mardi 6 mai 2025

Gustav Mahler: Symphonie n°6. David Zinman (1 cd RCA red seal)

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Symphonie
introspective, fulgurante, auto analytique, la « Tragique » dévoile comme
à coeur ouvert, la multiciplité palpitante des conflits oppressant
l’âme du compositeur. D’un magma puissant et complexe, Zinman échafaude
une fresque sublime par ses éclairs comme sa compréhension profonde du
cynisme tendre et amer de Mahler. Lecture superlative, l’une des plus
abouties de son cycle en cours. Evénement de cette fin d’année 2008

Poursuite de l’intégrale Mahlérienne par David Zinman
à la tête de son orchestre de la Tonhalle de Zürich. Symphonie du
destin, la 6ème l’est certainement car Mahler y exprime à la fois un
lien tendre et irrécusable pour la vie, et d’un autre côté un adieu à
tout ce qu’il a connu, sous le poids d’une conscience cynique et amère
de son expérience propre: les 3 coups tragiques qui ferment ce cycle
réaliste, autobiographique, sans voile ni atténuation d’aucune sorte,
appellent la tragédie de sa carrière et de son existence: la mort de sa
fille, sa démission de l’Opéra de Vienne, sa maladie incurable (3 actes
tragiques qui surviendront, anticipation terrifiante de l’homme sur lui
même, quelques années après la composition). Tout l’édifice porte en
filigrane la coloration profonde de cette triple découverte. Zinman
démontre un sens supérieur de la dramaturgie intérieure, déployant des
couleurs et des nuances absolument sublimes dans le mouvement II « andante moderato« ,
à la fois d’une tendresse ivre qui tend au retour à l’éblouissement et
à l’innocence, et aussi traversé par un sentiment d’accablement
insurmontable. Le flux organique grâce à la fusion ciselée des pupitres
exprime idéalement toutes les facettes d’une activité musicale
fortement investie dont le continuum s’écoule au battement de
l’orchestre comme un coeur palpitant.

Composée au cours des été 1903 et 1904,
puis créée à Essen en mai 1906, la partition recèle des trésors de
climats mordants, cyniques, grimaçants, démonstratifs, claironnants
mais que sous-tend, in fine, une sentiment grave de la vie. Le Finale
à ce titre est un festival d’éclats et de lueurs grinçantes,
crépusculaires, aigres, aux reflets pourtant mordorés (évocation
pastorales grâce au hautbois, ou des prés alpestres comme le suggère la
cloche des vaches). Geste mesuré et aussi vifs et nerveux, la baguette
du chef saisit la fresque personnelle avec une rare intelligence, ne
cédant qu’utilement et de façon méticuleuse, à l’épanchement. La clarté
de tous les épisodes s’avère bouleversante: jamais l’esprit du
compositeur n’était apparu avec autant d’évidentes contradictions, de
complexité et de sincérité mêlées. On sait combien Mahler qui dirigeait
son oeuvre, ne souhaitait pas être lui-même submergé par un trop plein
d’émotion. Or après avoir créé l’oeuvre à Essen, selon le témoignage de
son épouse Alma, il mit un certain temps pour reprendre ses esprits en
coulisses.

A mesure que les mouvements se succèdent, le flot
impétueux des pensées tournoyantes étreignent davantage leur victime,
dessinant comme rarement dans une oeuvre symphonique, le passage de la
lumière aux … ténèbres. Ce voyage que Mahler brosse en son fort
intérieur, au coeur de lui-même, que Zinman, analytique, lyrique,
synthétique, restitue magnifiquement grâce à un orchestre remarquable,
est certainement l’expérience la plus émouvante à vivre en concert ou
au disque. La prise sacd ajoute évidemment à la profondeur et à la
vivacité de cette gravure superlative, enregistrée en mai 2007 à Zürich.

Gustav Mahler (1860-1911): Symphonie n°6 « Tragique ». Tonhalle Orchestra Zürich. David Zinman, direction

Illustrations: David Zinman © P.Ketterer

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