mardi 22 avril 2025

Henri Duparc: lettres à Jean Cras, « le fils de mon âme ». Editions Symétrie

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Duparc et Cras en miroir

Duparc s’adressant à Jean Cras: une correspondance passionnante (presque 100 lettres ainsi publiées, de 1901 à 1920, commentées, annotées) qui dévoile un peu de l’identité secrète et profonde des deux compositeurs en miroir. Hélas ce duo n’a qu’une seule voix: les réponses et envois de Jean Cras ont disparu avec l’incendie du château des Duparc à Mondégourat en 1935. Perte inestimable.

Voilà donc un pan d’un monument de pertinence esthétique sur le travail du compositeur.
L’angoisse créatrice d’un Duparc (admirateur de Wagner), fataliste et amer, qui se sent maudit, possédé, anéanti… qui atteint d’une tristesse sans fin est mort aveugle, s’exprime dans plusieurs lettres admirables. Celui qui le rencontre alors, y trouve une source féconde néanmoins pour son art personnel, un apprentissage où il convient de « désosser » les fugues de Bach ou les sonates de Beethoven; une filiation qui le rattache au maître vénéré avant tous, César Franck dont il diffuse un peu de l’idéal esthétique…
Le marin Jean Cras dont Duparc disait qu’il était « le fils de mon âme » (dénomination inscrite en couverture du livre), ressuscite aussi: défenseur d’une musique qui atteint l’âme et l’élève, plutôt qu’elle n’irrite les nerfs…
Duparc au nom d’une idée de la musique, plus spirituelle que sensuelle, nuance le génie de Berlioz, trop polymorphe, fustige Strauss (« érotomane boche« ), ironise sur les impressionnistes en musique (faiseurs de bulles de savon), regrette l’absence de frisson dans l’Ariane de Dukas, mais admire Roussel…

Ses mots sur le drame musical, lui qui a finalement détruit son opéra Roussalka au nom de l’exigence, s’avèrent captivants. Ses remarques à propos du drame breton, Polyphème de son disciple Cras (comme il a su si bien conseiller Chausson pour Le Roi Arthus) sont à ce titre lumineux.
Le bénéfice des lettres ainsi regroupées est immense. Saluons le soin de Stéphane Topakian qui les a analysées et les restitue dans la violence et la franchise originelle de leur message. L’apport est inestimable quant à la connaissance du travail d’Henri Duparc et de Jean Cras.

Henri Duparc: Lettres à Jean Cras, « le fils de mon âme ». Editions Symétrie, collection « Perpetuum mobile ». 180 pages. 30 euros.


Les textes présentés sont complétés par des repères biographiques sur la vie des deux compositeurs; par une discographie dont, concernant Jean Cras, l’intégrale en cours chez le label Timpani dont Stéphane Topakian est le directeur, s’avère incontournable.

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