipzig, en 1887, il se confronte même au cycle de l’Anneau du Nibelung, après qu’Arthur Nikisch soit tombé malade. Finalement, il se fixe pendant six années, comme chef à l’Opéra de Hambourg, jusqu’en 1897.

Parallèlement à la direction d’orchestre, il s’organise pour que pendant les mois d’été, le temps de repos qui lui est permis, soit destiné à l’écriture. Ainsi, il prend ses habitudes de composer pendant la pause estivale, tout d’abord à Steinbach-am-Attersee.
Là, il conçoit sa première symphonie, dite Titan, ainsi que les lieder « des Knaben Wunderhorn » ou « Cor enchanté de l’enfant ».

2. 1897-1907 : le directeur musical de l’Opéra de Vienne
L’année 1897, est capitale. A 37 ans, il change de sensibilité religieuse, et du judaïsme se convertit au catholicisme, pour occuper le très prestigieux poste de directeur musical de l’Opéra de Vienne. Pendant les dix années qui suivent, il affine sa manière et sa méthode, élargit les répertoires abordés, non sans se tailler une réputation de perfectionniste pointilleux. Or, le chef exige des répétitions préalables, se montre intraitable dans la préparation des œuvres. Le niveau musical de l’orchestre et de l’Institution Viennoise, gagne évidemment en qualité.
Après répétitions et représentations, Mahler se replie dans sa demeure d’été de Myernigg, où il se fait construire un ermitage de bois, édifié en pleine nature, au bord du lac Wörthersee. C’est dans ce milieu préservé, sur le motif naturel, qu’il compose la majorité de son œuvre symphonique, de la Deuxième à la Huitième symphonie.

L’année où Debussy créé Pelléas et Massenet révise son Werther pour baryton, Mahler épouse Alma Schindler en 1902. Il a 42 ans et son épouse, 24. Le couple aura deux filles, dont l’aînée mourra en 1907 causant le sentiment d’une perte irrémédiable, et dans le cœur du compositeur, une profonde meurtrissure, la sensation d’un malédiction qui ravive des traumatismes de l’enfance, quand jeune, il survécut à ses 7 frères et soeurs, morts en bas âge.
A cela s’ajoutent les difficultés de se faire un nom comme compositeur. Mahler ne suscitera guère d’attention et de reconnaissance qu’à partir de sa Troisième Symphonie, qui déclenche immédiatement son premier grand succès publique.
1907 marque plusieurs épreuves douloureuses. L’année où meurt sa fille, il perd aussi son emploi à l’Opéra de Vienne, certainement à la suite d’un contexte violemment antisémite. Il tentera de se défendre, mais en vain. En outre, les médecins diagnostiquent une maladie de cœur qui l’oblige à changer de mode de vie. Lui qui aimait les promenades dans la montagne, la bicyclette et la nage, se voit condamné s’il veut survivre, au train du moindre effort.
Le couple bat de l’aile. Alma qui est une pianiste accomplie et une musicienne avisée, encourage son mari mais sur le plan affectif se détache de lui. Mahler ressent tout cela et s’en ouvre à Sigmond Freud, avec lequel il fera une promenade salvatrice, selon ses mots, en 1910.

3. La maturité du créateur
Si dans l’intimité, l’homme souffre en silence, endurant pour lui-même des crises d’angoisses de plus en plus intenses, l’heure du compositeur, en revanche, a bel et bien sonné.
En 1910, la création à Munich de sa Huitième symphonie, dite Symphonie des Mille, dans le cadre de l’Exposition Universelle, suscite une ovation unanime.
S’il compte de fervents admirateurs qui reconnaissent l’étendue de son œuvre réformatrice et visionnaire, dont le jeune Alban Berg, Mahler n’eut jamais cependant une totale reconnaissance. Les critiques ont pour une bonne part aider à sa perte, soulignant son style vulgaire et systématique. Le climat d’inquiétude et la pression qui pèse sur les juifs, l’amènent à accepter en 1908, la direction d’une première saison au Metropolitan opera de New York. Hélas, il sera écarté au profit d’Arturo Toscanini. Cependant, même si son état physique s’est quelque peu délabré, il revient en 1909, diriger l’Orchestre philharmonique de New York.

4. La fin
Il achève alors sa Neuvième symphonie ainsi que le Chant de la terre dont le climat poétique suggère un détachement de plus en plus assumé.
Trop malade pour poursuivre son activité musicale, il demande à retourner à Vienne où il s’éteint le 18 mai 1911, en prononçant selon la légende, le nom de « Mozart ».

5. Aspects de l’oeuvre

Comme compositeur, Mahler interroge la forme musicale, sa capacité à développer un thème, une idée, à approfondir une pensée. C’est pourquoi héritier de la tradition symphonique, des Viennois, des romantiques, de Beethoven principalement, mais aussi de Bruckner, il ne reconnaît finalement qu’un seul prédécesseur digne de ses convictions : Wagner.

Chacune de ses symphonies repousse toujours plus loin, le cadre formel de la sonate classique, et surtout les références poétiques enrichissant le terreau de l’activité musicale.

