vendredi 18 avril 2025

Hector Berlioz: Episode de la vie d’un artiste (1830-1832) Radio, concert. Muti, Herreweghe. Les 26 février puis 14 avril 2009

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Hector Berlioz
Episode de la vie d’un artiste
(1830-1832)
Symphonie Fantastique
Lélio ou le retour à la vie

diptyque symphonique et lyrique

Vague d’intérêt croisé pour une partition mésestimée de Berlioz dans sa forme originelle en deux volets. Episode de la vie d’un artiste comprenant la Symphonie Fantastique puis sa suite et fin, « Lélio, ou le retour à la vie », est une épopée personnelle et intime qui exprime l’idéal esthétique et musical d’Hector Berlioz au début des années 1830. La figure de l’aimée inaccessible, proche de Beethoven, se précise et surtout s’y mêle aux divagations amères, éperdues d’un jeune poète meurtri exalté par les effets de l’opium sur sa sensibilité exacerbée. L’oeuvre est musicalement fascinante et audacieuse, mais elle est aussi un défi pour les hommes de théâtre désireux de s’y confronter. Ce principe du dramatiquement ouvert » pourrait laisser envisager un nouveau futur pour le cycle complet… A partir du 26 février puis le 14 avril 2009, deux chefs aux options distinctes ressuscitent le mythe musical: Riccardo Muti puis Philippe Herreweghe dans une version scénographiée…

Jeudi 26 février 2009 à 20h
France Musique, en direct du Théâtre des Champs Elysées
Gérard Depardieu, Orchestre National de France. Riccardo Muti, direction

Mardi 14 avril 2009
Poitiers, TAP

Orchestre des Champs Elysées
Philippe Herreweghe, direction
Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, mise en scène


Fantastique, 1830

Episode de la vie d’un artiste est un volet autobiographique dans l’oeuvre de Berlioz, qui comprend deux volets: la Symphonie Fantastique puis Lélio ou le Retour à la vie.
C’est un diptyque particulier composé d’oeuvres hétérogènes (Lélio composé un an après la Fantastique, en 1831, est un ensemble de pièces antérieures recyclées) qui néanmoins visent à constituer un ensemble cohérent.
L’habitude a cependant distingué les deux volets, et chacun est joué au concert séparément au risque de perdre le fil dramatique et musical que Berlioz avait conçu au préalable. De son vivant Berlioz a fait représenter l’ensemble à deux têtes, en 1832, 1835 puis en 1855. Entretemps, Lélio, de « mélologue » est devenu « monodrame lyrique ».

Tout part de la volonté de Berlioz de prolonger l’exemple de Beethoven qu’il écoute médusé et fasciné au Conservatoire: les Symphonies sont jouées à partir de 1828. A sa création au Conservatoire de Paris, le 5 décembre 1830, la Symphonie Fantastique suscite un énorme succès. Sous l’influence du Faust de Goethe, Berlioz y déverse sa fureur démoniaque et fantastique, en particulier dans les mouvements Rêveries/passions, et Songe d’une nuit de Sabbat, dont le développement et la couleur renvoient directement dans le texte goethéen au Cabinet d’étude et à la Nuit de Sabbat. En musicien cultivé, lecteur passionné, Berlioz ajoute aussi plusieurs références à René de Chateaubriand ou aux Contes Fantastiques de Hoffmann. Il y est aussi question des vapeurs d’opium dessinées par Thomas de Quincey (Confessions d’un mangeur d’opium)… Le musicien y dépeint non sans délire et visions troubles, sa mélancolie désespérée après l’échec de ses tentatives amoureuses avec la femme inaccessible dont les visages dans la réalité sont ceux d’Henriette Smithson et de Camille Moke.
En vérité comme c’est le cas de nombreuses partitions, la Fantastique est le sujet de constantes retouches et révisions, de 1828 à 1845. Si l’on suit le livret programme précisant l’enchaînement de l’action musicale, Berlioz imagine son héros qui sous l’effet de l’opium se remémore l’amour qui le dévore pour la belle aimée, inaccessible. Dans un bal, il la retrouve. La douceur du souvenir est mêlé à l’épisode du Ranz de vaches (scène bucolique du dialogue des deux pâtres). L’aimée reparaît et l’amoureux éconduit rêve qu’il la tue. Condamné à mort, il erre supplicié, bientôt en proie aux visions hideuses du Sabbat des sorcières et autres monstres affreux… Sarcasme, parodie, orgie: tout s’achève dans le fracas qui a raison de la raison du poète maudit.


