Jubilatoire ! La nouvelle lecture des Concerti grossi opus 6 du jeune Haendel par Il Giardino Armonico, sous la baguette de son chef depuis 20 ans en 2009 (nommé en 1989), Giovanni Antonini confirme le tempérament exaltant et intérieur de la phalange milanaise (constituée en 1985). Ce nouvel album, superbe réalisation placée sous le sceau de la vitalité et de la finesse, renouvelle notre compréhension d’une oeuvre baroque majeure, composée pendant le séjour italien (Rome et Venise) de Haendel. CD événement de janvier 2009
Quand certains se lamentent, partant du constat que la furià baroqueuse s’est quelque peu émoussée, manquant depuis sa révolution d’il y a 35 ans, de nerf, d’audace, de tempérament, la franche vitalité et la subtilité poétique du Giardino Armonico (phalange milanaise fondée en 1985) qui a fait à ses débuts les succès de vente du label Teldec, montre une maestrià communicative, à la fois, éloquente et gorgée d’une saisissante énergie. Decca, pour sa collection baroque L’Oiseau Lyre a signé un nouveau contrat exclusif en 2008, avec l’ensemble électrisé par son chef charismatique Giovanni Antonini. Le geste a mûri, conservant sa souplesse suggestive sans sacrifier la profondeur et la sensibilité des intentions poétiques. Pour l’année Haendel (2009 marque en effet les 250 ans de la mort du Saxon), voici donc un nouvel opus qui s’inscrit d’emblée dans le sillon innovateur et mordant d’un Harnoncourt, célébré à son époque pour sa santé savoureuse, sa science des contrastes et des rebonds habités, d’une belle et égale constance.
La phalange qui s’est trouvé une résidence propice à son travail d’approfondissement des oeuvres, à Valladolid (Centro Cultural Miguel Delibes, depuis le printemps 2007) déploie un solarisme méditerranéen dans le cycle des Concerti Grossi, qui eux-même dans l’histoire du genre, renvoie évidemment au luminisme de Corelli, à la fin du XVIIème siècle.
L’enthousiasme y convole avec la finesse; l’esprit d’une pure jubilation avec le sentiment de l’intériorité. Continûment contrastés, palpitants, sachant nuancer, les instrumentistes nous délivrent une leçon de raffinement instrumental et gestuel, passionné et donc, passionnant. Giovanni Antonini excelle en particulier à ciseler chaque climat musical, soulignant combien l’alternance solistes/masse orchestrale (concertino/ripieno) ne suffit pas seule, à relancer la tension: à une rythmique précise, le chef sait aussi varier la texture sonore des timbres (la partie de hautbois ajoutée tardivement par Haendel et souvent écartée, a été ainsi restituée dans les Concerti 1,2, 5 et 6), trouvant et l’équilibre requis pour soigner et enrichir une sonorité fluide et cohérente, et la diversité émotionnelle de chaque épisode, traité comme le ferait un peintre d’une série de paysages. En outre, le cycle des tableaux musicaux confirme ici une personnalité évidente.
Une telle science de la vitalité détaillée s’était déjà écoutée et révélée dans l’Album Vivaldi de Cecilia Bartoli où instrumentistes et chefs apportaient leurs teintes particulièrement abouties. Le nerf dramatique et sanguin affirme une lecture investie qui sait se renouveler, et varier, du début à la fin. L’imagination s’avère intarissable, d’autant plus efficace et percutante qu’elle sert une esthétique fondée sur l’exaltation et la subtilité. Voilà une interprétation épanouie et accomplie qui s’inscrit dans ce qu’ont donné de mieux à leur époque, Harnoncourt et Goebel: Giovanni Antonini y apporte ce zeste d’italianità, entre naturel, légèreté, élégance, dramatisme qui lui est décidément propre et qui de notre point de vue, égale voire surclasse les meilleures gravures d’un Minkowski pourtant champion reconnu dans les oeuvres italiennes du Saxon.
La fraîcheur de la lecture pointe le visage italien du Haendel juvénile et ardent, d’une vingtaine d’années, celui qui se forme (et se trouve) en Italie, à Venise et à Rome (1707-1709). L’aisance et la souplesse, les couleurs et la lumière, la profondeur et le tempérament font de cet enregistrement une nouvelle référence de l’oeuvre. Antonini ressuscite ce Haendel italien, exubérant mais rond, ni solennel ni creux, d’une justesse et d’une vérité de ton, jubilatoires.
Les fans dont nous sommes suivront pas à pas les étapes d’un travail captivant. Outre les Concerti Grossi de Haendel qu’ils ont joué à Paris le 12 janvier dernier, instrumentistes et chef donneront un nouveau programme (thématique autour des larmes du Christ au travers de la Vierge (« lamentation de la Vierge », « The Virgin’s Lament », Il pianto di Maria) au concert en France le 4 juin 2009. Le disque est annoncé en avril 2009 (avec Bernarda Fink). Alors le Baroque en perte de souffle? Pas vraiment. Mis en parallèle avec la même invention intériorisée et palpitante d’Amandine Beyer dans l’ultra connue et remâchée partition des Quatre Saisons vivaldiennes, le disque est une perle baroque que vous aimerez écouter et réécouter pour en mesurer tout le fini et le métier… Nous voici en présence d’un orchestre confondant par sa sonorité et sa virtuosité poétique… Aux côtés de Haendel, Il Giardino Armonico fête aussi Haydn, autre compositeur à l’honneur en 2009; l’orchestre annonce en tournée (Allemagne et Autriche) plusieurs concerts dédiés aux Symphonies de jeunesse du Viennois.
Georg Friedrich Haendel (1685 – 1759): 12 Concerti grossi, op. 6. Concertos N°1 en sol majeur – N°2 en fa majeur – N°3 en mi mineur – N°4 en la mineur – N°5 en ré majeur – N°6 en sol mineur – N°7 en si bémol majeur – N° 8 en ut mineur – N°9 fa majeur – N°10 en ré mineur – N°11 en la majeur & N°12 en si mineur. Il Giardino Armonico. Giovanni Antonini, direction.
Illustration: Giovanni Antonini (DR)