Contrapuntiste remarquable, maniant avec dextérité et même facilité la riche texture polyphonique, Mahler multiplie les plans de lectures, de l’énonciation simple, voire naïve et sincère, à sa distanciation amère, cynique, dérisoire, parodique, caricaturale. Amertume et aigreur, mais aussi lyrisme à l’échelle du cosmos, ses œuvres expriment chacune l’apsiration à la paix, la sérénité, le repos, l’éternité, la béatitude d’autant plus désirée que le destin ne l’aura pas épargné ni dans sa vie de père et d’époux, ni dans la longue route semée d’épines et d’obstacles, au terme de laquelle son oeuvre suscita une progressive reconnaissance voire une compréhension profonde de son œuvr
e. En définitive, la juste appréciation du cycle symphonique est un apport du XX ème siècle, plus particulièrement de l’industrie du disque. Pas un chef d’orchestre de renom, qui n’est voulu aborder les massifs de la cosmogonie mahlérienne, afin d’éprouver les vertiges et les aspérités d’une oeuvre exaltante.


6. Classification du cycle symphonique

Le corpus de ses symphonies est habituellement divisé en trois groupes ;

Le premier groupe concerne les quatre premières symphonies qui partagent les thèmes et le climat enchanteur, mais aussi lié à l’enfance, du Knaben wunderhorn dont les textes puisent à la source des évocations des poètes, Arnim et Brentano.

Le second groupe comprend les trois symphonies suivantes, de la 5è à la 7ème : Mahler y expérimente sans le concours de la voix, de nouveaux expressifs, davantage personnels, puisant dans les seules ressources de l’orchestre, une énergie sombre et tragique, que l’on aurait tort de réduire à l’expression d’une tension autobiographique marquée par le sentiment de l’échec et de l’effondrement. La compositeur a lui-même indiqué quelque indices quant à la façon juste de concevoir son univers symphonique : certes se sont bien deux énergies qui s’affrontent en apparence. Mais le fond de la création n’est pas tant de souligner ce qui les oppose, que de constater leur nature antagoniste, de l’absorber et de la résoudre dans l’activité musicale. Mahler s’est déclaré du côté de Pan, dieu des énergies imprévisibles de la nature. La place du musicien face à la nature qui le dépasse, n’est pas dans le gouffre, mais au bord, s’imprégnant du mouvement des astres et du cosmos, en communion avec le mystère des éléments, dont ses partitions restitueraient la vibration.

Le dernier groupe recouvre les œuvres ultimes, à partir de la Huitième symphonie.
Enrichissement de la texture polyphonique, élargissement du spectre sonore, surtout captation des vibrations du cosmos. Mahler ouvre des champs et des perspectives totalement inédits. C’est la quête d’un homme, fervent sincère, désireux d’absolu et d’éternité. Lui qui sur le manuscrit de la Dixième symphonie, laissée inachevée, écrit à son épouse Alma qui lui préfère son amant, en l’occurrence à l’époque, l’architecte Walter Gropius.

Alchimiste des grandes formes, Mahler n’a jamais perdu pour autant son habilité de l’orchestration. Une sensibilité à la texture et aux couleurs de l’orchestre, d’une imagination audacieuse, déconcertante, inouïe.
Sa pratique libre de la tonalité, usant des dissonances aux endroits clés du déroulement musical, l’utilisation des instruments dans l’extrêmité de leur tessiture, créant des aspérités de couleurs et de timbres ouvrent la voie à l’avant-garde, celle des partisans de l’atonalité.

Compositeur, il exerce une influence déterminante sur les auteurs du XX ème siècle : Richard Strauss, ardent spectateur de ses symphonies et présent à leur création, Alan Berg, Arnold Schönberg, Anton Webern, et les chefs, Bruno Walter et Otto Klemperer, auxquels il n’hésita pas apporter son soutien dans la progression de leur carrière.

Catalogue indicatif

Les Symphonies

Symphonie n° 1 en ré majeur, Titan (1884-1888)
Symphonie n° 2 en do mineur, Résurrection (1887-1894)
Symphonie n° 3 en ré mineur (1893-1896)
Symphonie n° 4 en sol majeur (1899-1901)
Symphonie n° 5 en do dièse mineur (1901-1902)
Symphonie n° 6 en la mineur, Tragique (1903-1905)
Symphonie n° 7 en si mineur (1904-1906)
Symphonie n° 8 en mi bémol majeur, Symphonie des mille (1906-1907)
Symphonie n° 9 en ré majeur (1909-1910)
Symphonie n° 10 en fa dièse majeur (1909-1910), inachevée.

Œuvres vocales

Das Klagende Lied (Le chant plaintif)
version opéra (1878-1880), version cantate (1896-1898)

Drei Lieder (Trois lieder)
pour ténor et piano (1880)

Lieder und Gesänge aus der Jungendzeit
( 5 Lieder de jeunesse) pour voix avec piano 1880-1883

Lieder eines fahrenden Gesellen
(Chants d’un compagnon errant)
pour voix et piano ou orchestre (1883-1885)

Wunderhorn-lieder (9 Chants) (1888-1891)

Lieder aus « Des Knaben Wunderhorn »
( 10 Lieder du «Cor Enchanté de l’Enfant»)
pour voix et orchestre (1892-1896, deux autres en 1899 et 1901)

Rückert Lieder 4 lieder pour voix et piano ou orchestre (1901-1903)

Kindertotenlieder 5 lieder pour voix et orchestre (1901-1904)

Lieder eines Fahrenden Geselles 4 lieder (1904)

Das Lied von der Erde (Le chant de la terre)
pour voix et orchestre (1907-1909)


Musique de chambre

Klavierquartett (Quatuor avec piano), composé en 1876.

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