Lélio, 1832

Electrisé par le succès de sa Fantastique, Berlioz conçoit très vite une suite: Lélio (comme il fera aussi la trame d’Harold en Italie). Le 9 décembre 1932, le tout-Paris, littéraire et artistique est en rangs serrés pour écouter avec acuité toutes les clés nouvelles cachées dans une oeuvre que chacun tient pour un roman autobiographique. Le « Mélologue » initial associe récitation et musique, puis l’auteur modifie son plan initial et Lélio, rebaptisé Retour à la vie (pour offrir une suite cohérente au Sabbat suicidaire de la Symphonie Fantastique) devient un monodrame lyrique à partir de sa dernière révision d’importance en 1855. Le fantasque et le grotesque excentrique sont tout d’abord de mise: Lélio est un personnage à panache, frappé d’autodérision qui a pour origine la Commedia dell’Arte. Les références confirmées par Berlioz honorent en particulier Goethe, Moore et Shakespeare… ce dernier est adoré par Berlioz qui ainsi s’inscrit dans la suite de Mendelssohn, le premier compositeur romantique à avoir mis en musique le divin William. Sur le plan musical, Berlioz recycle nombre de matériau antérieur, provenant de ses Cantates pour le Prix de Rome, de l’Ouverture de la Tempête, de la mort d’Ophélie… autant de réminiscences fortement shakespeariennes.
Selon les didascalies du compositeur, Lélio chanteur soliste et récitant doit se tenir devant la toile… les choeurs et l’orchestre étant quant à eux placés, non visibles, derrière la scène.

La partition outre sa mise en scène inédite et d’un parti tout à fait original (semblable à l’essence de La Damnation de Faust dont la scénographie originelle se prête aujourd’hui à moulte dispositifs de mise en scène), fascine par ses effets théâtraux et musicaux. Dans l’orchestration, Berlioz a utilisé 2 pianos, fait nouveau qui montre le soin quasi maniaque de l’auteur quant à la sonorité et aux couleurs de son orchestre. La palette expressive des climats que les musiciens font entendre pourrait être une synthèse de tous les opéras romantiques des années 1830. En conclusion, comme enchaîné à ses propres hantises/angoisses, Berlioz/Lélio fait retentir l’idée fixe, le motif de l’aimée inaccessible. Le propre du créateur serait-il dans le désir non exaucé, dans l’élan amer et lyrique, sincère mais voué à l’échec. Pas de passion sans malédiction.

Mardi 14 avril 2009
Poitiers, TAP

Orchestre des Champs Elysées
Philippe Herreweghe, direction

Vidéo et scénographie: Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil. Concepteur lumières: Rick Martin. Ténor: Robert Getchell. Baryton: Pierre-Yves Pruvot. Acteur: Marcial di Fonzo Bo. Actrices: Marie-Julie Debeaulieu, Lodie Kardouss, Blanche Konrad, Chloé Merigot, Aline Pourbaix, Gabrielle Weischbuch. Orchestre des Champs-Élysées. Jeune Choeur de Paris (Geoffroy Jourdain – Poitiers). Choeur de l’Orchestre Symphonique de l’État de Sao Paulo (Naomi Munakata – Brésil). Choeur XX (XX – Argentine). Philippe Herreweghe, direction

Illustrations: Autoportrait de Dominique Ingres par Julie Forestier (circa 1807), autoportrait de Delacroix, autoportrait présumé de Géricault (DR)

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