(1659-1695)
Le compositeur des Rois
Henry Purcell formé dans la Chapelle Royale comme chanteur puis organiste officiel (et virtuose à la succession de Blow), sert plusieurs monarques au fil de l’histoire tourmentée de la royauté anglaise. Il sera français sous Charles II, puis italien quand Guillaume et Marie occupent le trône britannique… La facilité éclectique du musicien s’impose à nous, comme son génie capable de synthèse. En dépit de l’aveuglement de son public (qui boude la maîtrise de Didon et Enée, 1692), Purcell offre à l’Angleterre baroque, son opéra national, digne concurrent de Lully ou des italiens.
La Restauration: Charles II (1677-1685)
Purcell sous Charles II (né en 1630), monarque avisé qui sait s’épargner la décapitation à l’inverse de son père Charles Ier, suit le goût français de son royal patron. Le Roi, à défaut de réaliser un grand dessein pour ses sujets, préfère relever l’éclat de sa Cour. En souverain raffiné, Charles II suscite l’une des Cours les plus éduquées et fastueuses d’Europe, dominé alors par Louis XIV et le modèle versaillais. Quand Charles occupe le trône, Quinault et Lully ont déjà porté l’opéra français à son premier sommet avec Atys (1676): tragédie en musique qui égale le noeud fascinant des meilleures pièces de Racine, en combinant au texte continûment chanté et déclamé, la poésie des instruments, l’enchantement des tableaux mi sentimentaux et féeriques, mi amoureux et fantastiques (tableau du Sommeil d’Atys au III)… Charles II a choisi comme architecte officiel Christopher Wren (au style antiquisant néo palladien); John Dryden est son poète attitré, génie affûté des couplets satiriques et des héroïques.
C’est l’ère de la Restauration monarchique, une sorte de retour à la royauté vécu comme un âge d’or, soutenu en cela par le monarque soucieux de restaurer de façon éclatante son autorité et le prestige du régime. Purcell participe activement à l’essor des arts: il est nommé compositeur des Violons du Roi (en 1677), oeuvre pour la Chapelle Royale, composant verse Anthems, beaucoup de musique de consorts, ainsi qu’une abondante musique pour violon (hélas perdue dans l’incendie de White Hall en 1698).
Theodosius puis Diocletian
Purcell fournit sa première musique théâtrale Theodosius or The force of love (partition vocale et instrumentale), qui est une tragédie de Nathaniel Lee (créée au Dorset Garden).
Charles II cousin de Louis XIV, vit à l’heure française. Il a repris de son modèle gaullois, le principe des Violons du Roi, confié à Purcell. Après avoir échappé à un complot, il peut désormais règner sans convoquer le Parlement favorisant d’autant plus le rayonnement de la création artistique.
Même s’il vit une carrière somme toute courte (18 années d’activité, de 1677 à 1695, date de sa mort à seulement 36 ans), Purcell se laisse clairement influencé par l’emphase et l’élégance de Lully, tout en se prononçant clairement pour les Italiens.
Dans son premier ouvrage d’envergure, Diocletian or The Prophetess (1690), et jusqu’à The Fairy Queen (1695), le compositeur se montre indiscutablement connaisseur de la pompe versaillaise, même si depuis 1685 -quand meurt Charles II- le goût ouvertement français de la Cour anglaise a décliné. Par ailleurs, L’ode de Draghi « From Harmony, from Haevanly Harmony » (sur un poème de Dryden), précise la mainmise des Italiens à la Cour britannique.
Le 6 février 1685, la Restauration est brusquement arrêtée: Charles II meurt d’apoplexie à 55 ans.
CD
Purcell: The Fairy Queen, The Prophetess (Diocletian). Jordi Savall

Entre 1690 et 1692, soit au terme d’une carrière musicale fauchée trop tôt, Purcell développe son langage théâtral dans le genre « semi opéra », spécifiquement anglais (la musique s’intercale entre des scènes parlées: le public londonien rechigne à applaudir les oeuvres continûment chantées), même si Didon et Enée (1692) peut être à juste titre, considéré comme un opéra proprement dit. The Prophetess qui regroupe l’ensemble de la musique de scène de Diocletian, débute par une série de séquences (First et Second Musik) d’une solennité toute lullyste, marquant par sa grandeur et sa majesté dansante, l’influence du style de la Cour contemporaine de Louis XIV: d’ailleurs, sous le règne de Charles II (décédé en 1685), Purcell, fidèle sujet, s’est montré perméable au goût résolument français du souverain Stuart. Mobile, versatile, d’une aisance d’assimilation stupéfiante voire universaliste, Purcell aspire les tendances majeures de son époque
(1 cd Alia Vox)
Illustrations: Henry Purcell, Charles II par Peter Lely, circa 1675 (DR)